Algérie

Tlemcen: Les fidaïs se souviennent



C'est comme si à l'association des condamnés à mort (54-62), présidée par M. Mustapha Megnounif, et chez les anciens moudjahidine, un besoin irrépressible se fait sentir pour écrire l'histoire mais aussi pour redonner vie à chaque haut fait historique et surtout recouvrer une vérité.

C'est le cas pour cette date du 4 juin 1957 qui a été commémorée ce jeudi par d'anciens membres des cellules de fidaï. C'était aussi l'occasion pour quelques éclaircissements sur cette journée sanglante où l'on a procédé par recoupements pour reconstituer les évènements selon des témoignages poignants.

«Il n'est pas du tout question de dire que les populations européenne et juive avaient été averties des attentats qui allaient se produire lors du 4 juin 1957, lancera d'emblée M. Bellahcène Bali, membre de l'ALN, responsable de plusieurs groupes de fidaï, chercheur en histoire et auteur de plusieurs historiques, dont «L'Epopée d'une jeunesse saignée à blanc» et «Mémoires d'une jeune combattant de l'ALN». Les attentats du 4 juin 1957, qui ont touché la ville de Tlemcen, sont venus suite à la léthargie de la part des groupes de fidaï qui diminuèrent brutalement les cotisations (de 45 millions de centimes au mois d'avril 1957 à 22 millions au mois de mai). C'est ainsi que plusieurs attentats dans la ville de Tlemcen furent fomentés, dont l'attaque du commissariat, pour s'accaparer d'armes. Mais 3 policiers fidaï avaient été arrêtés». Les ordres seront transmis par Bali lui-même, témoignera le professeur Tabet Aoul Abdesselam, qui ajoute qu'il avait distribué trois grenades deux jours auparavant, au lendemain de la Bataille de Fellaoucène. Cinq, rétorquera Bali, sitôt confirmé par un autre fidaï, Madjid Hebri.

«La triste journée du 4 juin 1957 a complètement été oubliée. Une grenade sera jetée sur une Jeep au Tombeau du Rab à 10h30, faisant 3 morts. La deuxième sera lancée sur la Garde mobile à Riath El-Hammar, une 3e à Bab El-Djiad, la 4e ne sera pas lancée. Alors que la 5e, du groupe de Tabet Sid Ahmed, Kada Kloucha, Mohammed dit Ould El-Kobsi et Mohammed Grari, sera projetée contre un groupe de tirailleurs sénégalais à la rue Pomaria, faisant 3 morts dans les rangs ennemis.

C'est alors que commenceront les représailles. Les tirailleurs sénégalais tireront à bout portant sur des civils. Les attentats furent réprimés férocement. El-Medress fut encerclé, et les civils qui se trouveront pas de refuge furent abattus. On tirait des guérites de Dar El-Hadith et de la maison Lachachi. Plusieurs ne devront la vie sauve que dans des boutiques qui baissèrent très vite rideau», dira, ému, Abdessalem Tabet Aoul. D'autres témoignages laisseront entendre que ce sont les CRS qui ont ouvert le feu sur la population en intimant l'ordre aux mercenaires sénégalais d'en faire autant.

Bellahcène Bali continuera: «Jamais Tlemcen n'avait vu pareille horreur : des mercenaires sénégalais et des légionnaires profanèrent la Grande Mosquée parce qu'ils crurent que deux balles avaient été tirées du minaret. Ils massacrèrent l'imam Djelloul Benosman. D'autres notables de la ville, tels Omar Benyellès et Menaour, furent tués à l'intérieur d'un café. Mais toutes les opérations accomplies par les fidaïs avaient atteint leur but : elles affolèrent l'ennemi et mirent à mal son dispositif considéré comme infaillible».

On dénombrera 37 morts parmi la population de Tlemcen, dont Ahmed Bendimered et son fils âgé de 6 ans, El-Hadj El-Hassar, Abdelkader Snous, retraité de banque, Addou Mohammed, gardien de prison en retraite, Dembahri, un non-voyant, toutes froidement abattues dans la rue. 39 victimes dans ce carnage. Le bilan aurait été encore plus lourd, selon certains témoignages, sans l'attitude digne et humaine des appelés de l'armée française qui permirent à plus d'une centaine de personnes de s'enfuir les mains levées. Et c'est les mains levées vers le ciel que le père de Abdesselam Tabet Aoul rentrera ce jour-là chez lui pour faire le récit d'une guerre d'un jour, ou plutôt du carnage d'un jour.

Mais dans la petite salle de l'ASPEWIT, où s'étaient donnés rendez-vous ces commandos de la liberté, on sentait chez la majorité des personnes venues assister que c'était cette histoire qu'ils appréciaient le plus. Elle est dite par les principaux acteurs, confirmée et validée. Il reste tout simplement à la diffuser pour le devoir de mémoire.




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