Algérie

Tlemcen La vieille Médina: autres temps, autres mœurs



Tlemcen La vieille Médina: autres temps, autres mœurs
Autrefois, le cadre bâti de la vieille ville à la blancheur immaculée épousait joliment les contours de la cité moderne. Mais il faisait bon vivre dans les venelles d'El-Medress, Sid El-Yeddoun, Derb Sensla, Djemaâ Chorfa, Bab Ali, Bab Zir. Toutes les convenances étaient respectées entre riverains mais aussi entre étrangers qui s'aventuraient dans un derb. Il y avait une convention architecturale connue de tous: un arc à l'entrée d'une ruelle signifiait tout simplement que l'artère n'était pas commerçante, si l'arc prenait naissance à la base c'est qu'il s'agissait d'une impasse.
Un symbole montrait le nombre de ruelles. Les temps ont changé et on a fait fi des us et coutumes de la vieille médina. Depuis qu'une bombe artisanale a démoli, le 23 mai 1997 (notre édition du 25 mai 1997), le quartier Bab Zir, tout a été chamboulé. Longues nuits de pleurs dans les demeures séculaires car on savait qu'il en était fini de la vieille médina. C'est à coups d'engins mécaniques qu'on a détruit le reste du quartier même quand les maisons tenaient encore. Et puis les bruits des bulldozers se sont tus, laissant une plaie géante depuis plus de dix ans, mais aussi des maisons en ruine qui ont pu être squattées par toutes sortes d'énergumènes. C'est aussi une décharge publique où l'on vient de loin pour y jeter ses ordures. D'autres maisons ont été abandonnées ou cédées à des gens qui n'ont pas connaissances de la vie dans les venelles historiques. La vieille Médina d'El-Medress à Bab Zir est très vite devenue un rassemblement de tous les fléaux sociaux. C'est à la tombée du jour, nous dit-on, qu'il y a affluence de sinistres individus qui se soucient peu des regards horrifiés des bonnes gens. Et c'est ainsi que s'est créée l'association «Ahd El-Wafa, vieille médina». Il a fallu d'abord lutté contre la délinquance.

En effet, des adolescents issus de bonnes familles ont basculé de l'autre côté. Il fallait les sensibiliser pour qu'ils reprennent le droit chemin. 17 jeunes se sont donc alliés à l'association. «Il ne reste plus que 5 brebis galeuses qui réintégreront bientôt notre association» nous dit Ali Dahmane Nasreddine, président de l'association qui ajoute: «nous avons saisi les services de la sûreté de wilaya et avec leur aide nous avons réussi à nettoyer les lieux et plusieurs personnes ont été arrêtées».

Ce sont ces jeunes et ces membres de l'association qui organisent des volontariats pour l'hygiène des ruelles et font des rondes près des maisons en ruines. Leur présence suffit à inciter quelques louches individus à se déplacer, sans user de force. Mais les choses ne se passent pas toujours ainsi. Le mois dernier c'est un jeune garçon qui a été poignardé à l'abdomen. On nous montre le jeune qui peine encore à marcher incommodé par une cicatrice de plus de 20 cm à l'abdomen. L'association devient la bête noire de ces «personnages». Ils nous épient, d'ailleurs, pendant que nous discutons avec les membres de l'association, pendant notre visite des ruelles légendaires de la vieille médina. Des jeunes se préparent à une partie de football. Mais ils n'ont pas de terrain et ils doivent négocier avec les jeunes des autres quartiers, Agadir ou El-Mechouar, pour qu'ils les laissent jouer. L'association a demandé à l'APC de leur céder l'ancien Souk El-Fellah de Sidi Lahcène, mais c'est un voeu qui est resté lettre morte. La plaie géante s'est très vite transformée en parking. Et jusqu'à présent l'APC ne sait pas ce qu'il en adviendra un jour. Aucun projet pour Bab Zir, spectacle désolant. Pourtant, il ne reste que quelques maisons à détruire. Un château de cartes, nous dit-on, et si l'on s'amuse à déblayer à l'aide d'engins, c'est tout le quartier qui risque de s'effondrer. C'est à la main que doit se faire la destruction des maisons.

«Et l'on se perd dans les «droubas», berceau de la ville-mère de Tlemcen, riche et passionnée par les chercheurs, historiens, à l'évocation de souvenirs des temps qui faisaient jaillir la joie de vivre et procuraient le bien-être et la sécurité entre ses maisons. Un temps où l'on humait les odeurs suaves d'une bonne chorba dans la fraîcheur d'un soir d'été. On arrive au mausolée de Sidi El-Habbak un savant enterré dans un recoin de Derb Sensla en 876 de l'hégire, soit le 26 décembre 1462, peut-on lire sur une plaque commémorative. Juste pour que les riverains nous rappellent combien leur quartier est ancien et combien il doit inspirer le respect. Cependant, on se perd dans la nostalgie, l'espace d'un moment pour pouvoir se ressourcer et faire face aux aléas d'un temps devenu âpre.

Peut-être que grâce à l'association «Ahd El-Wafa», la vieille médina retrouvera sa quiétude d'autan son artisanat: mensouj, mdel, drez... qui faisait sa prospérité, sa fierté. C'est pour cela que la vieille médina mérite vraiment tant de respect.


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