Algérie

Tlemcen La vie dure des ouvriers étrangers



Tlemcen La vie dure des ouvriers étrangers
Des ouvriers clandestins ? Enfin presque…, puisque, ironie du sort, des infrastructures étatiques, tels la cour du nouveau tribunal et l’aéroport Messali Hadj de Tlemcen, entre autres, portent les empreintes de ces mains expertes dans l’art du plâtre et de la mosaïque.


«Une entreprise privée nous avait fait appel avec la consigne de ne pas en parler dans notre entourage. Mais, autant je comprenais qu’on ne puisse pas nous mettre sous les projecteurs vu notre statut de sans-papiers, autant je ne comprenais pas la présence quasi-quotidienne des responsables de la wilaya sur le chantier tout en sachant qui nous étions. C’était pourtant clair, ils avaient besoin de nous, de nos bras, de notre savoir-faire», se remémore Miloud, plâtrier marocain. Ces artisans qui ont la côte, sont sollicités par de grandes entreprises privées et publiques de toutes les wilayas du pays.

C’est un secret de Polichinelle, une hypocrisie des autorités algériennes qui confine à la situation kafkaïenne : il n’est pas sans dire, en effet, que des rafles sont menées, épisodiquement, pour arrêter et déférer devant le parquet de Maghnia, de Remchi et de Tlemcen, ces Marocains, puis de les refouler vers leur pays par le poste frontalier Akid Lotfi, pour «immigration clandestine». Abderrahmane, peintre professionnel originaire de Fès est dépité. «Nous sommes très demandés par nos frères algériens. Avant le creusement des tranchées et l’érection du grillage sur le tracé frontalier, on n’avait aucune difficulté pour traverser, moyennant une contribution financière sur les lieux.

Aujourd’hui, on prend l’avion de Casablanca à Alger pour travailler chez des privés et dans des entreprises qui ont pignon sur rue. Tout le monde est au courant de notre présence ici, le problème, c’est qu’on continue de tolérer cette présence, mais souvent, on se fait arrêter et refouler, c’est inexplicable !» Des ouvriers qui ne bénéficient naturellement d’aucun droit inhérent au code du travail. Jamal, plâtrier de renom, est lui aussi embarrassé : «Pourquoi ne pas nous régulariser et nous permettre de travailler dans les règles ? C’est incompréhensible, notre savoir-faire est très demandé ici.» La réalité est bien là : dans cette région frontalière, il est difficile de trouver un maçon, un plâtrier, un plombier, un soudeur et même de simples manœuvres.

Ces secteurs ont été abandonnés par les jeunes pour différentes raisons : des dispositifs d’aide (Ansej, entre autres) dont ont bénéficié les jeunes où tout le monde est devenu chef d’entreprise sans produire et les activités illégales qui s’exerçaient sur la frontière avant que des mesures de dissuasion ne soient prises par les autorités pour éradiquer la contrebande, notamment celle du carburant.

Yossouf, un Camerounais en situation irrégulière en Algérie depuis trois ans, travaille dans les champs sur le tracé frontalier. «Je m’occupe de l’irrigation sur une plantation de légumes et en même temps je suis gardien de nuit. Je suis hébergé par le cultivateur et payé comme tous les paysans. Je ne me plains pas».

Didier et Jean, des Nigériens, s’occupent de tout travail lié à la terre. «On fait tout, on plante, on arrose, on cueille. Le soir, on rentre chez nous au ghetto». Les deux hommes à tout faire ne sont pas mus par l’idée d’émigrer vers l’Europe. «En quittant notre pays, notre objectif, était de travailler et d’envoyer l’argent à nos familles. Nous avons réalisé notre rêve, sauf que nous travaillons clandestinement, enfin presque, puisque tout le monde est au courant de notre présence et de notre activité.

Pourquoi ne pas nous accorder des permis de travail ? A notre façon, nous contribuons à l’économie de votre pays». Bien entendu, les pouvoirs publics se refusent à tout commentaire sur ce travail clandestin des étrangers, mais officieusement, ils seraient près de 10000 de nationalités différentes à «s’impliquer dans les projets économiques de la wilaya», nous confie, sous le sceau de l’anonymat, un inspecteur du travail.

La communauté marocaine est la plus forte si l’on se fie à un artisan chérifien, qui parle de près de 5000 Marocains exerçant comme peintres en bâtiment, plâtriers, maçons. Les Syriens, qui activaient dans le fonçage des puits, se sont reconvertis dans les friandises et surtout le pain de «cham», «un palliatif à leur spécialité, depuis que l’Etat a cessé les subventions aux fellahs et l’interdiction du creusage des puits sur cette bande frontalière par le wali de Tlemcen», précise notre interlocuteur. Pourtant, ces ressortissants, moyen-orientaux pour la plupart, continuent leur «métier» initial, loin des yeux des contrôleurs, ou, peut-être, devant le silence complaisant de ces derniers. Ces précieux «travailleurs au noir» continuent de gagner leur pain dans des conditions pénibles et souhaiter un statut légal. «Au nom du Grand Maghreb et de l’Afrique, régularisez-nous !» revendiquent Miloud, Abderrahmane, Jamal, Yossouf, Didier et Jean.




Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)