Publié le 20.01.2024 dans le Quotidien d’Oran
par Khaled Boumediene
La commission algérienne histoire et mémoire (composée de 5 historiens) chargée du travail de la mémoire sur la colonisation française (avec son homologue française), a organisé, les 17 et 18 janvier, en collaboration du ministère des moudjahidine et ayants droits, son premier colloque international sur la «politique foncière coloniale en Algérie au cours du XIX siècle », à la salle de la faculté des sciences de la nature et de la vie et sciences de la terre et de l'univers de l'Université de Tlemcen, en présence de Youcef Bechlaoui, wali de Tlemcen, Djilali Bensaoula, président de l'APW, Mourad Meghachou, recteur de l'Université, Mourad Naoum, directeur du centre universitaire de Maghnia, Aissa Mansouri, directeur des moudjahidine, ainsi que les vice-recteurs et doyens de l'Université, les enseignants du département d'histoire, les représentants de la famille révolutionnaire et de l'UGTA de Tlemcen.
Présidant le lancement des travaux de ce colloque, le président de la commission algérienne histoire et mémoire, Lahcène Zeghidi, a rappelé les pires atrocités et les exactions nombreuses et des plus abjectes commises par l'empire colonial français en Algérie dans l'impunité totale, qui persiste, même après des décennies de décolonisation et d'indépendance. « L'Algérie fût un cas unique, compte tenu de l'invasion et de l'installation massive des colons sur son territoire et l'annexion pure et dure de ce pays considéré durant plus d'un siècle comme un département français à part entière, et de l'ampleur de l'horreur et du génocide exécuté par les autorités françaises à l'encontre du peuple algérien, sans oublier les disparitions et les crimes moraux et à valeur affective, l'acculturation, l'occultation de l'identité religieuse, culturelle et sociale », a indiqué Lahcène Zeghidi, soulignant à cette occasion que « les pertes algériennes, humaines s'entend, s'élèvent à 6 millions de morts, moins connus, durant les 132 ans de cette implacable colonisation de l'Algérie ».
De son côté, le membre de la commission Pr. Mohamed Korso s'est focalisé dans sa communication intitulé « Terre et nation : bases de l'identité algérienne » sur les fondements de l'occupation coloniale en Algérie durant le XIX siècle. « Ces fondements ont pour base deux éléments fondamentaux. Le premier élément, c'est le colonialisme bien évidemment mais la destruction de la société algérienne à travers la propriété foncière et l'implantation de colonies de peuplements, c'est ce qui a fait dire à l'écrivain, historien, sociologue et homme politique, Mostefa Lacheraf, que l'Algérie a combattu et le colonialisme à travers ses combattants mais également les colons civils qui sont venus de partout. Beaucoup d'entre eux n'avaient aucune expérience dans le domaine agricole et sont venus pour remplir les poches. Un grand nombre parmi eux ont fait faillite, mais l'essentiel de ce qu'il en est résulté, c'est qu'il y a eu aussi l'implantation du capital agricole en Algérie, ce qui a complètement bouleversé les structures agricoles en Algérie », a notamment souligné Pr. Korso.
Par ailleurs, François Dumasy, maître de conférences en sciences politiques à l'institut d'études politiques d'Aix-en-Provence (France) a abordé la propriété foncière du début de la colonisation en 1830 jusqu'à la fin des années 1850. Il a fait une approche sur les origines des cantonnements et sur la production agricole et comment la colonisation a exproprié les Algériens et en même temps a modifié la structure de la société algérienne à travers la question de la propriété foncière et de la production agricole. « Mon intervention se base sur certaines expériences qui ont été faites d'attribution de certaines terres à des Algériens dans la Mitidja dans les années 1830 ensuite dans la vallée de Saf Saf près de Skikda qui s'appelait Philippeville à l'époque et dans la plaine de l'Habra-Macta près de Mascara. À partir de ces exemples-là, j'analyse la façon dont les Français essayent d'évaluer la production agricole et de quantifier le rendement de la terre dans les politiques d'expropriations au profit d'une nouvelle population européenne. Donc comment une économie coloniale s'est mise en place au début de la colonisation, à propos de la question foncière. Ces expériences-là qui vont être en fait anéanties par le discours sur le besoin du peuplement européen. Le paradoxe, c'est que lorsque les terres sont attribuées à des Algériens, ceci contribue effectivement à la croissance économique. On a une réelle adaptation de la paysannerie algérienne à la nouvelle demande puisque la présence française créait une nouvelle demande en coton, en tabac, en nouvelles plantes.
Donc cette agriculture algérienne fonctionne. L'expropriation des Algériens c'est une mesure politique mais économiquement c'était assez irrationnel, dans la mesure où ces Algériens étaient tout à fait capables de moderniser l'agriculture puisque la grande critique que la France faisait à la paysannerie algérienne c'est d'être incapable d'être productive alors que c'est tout à fait faux, car l'agriculture algérienne était moderne et s'adaptait, mais parce que précisément elle devient trop moderne, il faut exproprier les Algériens parce que la menace c'est la constitution d'une paysannerie algérienne moderne qui viendrait contredire le discours colonial», a affirmé ce spécialiste de l'histoire contemporaine.
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Posté Le : 20/01/2024
Posté par : rachids