Tlemcen a été un témoin privilégié de l’histoire, abritant successivement les Romains, Omeyyades, Idrissides, Almoravides, Almohades, Zianides, Mérinides, Espagnols, Ottomans, et enfin les Français. Chacune de ces civilisations a laissé son empreinte sur son architecture, sa culture et son organisation urbaine. Taghrart, l’ancienne cité fondée par Youssef Ibn Tachfine au XIᵉ siècle, fut rapidement érigée en métropole commerciale et administrative, éclipsant Agadir, sa "grande sœur".
La Médina de Tlemcen est un véritable labyrinthe, conçu avec une ingéniosité remarquable. Chaque quartier, ou Derb, était attribué à une tribu amazighe pour atténuer les tensions entre elles. Ces quartiers étaient autonomes, disposant de leur propre mosquée, hammam, four (ferrane) et autres infrastructures essentielles. Cette structuration visait également à renforcer les liens communautaires et à assurer la sécurité des habitants.
Les arcs jouaient un rôle clé dans l’organisation des ruelles :
Des symboles et ornements, tels que les Muqarnas (مقرنة), servaient de panneaux de signalisation. Placés stratégiquement à l’angle des rues, ils guidaient les habitants et visiteurs en leur indiquant les directions à suivre : à droite, les zones résidentielles ; à gauche, les axes menant au centre-ville. Cette orientation, inspirée de la symbolique coranique, renvoyait à l’idée que les "gens de la droite" sont destinés à un chemin vertueux.
Les Skiffa (سقيفة) étaient des passages voûtés ou semi-ouverts qui optimisaient l’espace tout en favorisant l’aération. Leur fonction n’était pas uniquement pratique, mais aussi sécuritaire, marquant l’entrée de zones privées. Certaines Skiffa servaient de filtres entre l’espace public et les demeures, un concept encore visible dans la médina actuelle.
Les portes tlemcéniennes, souvent divisées en deux parties, étaient équipées de deux heurtoirs distincts. Celui placé en hauteur était destiné aux cavaliers, tandis que le bas servait aux piétons. Une autre interprétation relie ces heurtoirs à une distinction sociale et de genre : les femmes et enfants utilisaient le heurtoir inférieur, produisant un son différent de celui du heurtoir supérieur réservé aux hommes. Ce système permettait au maître de maison de savoir qui venait le visiter.
L’éclairage des ruelles était assuré par des lampes à huile et des lucarnes judicieusement disposées, même dans les Skiffa. Ces dispositifs témoignent de l’ingéniosité des anciens responsables, tels que le sahib al-hisba (صاحب الحسبة), en charge d’harmoniser l’organisation urbaine selon des principes économiques et pratiques.
Tlemcen n’était pas seulement une ville d’architecture et de commerce, mais également un lieu de vie régulé par des codes de conduite. Les valeurs de voisinage, de respect et de solidarité étaient renforcées par l’agencement des maisons et des ruelles, conçues pour préserver l’intimité tout en favorisant les échanges.
Cette organisation exemplaire, héritée de siècles de civilisation, fait de Tlemcen un joyau architectural et culturel, où chaque pierre raconte une histoire et chaque symbole conserve un fragment de sagesse ancestrale.
Posté Le : 20/12/2024
Posté par : tlemcen2011
Ecrit par : Photo : Hichem BEKHTI