Est révolue cette époque où l’on préparait, à l’occasion de l’Aïd Seghir, soit la dernière semaine du Ramadhan les gâteaux à la maison. On s’entraidait entre voisines ou entre parentes. Chacune mettait la main à la pâte, c’est le cas de le dire. C’est le credo de la touiza : la mère, la grand-mère, la tante, les filles, les brues.., toutes en communion culinaire.
Les «qobbas» se transformaient pour la circonstance en fournil. L’odeur de cuisson des maqrout, griwech et samsa s’exhalaient des maisons, envahissant les derbs, embaumant les moindres recoins du quartier. Le parfum des gâteaux et les effluves de la cuisson rivalisaient avec l’odeur alléchante de la chorba. Réunis, selon la saison, au centre du patio autour d’une table basse(meïda), on façonnait avec doigté les diverses confiseries : maqrout, kaâbouzel, groubiya, samsa, griwèche…
Quant au kââk, sa préparation s’apparente à un véritable rituel : on lui réservait un espace spécial pour laisser la pâte « lever » en toute sécurité, quitte à faire place nette dans la qoubba en « chassant » les enfants des lieux. Kaâk et ghroubiya étaient portés sur des plateaux empruntés au ferrane du coin (ou sur des planchettes) au four banal du quartier dont le préposé prélevait tacitement à la fin de chaque cuisson une quote-part, pour vraisemblablement apprécier le goût des gâteaux et, par ricochet, le savoir-faire de chaque famille. N’oublions pas que le «terrah» (enfourneur) était l’alter ego de la «tayaba» (préposée au bain maure) en matière de recommandations matrimoniales.
Comptant autrefois parmi les symboles forts de la vie sociale à Tlemcen, les fours banals sont aujourd’hui en passe de s’éteindre pour toujours. Après avoir marqué l’histoire de la cité, ils disparaissent à présent l’un après l’autre. Et il n’en reste que quatre confinés dans les vieux quartiers de derb Beni djemla(El Medress), Derb Ouled El-Imam(Bab El Hdid), Derb El Hadjamine (Blass) et Agadir.
Nous ne manquerons pas de rendre en cette occasion un vibrant hommage à tous ces chaleureux «terrahine» (enfourneurs) qui ont marqué de leurs «empreintes» expertes, indélébiles, la mémoire populaire de la vieille médina et d’autres quartiers de Tlemcen, et qui ne sont plus de ce monde. Nous citerons les feu Si Boumédiène (Salhi) de Sid El-Djebbar, El-Mokhtar de Bab El-Qorrane, Boumédiène «La’mèche» de Bab Ali, Dali Ali de Hart R’ma, Ghermoul de Derb El-Kadi (ex-rue des forgerons, à ne pas confondre avec l’autre ruelle de Bab El-Djiad), Bendahma de derb El-Hadjamine, Boufeldja de Rhiba, Kherris de Bab El-Djiad, Benselka de derb Béni-Djemla, Semmoud de derb Sid El-Yeddoune, Mir d’El-Kaâla inférieure, Dib de Feddane Sebaâ, Boumédiène «El H’chaïchi» de Sid El-Halloui, Chekroune de Bab Zir, Grine et Bouguima d’El-Eubbad, Hmimed de Sidi Chaker, Benaïssa de Bab El-Hdid, El-Abd’ de Beau Séjour, Kouider de Sidi Yacoub, El-Moukhfi d’Agadir, Moussa et Bénali de R’bat, Bahbah de derb Lihoud, Chérif de derb Bensekkine, Kalaïdji de derb Sidi Amrane, Kerzabi de Derb Messoufa…
Autres temps, autres mœurs. Aujourd’hui, on se rabat sur les gâteaux des pâtissiers ou préparés sur commande « at home » par des ménagères à titre informel. Destination : Derb Lihoud, Bab El Hdid, Bab Sidi Boumediène, Blass, Bréa,entre autres. Quant au prix, parité pour samsa, griwèche et maqrout : 500 DA/Kg ; kaâbouzel est proposé à 700 DA/Kg, les gimblettes (kaâk) entre 120 et 150 DA/Kg , el assara à 200 DA, ghroubia à 250 DA/Kg, groubiya bi zeït à 400 DA, sans oublier les autres variétés comme mechouak, qnidlet, djziriat, boussou woula tamassou, sablé, bimo, baklaoua…
Outre les pâtisseries, les fours et les artisans(femmes) informels qui sont disséminés à travers la ville, une « foire » commerciale se tient à l’initiative de la CAM du Mechouar sur la place Emir Abdelkader(Blass) où une variété de gâteaux sont proposés aux clientes à l’occasion de l’Aïd El Fitr.
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Posté Le : 01/04/2017
Posté par : tlemcen2011
Photographié par : Hichem Bekhti
Source : Texte : Allal Bekkaï