Algérie - Mosquée Agadir, Tlemcen

Tlemcen : 1.227 ème anniversaire de la mosquée d’Agadir



Tlemcen : 1.227 ème anniversaire de la mosquée d’Agadir

RENCONTRE CE LUNDI 19-06-2017 A 10H DU MATIN DEVANT LE PARVIS DU MINARET DE LA MOSQUEE D’AGADIR.



1) RAPPELS HISTORIQUE.



2) DECLAMATION DE LA KHOTBA D’INAUGURATION.



2) VUE DE TLEMCEN A PARTIR DU MINARET.

Des fidèles adeptes se rendent sur le parvis de ce que fut la première mosquée en Algérie, tous les 9 Décembre et tous les 19 Juin, pour se recréer les séquences indélébiles de la fondation de la Mosquée d’Agadir Tlemcen par Idriss 1er du 9 Décembre 789 au 19 Juin 790.



Depuis que les résultats préliminaires des fouilles d’Agadir effectuées par S. Dahmani et A. Khélifa entre 1973-1974 furent portés à la connaissance publique, un grillage rouillé permet à tous ceux, qui traversent la route qui sépare le minaret d’une part, la plate-forme de ce que fut la Grande Mosquée du Maghreb Central d’autre part, de jeter un regard furtif sur l’un et sur l’autre comme s’il traversait un corridor dense en événements et en symboles.



Que peut faire une route entre la Mosquée et son Minaret ?



Du haut du minaret d’Agadir, si l’on se retourne vers l’ouest, à l’horizon, l’on peut imaginer ce premier vendredi célébré par Aboul-Mouhâdjer Dinâr, le principal lieutenant de ‘Oqba Ibn Nâfi’ déjà en l’an 55 de l’Hégire soit en l’année 675 avec les tribus berbères de Koceila Ibn Melzem, de la kahina et des populations environnantes, sur les hauteurs de Beni-Boublân au lieu-dit depuis « Ain Mouhadjir ».



Qui pourrait nous imaginer ce dialogue entre Aboul-Mouhâdjir, Koceila Ibnou Melzem et la Kâhina sur ces hauteurs encore capables de nous restituer un des jours les plus décisifs de l’histoire des rencontres des civilisations dans notre pays. Les Maghrawa de la région se rappellent encore le voyage que fit leur émir « Sawlât ibn Wazmâr » à Médine et se transmettent encore les détails de l’entrevue que leur ancêtre eût avec le Khalife ‘Othmane Ibnou ‘Affâne.



Leur descendance se souviendra de cette rencontre lorsqu’apparut à Tlemcen une première fois Soulaymân Ibn Abdallah faisant campagne pour que parmi les descendants de ‘Ali Ibn Tâlib, l’un d’eux devait accéder au pouvoir. Moussa Ibn En-Nouceir a dû aussi s’arrêter en ces lieux en l’an 89 de l’Hégire soit en l’année 708 et a du faire ses prières avec ses compagnons peut être en ces lieux où Agadir-Tlemcen allait poser la première pierre de la principale mosquée du Maghreb Central quelques décennies après.



Au début du VIII°siècle aussi, Târiq Ibnou Ziyâd avait reçu probablement dans ce corridor le Comte Julien venu lui proposer la conquête de l’Andalousie à partir du coeur du Maghreb Central. Il fallait que le Comte Julien laisse à Tlemcen, deux de ses filles en garantie, et l’on peut imaginer les préparatifs qui ont dû avoir lieu avant l’épopée fantastique qui allait durer huit siècles consécutifs et mettre en scène des générations entières dans l’épopée de l’Andalousie.



Bien sûr, avant ce 9 Décembre de l’année 789, toute la population des Béni Yefren et des Maghilas se rappellent encore ce fils du pays Abou Qorra al-Yefrînî qui en 732 reçu l’allégeance pour fonder un royaume près de la porte qui porta son nom « Bâb Abou-Quorra » tout près de « Bab Sidi Boumédiène » et de « Bâb Zîr » en allant dans la direction d’Agadir.



Qui rendra ce souvenir de l’année 732 à Tlemcen par la restauration de cette porte de « Bâb Abou-Quorra » si ceux-là même ont pu extirper de leur subconscient ce qui leur a été enseigné avec force « qu’en 732 Charles Martel arrêta les arabes à Poitiers » et que leurs ancêtres étaient « les Gaulois »!



La légende veut qu’Abou Quorra partit de Tlemcen à la tête de 40.000 cavaliers et arriva aux portes de Quaïraouan avec 85.000 puis revint jusqu’à Marakèche. Après il a du s’éclipser en Andalousie et ne revenir à Tlemcen qu’en l’année 765. Soulaymâne Ibn ‘Abdellah était déjà à Tlemcen lorsqu’arriva une première fois Idriss Ibn ‘Abdellah, son frère, qui soutint sa campagne auprès des tribus berbères de la région.



Idriss Ibn ‘Abdellah repartit pour l’Orient puis revint une seconde fois à Tlemcen où il poursuivit la campagne, cette fois pour son frère Yahya Ibn ‘Abdallah après avoir échappé aux massacres de la bataille de « Fekh ». Tlemcen était alors une plaque tournante dans le Maghreb de l’époque et c’est ainsi qu’ils s’y trouvèrent les trois frères : Idriss, ‘Issa et Soulaymane Ibn Abdellah (Ibn Hassan Al-Mouthennâ Ibn Hassan As-Sabt Ibn Fatima Ez-Zohrâ Bint Sayidina Mohammad sur Lui Prière et Salut) à faire campagne pour leur candidat et demi-frère Yahya Ibn ‘Abdellah au Tabristan d’abord, puis pourquoi pas carrément pour l’un d’eux, Idriss Ibn ‘Abdellah!.



Comme pour Târiq Ibn Ziyâd, le séjour des frères Idriss, ‘Issa et Soulaymâne à Tlemcen est passé sous silence par plusieurs chroniqueurs pressés de ne voir dans ces événements qu’une ombre au déplacement du lieu géométrique vers l’ouest par le rôle joué patiemment par Tlemcen dans la turbulence des événements sous les régimes omayyades et abbasides. Idriss Ibn Abdellah apparaît avoir atterri chez les wallili près de Tanger par des voies autres que celles qui passent nécessairement par l’inévitable porte verrou du Maghreb.



Pendant ce temps-là à Baghdad les services de Hâroûn Er-Rachîd s’inquiétaient de la popularité acquise par Idriss et ses frères à Tlemcen alors qu’ils venaient de faire échouer toutes les tentatives de prise du pouvoir à Médine, au Tabaristan et de faire échouer toutes autres tentatives. Les chroniqueurs ont retenu cette phrase célèbre de Hâroûn Er-Rachîd lorsqu’il prit connaissance des activités d’Idriss et de ses frères à Tlemcen :



« Tlemcen est une des portes de l’Ifrîqiya, celui qui tient cette porte, il tient aussi Ifrîquiya ! ». Et c’est ainsi que fut dépêché de Baghdad vers Tlemcen, le plus expert des cuisiniers du palais des ‘Abbassîdes, Soulaymân Ibn Djarîr plus connu sous le nom d’«Ech-Chemmâkh » avec son inévitable fiole pour mettre fin à cette autre épopée inachevée.



Mohammed Ibnou Khazar Ibnou Sawlât gérait à l’époque tous ces mouvements trépidants au Maghreb Central. Le destin frappait aux portes de ceux qui en avaient vu d’autres. La sagesse s’imposait devant les fantasmes les plus fous. La partie se jouait autour de Tlemcen. Des centres d’influence se développaient tout autour : Aïn Al-Hoût, Rachgoûn,…Les Maghrawa, les Bani Yafren et les Meghilas de Tlemcen subissaient toutes les pressions.



Leurs divisions vont les livrer aux uns et aux autres et Tlemcen va connaître un cycle infernale de destructions et de reconstructions successives. Idriss Ibn Abdellah arriva cette fois-ci à Tlemcen avec une escorte comprenant plusieurs représentants des tribus du Maghreb. Les Bani Khazâr le reçurent avec la déférence qui lui est dû, n’étant pas un inconnu parmi eux ces vingt dernières années.



Depuis plus de vingt ans Idriss Ibn Abdellah n’avait d’yeux que pour Tlemcen et voilà que c’est ici dans la capitale du Maghreb Central qu’il allait ériger la Mosquée dont il nous laissera une inscription attestant de sa volonté d’y fonder une dynastie.



Les Banou Khazar lui offrirent le choix entre le plateau de Tagrart où plus tard sera érigée la Grande Mosquée par ‘Ali Ibn Youcef Ibn Tachfîn en 1136, et le parvis du temple Ausliva abandonné depuis longtemps et que la population d’Agadir aurait choisi pour continuer à exercer ses devoirs religieux et bénéficier du nouvel enseignement apporté par la nouvelle religion en expansion.



Les travaux furent menés dans un temps record, ce qui laisse deviner la disponibilité des moyens de construction en place. Durant cette période, Idriss Ibn Abdellah fit connaître sa stratégie et ses khotbas nous éclairent sur ses orientations. Des appels répétés sur le retour au Livre Sacré et à l’application de la Tradition Prophétique mais aussi un appel à la justice entre les citoyens et à un partage équitable des richesses . Il insistait aussi comment suivre la voie du Bien et éviter la voie du Mal.



Entre temps notre cuisinier de Baghdad était déjà à Tlemcen, et ses qualités en firent de lui, le cuisinier-chef du caravanserail et bientôt il n’était que l’ombre d’Idriss dans tous ses mouvements. La cheville ouvrière d’Idriss «Sidi Er-Râched» pressentait un complot venant de Baghdad, lui qui avait pu sauver Idriss et ses frères de l’enfer de la bataille « Fekh ». Il avait pu les accompagner jusqu’à Tlemcen et de là, il tenait à présenter Idriss à sa tribu de Wallilî près de Tanger où il reçut les allégeances dû à son ascendance.



Les travaux d’édification et d’ameublement de la Mosquée d’Agadir s’achevaient avec Mihrâb et Chaire de Khotba où une inscription de la date put être déchiffrée par les chroniqueurs qui se succédèrent sur le lieu. A peine l’inauguration eut lieu un 19 juin de l’année 790, que Sidi Er-Rached organisa le départ d’Idriss de Tlemcen vers ses propres contrées plus à l’ouest, pour le mettre à l’abri, car des renseignements lui étaient déjà parvenus que Baghdad avait envoyé quelqu’un pour mettre fin à l’épopée d’Idriss Ibn ‘Abdellah.



Mais le groupe restreint qui devait les accompagner comprenait notre maître cuisinier avec sa fiole préparée à Baghdad pour mettre fin à la vie d’Idriss. Fès n’existait pas encore, et le convoi s’arrêta près de Djebel Zerhoun, où « Ech-Chemmakh », se voyant de plus en plus cerner par les recherches et les méfiances de Sidi Er-Râched, présenta la potion dans une tisane sensée réconforter Idriss du malaise qui l’avait atteint.



Le forfait réalisé, « Ech-Chemmakh » prit la fuite et fut “retrouvé” et liquidé à « Oujda » par Sidi Er-Râched. Avant de quitter Tlemcen, Idriss avait pris soin d’envoyer un messager jusqu’en Tripolitaine pour que son frère Soulaymâne puisse revenir à Tlemcen et continuer son oeuvre. Soulaymâne et ses fils revinrent à Tlemcen, mais c’est à Aïn El-Hoût qu’ils s’installèrent. L’épopée des soulaymanyas est une autre histoire dans notre histoire!



La mosquée d’Agadir va connaître d’illustres enseignants et élèves qui vont forger l’esprit d’études et de civilisations sur plusieurs générations qui auront à jouer un rôle décisif dans l’évolution du Maghreb. Le plus illustre d’entre-eux est venu de Msila, après avoir résidé à Tripoli, il s’agit d’Abou Dja’fer Ben Nsar ed-Dâoudi.



La Mosquée d’Agadir eut pour élève le prestigieux ‘Abdelmoûmen Ibnou ‘Ali et ses compagnons de classe regrettèrent par la suite de l’avoir désigné pour aller vers Bédjaïa prendre contact avec un savant qui faisait tant parler de lui à cette époque. C’est que ce savant attendait cet élève impétueux pour mettre en oeuvre le projet le plus cher dans la conscience maghrébine, réaliser un état unifié.



Les voilà de retour à Tlemcen et durant trois années ils se retirèrent à El-Eubbâd, dans la mosquée « Er-Rahma » sur les lieux de l’actuelle mosquée de Sidi Boumédiène, pour mettre au point la Constitution du Nouvel Etat Almouwahhad. Les compagnons de ‘Abdelmoumen Ibn ‘Ali n’acceptèrent pas sa démarche et celui-ci dut les quitter vers Marrakèche avec son Maître El-Mahdî Ibnou Toumert pour fonder le nouvel empire qui, de l’Andalousie à Tripoli allait constituer une autre épopée pour le Maghreb. Tlemcen venait une autre fois de refuser de jouer un rôle politique central pour le Maghreb mais elle s’est suffi d’avoir formé le fondateur de cet état en la personne d’Abdelmoumen Ibnou ‘Ali.



Si l’on revient à la Mosquée d’Agadir et que l’on relève la tête pour admirer son Minaret, une copie conforme du minaret de la Grande Mosquée de Tlemcen, on peut reconnaître à Sidi Mohammed Ben ‘Aïssa, ce mathématicien et théologien du XIII° siècle qui accomplit vingt-cinq fois le pèlerinage à la Mecque, d’avoir gagné la confiance de Yaghmourassen qui lui rendait souvent visite et qui se décida à réaliser cette oeuvre en un hommage discret comme à son acoutumé « yessent rebbi » Dieu seul le sait!



Visiter ce minaret, en escaladant ses marches c’est accéder à l’une des vues les plus féeriques de l’environnement de Tlemcen. Rien n’arrête alors le regard pour se promener au loin de l’Est, vers le Nord et vers l’Ouest. Sidi ‘Ali Ben Yahyia es-Salaksâni au XVI° siècle anima des cours restés célèbres dans la Mosquée d’Agadir, il repose tout près de cette mosquée et il eut le privilège d’abriter près de sa tombe la nouvelle mosquée d’Agadir après l’indépendance



Mais Sidi ‘Abderrahmâne Ben Mohammed Ben Mohammed Ben Moussa, élève célèbre du précèdent a du regretter, quatre siècles après, d’avoir été transféré au Mausolée de Sidi Brâhim al-Masmoûdy, bien qu’Agadir et Tlemcen aient conservé la mémoire de cette procession en un vendredi du mois de février de l’année 1603.



Autour de la Mosquée d’Agadir que de souvenirs peuvent être réactivés face à la désolation culturelle vécue par ses habitants. Si d’abord les écoles pouvaient prendre l’initiative de faire visiter à leurs élèves les trésors des vestiges et légendes de leur région : La cité d’Al-Gidar, Bab Er-Rouah, Les remparts et les tours de guet, Les Mausolées de la Princesse, de Sidi Wahb, de Sidi Ya’qoub? Le Bois Sacré etc…



Mais c’est sur le parvis de la Mosquée d’Agadir que les enfants méditeront sur le poids de plus de douze siècles de prière, de culture et d’enseignements. Leur curiosité peut les amener à demander à savoir comment se fait-il que cette mosquée fut rasée ?



La réponse est dans un écrit en quelques lignes de l’abbé Bargès qui fit une promenade à Agadir en 1846 et qui nous dit en page 164 de son livre Tlemcen, ancienne capitale du royaume de ce nom : « C’est en 1845, pendant le siège de Tlemcen que cet édifice fut rasé par les Français » ou ce que W. et G. Marçais nous disent simplement pour se justifier dans Les Monuments Arabes de Tlemcen p.137 « A l’entrée des troupes françaises à Tlemcen, le Jâmi’ El-’Atîq ne présentait plus qu’un amas de décombres qu’on fit disparaître. »



Ceux qui ont eu le privilège de reprendre les fouilles en ces lieux de l’« amas de décombres », sauront constituer le dossier nécessaire au classement du quartier d’Agadir-Tlemcen dans le patrimoine universel avant de bénéficier d’une retraite dont Agadir aura été un des principaux leviers.



Puisse le troisième millénaire permettre à Tlemcen de valoriser les joyaux réalisés durant son premier millénaire.




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