Algérie

Tizi Ouzou veut retrouver sa joie de vivre



L'ambiance de l'avant- Covid -19 manque énormément aux gens. Les soirées du mois de Ramadhan ont pris les allures de souvenirs lointains après deux années passées sous les mesures de confinement imposées par la pandémie. Mais, cette année avec le recul des contaminations, les familles espèrent retrouver, du moins relativement, l'ambiance perdue. Les soirées ramadhanesques s'annoncent plus joyeuses en dépit de la menace, toujours présente, du virus. Dans les villes comme dans les campagnes, les familles se préparent à passer un mois de jeûne aux soirées ambiantes. L'ambiance ne rime pas avec les soucis. Il faut d'abord avoir, à la maison, ce qu'il faut pour passer un mois calme avant de penser aux bonnes soirées animées d'art et de loisir. Ne dit-on pas chez nous: «Quand le ventre est plein, la tête chante.». Tandis qu'un proverbe italien rétorque qu' «un ventre creux enseigne bien des choses». À cet égard, la première journée a été entièrement consacrée aux courses dans les marchés de fruits et légumes et autres produits alimentaires. «Pour le moment, malgré les hausses sensibles, aucun produit agricole, du moins, ne manque à l'appel. «On peut s'approvisionner, mais en quantités de moins en moins grandes à cause des prix. J'espère qu'on aura le temps d'aller voir quelques pièces théâtrales et galas», affirme un citoyen interrogé au niveau du marché de Draâ Ben Khedda. Une autre dame n'a, de son coté, pas non plus manqué d'exprimer son voeu d'avoir le moral pour rendre visite à la famille pour passer de bonnes soirées. «Cette année, je crois que les gens sont de plus en plus rationnels dans leurs achats. On peut s'occuper d'autres choses durant les soirées d'autant plus que le virus semble éloigné. Du moins pour l'instant», explique-t-elle. Dans les villages éloignés des centres urbains, l'ambiance est loin d'être similaire. Les gens se plaignent comme, par le passé, de l'absence de programmes culturels. «Chaque mois de Ramadhan, on constate que les programmes culturels sont concentrés sur les villes. En campagne, l'ambiance existe, mais avec d'autres moyens. Des moyens qui ne permettent hélas, pas de passer des soirées en famille. Notre premier lieu de loisir est indiscutablement le café Les soirées animées aux dominos restent l'unique loisir pour les hommes. Les femmes, elles, n'ont aucune échappatoire que la cuisine et les films», regrette Ali, un ancien président d'une association culturelle. D'autant que les soirées théâtrales et artistiques ne sont accessibles que pour les personnes véhiculées. «Cette année, je pense que je vais pouvoir emmener les enfants voir quelques pièces théâtrales en ville. Les soucis financiers ne sont pas aussi grands cette année bien heureusement», affirme Ahmed, un père de famille à la cinquantaine.Riche en ville, désertique à la campagne
Comme chaque année, les autorités culturelles de la wilaya ont mis au point un riche programme artistique au niveau de la Maison de la culture Mouloud-Mammeri et du théâtre régional Kateb-Yacine de la même ville des Genêts. Mais, ce programme ne concernera pas les familles du monde rural. «Oui, cette fois, nous sommes gâtés. Il y a plein de pièces théâtrales au théâtre régional. On va se régaler» affirme un père de famille résidant à la Nouvelle-Ville de Tizi Ouzou et qui se dit amoureux du quatrième art. Dans d'autres villes de la wilaya, les soirées ramadhanesques annoncent une belle ambiance avec l'activité des associations culturelles. Quelques galas artistiques sont attendus grâce à l'ardeur de quelques animateurs, mais insuffisants pour couvrir tout le mois. «Avant l'apparition de la pandémie, le chef-lieu était animé par des galas. Même avec l'entrée payante, nous avions passé des soirées extraordinaires. Nous avions vu défiler de nombreux chanteurs algériens dans une belle ambiance familiale. Mais cette année, je doute que les organisateurs puissent rebondir» regrette un citoyen de la commune de Boudjima. «Je me demande à quoi servent les commissions culturelles mises sur pied après chaque élection. Ils ont des budgets spéciaux pour financer des activités culturelles. Même petites, ces enveloppes financières ne sont pas traduites sur le terrain», explique Samir, membre d'une association culturelle, qui reproche aux élus locaux leur absence dans ce domaine. D'autres jeunes appellent les élus à mettre à profit les infrastructures culturelles existantes dans les communes pour animer, au moins, les soirées ramadhanesques. «Il existe des maisons de jeunes partout. Il y a des foyers de jeunes et des centres culturels dans presque tous les chefs-lieux des communes. Seul le vent y siffle» déplore un jeune de Makouda.
Les agences de l'événementiel
Devant ce désert culturel régnant, des jeunes artistes s'élèvent pour dénoncer l'inertie des autorités concernées au niveau local. L'organisation de la vie culturelle doit subir une véritable refonte. «Les artistes doivent s'impliquer parce qu'il est inconcevable de placer ses espoirs dans des élus qui font de la culture le dernier de leurs soucis» fulmine Hamid, un jeune artiste chanteur. D'autres jeunes artistes proposent des idées aux élus locaux à même de redonner vie à l'art et la culture dans leurs communes. «Ils peuvent par exemple impliquer les agences privées spécialisées dans l'événementiel. Les membres des commissions culturelles installées au niveau des Assemblées peuvent faire appel à ces spécialistes pour l'organisation de galas payants. Les salles existent partout et les gens ne demandent que ça», explique encore Hamid qui ajoute que la méthode va même profiter aux artistes qui ne trouvent pas d'occasion pour se faire connaître. «En tant qu'artiste, j'ai toujours souhaité être au programme ramadhanesques de la Maison de la culture de Tizi Ouzou, mais mon rêve est toujours resté inassouvi», regrette-il. En tout état de cause, les soirées du mois de Ramadhan doivent être exceptionnelles. L'ambiance doit reprendre ses droits. «Que pouvons-nous faire après l'Iftar' Il y a pourtant beaucoup de choix, mais qui sont rendus impossibles par l'inertie des responsables du secteur de la culture au niveau des communes. Les responsables des commissions culturelles doivent s'impliquer sur le terrain. Gérer la culture n'est pas une affaire de bureau ou de distribution de maigres budgets pour les associations. Il faut innover. Il faut réanimer la vie artistique», fulmine, Arezki, un jeune artiste peintre qui dit avoir demandé une salle pour exposer ses tableaux durant les soirées de Ramadhan. Sa demande est restée lettre morte.
Sans disposer des moyens de nos jours, les anciens ont su animer leurs soirées pas des visites familiales et autres...
«J'ai encore les souvenirs d'enfance qui défilent devant mes yeux. Il y avait un grand frêne au centre du village. Illuminé par des bougies, la place était pleine à craquer de femmes et d'enfants. Elles sortaient après l'Iftar pour passer de belles soirées à chanter et à discuter de tout. L'ambiance durait jusqu'à l'aube.
Les femmes rentrent pour un petit déjeuner selon leur choix avant de commencer une autre journée de jeûne», raconte Na Yamina qui déplore l'attitude des femmes d'aujourd'hui accrochées à la télé durant toute la soirée. «C'était le temps où le bonheur ne rimait pas automatiquement avec l'opulence. On ne mangeait pas bien, mais on n'était pas du tout malheureux. Croyez-moi que le mode de vie actuel rend les gens malheureux car ils ne savent pas se suffire de peu comme nos ancêtres», explique-t-elle. N'est-ce pas justement là un des enseignements du mois sacré'


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