Algérie

Tizi-Ouzou : Le festival du film amazigh, un "nouveau souffle" pour le cinéma



L'organisation du Festival culturel national du film amazigh (FCNFA) "est le meilleur moyen de donner un nouveau souffle pour ce cinéma", a estimé samedi à Tizi-Ouzou, Salim Aggar, directeur général du Centre algérien de cinématographie (CAC).
Intervenant sur les "40 ans du cinéma amazigh", de 1979 à aujourd'hui, Aggar a considéré que la production filmographique en tamazight "demeure très modeste" avec seulement 12 longs métrages, 10 en kabyle, un en chaoui et un autre en targui.
Cinéma "récent" ayant mené un "combat politique, culturel, cinématographique et linguistique", la production cinématographique amazighe "est passée par trois étapes essentielles" : Celle, d'abord, d'avant et après le printemps berbère d'avril 1980 jusqu'à octobre 1988, "marquée par l'arrêt de toute production d'expression amazighe, ensuite celle des années 90, notamment entre 1994 et 1996, qui a vu l'émergence du grand cinéma kabyle, et enfin, celle de 2003 à ce jour", a précisé Salim Aggar.
La période des années 1990, a-t-il souligné à ce propos, "était très importante", car marquée par la naissance du 1er film professionnel amazigh, "Adrar n Baya", et l'ensemble des productions de Abderrahmane Bouguermouh, Belkacem Hedjadj et Azzedine Meddour, "qui ont donné des ailes aux autres cinéastes pour se lancer dans l'aventure de la production de leurs films".
Soulignant, par ailleurs, l'absence d'un travail de documentation et d'archivage, le DG du CACr, a déploré, lors de son intervention, "l'inexistence de travaux documentés sur ce cinéma, exception faite du livre de Frédérique Devaux Yahi, "De la naissance du cinéma kabyle au cinéma amazigh", appelant, à l'occasion, à "réfléchir à un travail d'archivage des productions cinématographiques amazighes".
Aux chapitres contraints, Aggar, a fait remarquer que le cinéma amazigh fait face à "un écueil de taille qu'est l'absence de financement". La dissolution des entreprises cinématographiques a eu "un impact sur la production cinématographique amazighe qui aurait pu en bénéficier", a-t-il ajouté à ce propos.
"La réalisation d'un film sur l'époque romaine, turque ou même coloniale française demande beaucoup de moyens financiers", a-t-il expliqué à ce propos, ajoutant que "le vieux bâti tombe en ruine et la restauration des décors est coûteuse, de même que la confection des costumes et autres décors".
A ce propos, Salim Aggar a soutenu que l'organisation de "L'année de l'Algérie en France" en 2003 avait été "une occasion qui avait permis à beaucoup de cinéastes de réaliser leurs produits, grâce aux subventions accordées dans le cadre de cette manifestation".

23 ?uvres en compétition
Vingt-trois (23) films au total sont officiellement en compétition pour l'Olivier d'or, la plus haute distinction du Festival culturel national annuel du film amazigh (FCNAFA) dont la 17ème édition se tient du 28 février au 4 mars dans la wilaya de Tizi-Ouzou, a annoncé dimanche le Commissaire de cette compétition cinématographique, Amar Tribeche.
Il s'agit de 4 longs métrages, 10 courts métrages, 6 films documentaires et trois d'animation dans les variantes chaouie, mozabite et kabyle qui ont été sélectionnés pour cette nouvelle édition et ce, sur une quarantaine de films déposés, ont indiqué le commissaire du FCNAFA et la directrice locale de la culture, Nabila Goumeziane lors d'une conférence de presse qu'ils ont animée conjointement à la maison de la culture Mouloud Mammeri.
Cette nouvelle édition sera dédiée à la mémoire des défunts artistes Djamel Allam et Youcef Goucem et coïncidera avec la commémoration du 30ème anniversaire de la disparition de l'écrivain et anthropologue Mouloud Mammeri, a indiqué Mme Goumeziane. Cette manifestation sera ponctuée par plusieurs activités culturelles dont une exposition, des conférences sur le cinéma et un atelier de formation en écriture du scénario, selon le programme remis à la presse.
Parmi les films en compétition et dans la section documentaire "JSK asmi Tervah, la joyeuse saga des Kanaris" de Abderezak Larbi Cherif dédié au club phare de la Kabylie, "Asefrek n yiduman di Bouzgan" de Djamel Bacha qui aborde le tri des déchets ménager et la préservation de l'environnement par les habitants de certains villages de la commune de Bouzguène, à l'instar de "Sahel et Ahriq" et "Juba II" de Mokrane Ait Saada.
Les cinéphiles pourront également découvrir à l'occasion de ce festival quatre long métrages, à savoir, "Isegmi n tayri" de Lounes Medjnah, "Le rival" un film d'action de Nassim Khelladi,"Tamachahut n Selyouna" un film inspiré d'une légende locale autour d'une princesse réalisé par Aziz Chelmouni et "le choc" de Karim Mouali. La catégorie court métrage s'intéresse à plusieurs sujet de la vie dont la pauvreté avec "Aygher a dunit" de Nabil Chalal, le temps qui passe avec "I tazzalen Isegwasen" de Djamel Ould Braham et "La bouteille d'ailleurs" de Nabil Meziani.
La catégorie films d'animation, qui n'a pas enregistré de films sélectionnés lors de la précédente édition, revient cette année avec trois productions qui sont "Debza u dmagh" d'Ahmed Hadibi, inspiré de la chanson éponyme du chanteur Slimane Azem, "Ighalen i dduklen" de Rabah Hattabi et "War, Derz lfetna" de Amar Amarni.
Officielle qui se tiendra au théâtre régional Kateb Yacine sera marqué par la projection du court métrage '''Banc Public'' de Djamel Allam produit en 2012 et qui avait décroché à la 13ème édition du FCNAFA le prix l'Olivier d'or dans cette catégorie. La projection des films en compétition aura lieu du 1er au 3 mars à la salle des spectacles de la maison de la culture Mouloud Mammeri qui abritera également la cérémonie de clôture le 4 mars prochain.
Les films en lice pour l'Olivier d'or seront projetés dans la grande salle de la Maison de la culture Mouloud Mammeri à raison de trois séances quotidiennes (une la matinée et deux l'après-midi) entre le 25 et le 27 de ce mois. Un programme de proximité, à travers plusieurs localités de la wilaya, a été également tracé, a observé le commissaire du FCNAFA.
Amar Tribeche a souligné lors de cette conférence que les échos qui lui sont parvenus de la commission de visionnage sont plutôt "favorables" quant à la qualité des films sélectionnés. "La productrice et docteur en cinéma Malika Laichour, connue pour sa rigueur sur la question qualité, m'a dit que le jury a été agréablement surpris par la fraîcheur, la qualité et la poésie de films selectionnés", a-t-il dit.

Projection de "Isegmi n Tayri" de Lounes Medjnah
Le long métrage "Isegmi n Tayri" de Lounes Medjnah, projeté vendredi à Tizi-Ouzou, en ouverture de la compétition pour l'Olivier d'Or, de la 17ème édition du festival culturel national annuel du film amazigh (FCNAFA) est un film plein d'émotion dont le jeu des acteurs a été fortement apprécié par l'assistance. Cette production, qui a été projeté à la salle des spectacles de la maison de la culture Mouloud Mammeri et avec lequel l'acteur Lounes Medjnah, signe son entrée dans le monde de la réalisation, est une histoire d'amour dramatique très réaliste, de deux jeunes qui se rencontrent dans un arrêt de bus. Il s'agit d'Idir médecin spécialiste, issu d'une famille pauvre qui vit seul avec sa mère malade et Amel, fille d'un riche propriétaire d'une entreprise de bâtiment.
Une histoire d'amour ordinaire dans laquelle pourraient se reconnaître de nombreux jeunes, car le scénario raconte, dans un kabyle truffé de mots en français, une réalité sociale algérienne. Une histoire qui n'aboutit pas à cause d'une mère qui, sans même chercher à connaître le jeune prétendant, s'oppose au mariage de sa fille, elle aussi médecin, avec l'homme qu'elle a choisi parce qu'il n'appartient pas à la même classe sociale que sa famille.
Le frère de Amel qui a de mauvaises fréquentations et qui lorsqu'il décide de quitter ses deux amis qui, en réalité, ne s'intéressaient qu'à son argent, est agressé par l'un d'entre eux qui l'a laissé pour mort. Ce même frère Karim devenu paraplégique suite à cette agression sera pris en charge par Idir, ce médecin dont il n'a pas voulu comme beau-frère et qu'il avait projeté de faire exécuter.
La place de la fille, en dépit de son niveau d'instruction, au sein de la famille à qui la mère préfère le garçon, les maux sociaux (alcoolisme et drogue) et leurs conséquences (vol et agression), le regard méprisant du riche au pauvre (cas de Karim qui ne respecte pas les ouvriers de son père alors que ce dernier les considère comme ses partenaires) sont autant de scènes qui abordent quelques réalités de la société, et qui renforcent la charge dramatique de ce long métrage de 114 minutes.
Plusieurs scènes sont chargées d'émotion dont l'une des plus fortes est la lettre écrite par Amel à Idir pour lui faire ses adieux lui promettant de donner son nom au premier garçon qu'elle mettra au monde. Le film se termine sur une rencontre entre Idir et Amel, quelques années après leur rupture, tous deux ayant fait sa vie de son côté. Amel a eu un garçon qu'elle a prénommé Idir et Idir a eu une fille a qui il a donné le prénom de Amel. Une sorte de renaissance de l'Amour ou "Isegmi n Tayri" en kabyle d'où le titre de ce long métrage.
Durant le débat qui a suivi la projection, des producteurs, des gens du cinéma et des universitaires dont un enseignant en tamazight, ont relevé que le film est trop long et ont conseillé de réduire certaines scènes. Le réalisateur qui a reconnu que son film est effectivement long, a expliqué qu'au départ il voulait faire un feuilleton mais par manque de moyen il en a fait un long métrage et a promis de réduire la durée du film et de l'améliorer.
Les intervenants ont été unanimes à saluer le jeu des acteurs qui ont réussi à transmettre de l'émotion. Ils ont par ailleurs relevé quelques erreurs techniques notamment en matière d'éclairage des scènes de nuit qui sont jouées quasiment dans le noir, le sous-titrage en français plein d'erreurs d'orthographes, le manque de punch dans la trame dramatique et le recours dans les dialogues, à des mots en français alors que les équivalents en kabyle existent et sont toujours d'usage.

"Juba II" de Mokrane Ait Saada, flash-back sur un roi pacifiste
Le documentaire "Juba II" de Mokrane Ait Saada projeté à la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou, dans le cadre de la compétions pour le prix l'Olivier d'or du Festival culturel national annuel du film amazigh (FCNAFA), se veut être un flash-back sur un roi pacifiste dans un contexte de rivalité guerrière avec la Rome antique.
Ce documentaire d'Histoire dont la projection s'est déroulée vendredi en fin d'après-midi, retrace en 53 mn le parcours d'un personnage aussi complexe, en s'appuyant sur des historiens qui ont étudié la personnalité de ce roi amazigh, donnant une valeur quant au récit, tout comme les décors et accessoires, signés Mohand-Saïd Idri et Samir Terki (Ecole des beaux-arts d'Azzazga) et les Costumes conçus par El Boukhari Habbel, lui ont apporté une valeur esthétique. Ce documentaire en Tamazight, sous-titré en français, retrace l'épopée d'un roi bâtisseur, pacifiste et savant. Le film s'ouvre sur un plan de la mer, la méditerranée qui sépare et unit à la fois, deux états, Rome et la Numidie. Une scène de sac et de ressac qui introduit déjà le spectateur dans le parcours de Juba II (interprété par Dahmane Aidrous) entre la numide où il est né et a régné, et Rome où il a été élevé après avoir été enlevé.
Les scènes, en majorité des plans serrés, ont été tournées dans un décor reconstituant le bureau de Juba II. D'autres ont été jouées dans le musée des antiquités, à Cherchell et à Tiaret. C'est dans les beaux paysages de cette wilaya (Tiaret) que le réalisateur a filmé une scène, en gros plan, montrant Juba II chevauchant pour aller à la rencontre de Takfarinas (joué par Slimane Grim). Mokrane Ait Saada, également auteur du scenario de ce documentaire-fiction, rappelle brièvement la fin du règne du Juba I en 46 avant J-C après la bataille de Thapsus qu'il mena contre César et l'enlèvement de son fils Juba II alors âgé de 5 ans arrachés des bras de sa mère, par de soldats romains pour qu'il soit conduit à Rome où il fut éduqué par la s?ur de l'empereur Octave. A l'âge de vingt-cinq, il retourne en Numidie, où il sera intronisé par Rome roi de Maurétanie. Juba II a opté pour Césarée (actuelle Cherchell) comme capitale. Ce choix est dicté par sa position géographique sur les bords de la Méditerranée une ouverture sur la mer propice au développement du commerce avec les pays de la rive nord de la Méditerranée, selon les témoignages des historiens rapportés dans ce documentaire.
L'historien Abderrahmane Khelifa porte la voix de Juba II pour accompagner en off les images dans une sorte de récit autobiographique, entrecoupé par l'intervention de spécialistes qui expliquent certains faits historiques du parcours de ce roi Amazigh connu pour avoir construit de grands édifices dont des bâtiments, des théâtres, sa contribution au développement du commerce extérieur, de l'agriculture, des arts et du savoir. C'est lui qui donna le nom d'Euphorbe du nom de son médecin grecque qui à découvert cette plante et ses vertus médicinales, rappelle le documentaire.
L'un de moments forts de ce documentaire est la rencontre (dans deux scènes) entre Takfarinas et Juba II, le premier demandant au roi de se joindre à lui pour combattre l'occupant romain, le second plaidant en faveur d'une paix avec Rome beaucoup plus puissante militairement. C'est d'ailleurs, les seuls passages de la partie fiction de ce documentaire que le réalisateur a habillé d'un dialogue pour "donner plus de présence d'intensité à ces deux scènes", a expliqué M. Ait Saada.

"Tuqqit" de Karim Mouhali, une fiction qui explore l'âme d'un non-voyant
"Tuqqit" de Karim Mouhali, un long métrage projeté samedi à la maison de la culture de Tizi-Ouzou, dans le cadre de la compétition pour l'Olivier d'or, la plus haute distinction du Festival culturel national annuel du film amazigh (FCNAFA), tente d'explorer l'âme d'une personne non voyante.
C'est à travers Youcef personnage principal que ce film de 107 mn, dont le scénario est signé Mohand Lmouloud Oubeka, tente de lever un peu le voile sur les pensées intérieures d'une personne aveugle qui perd la vue suite a un accident, d'où le titre de ce film "Tuqqit" ou "le Choc".
La trame du film se déroule et se laisse presque entraîner par les espoirs et désespoirs, l'envie de se battre, ou d'en finir, de Youcef. Le film s'ouvre sur deux gros plans d'un jeune qui remplissait un seau de sable et d'une poulie qui tourne. C'est cette poulie qui va lâcher avec son chargement, le seau de sable que Youcef, étudiant brillant en troisième année de médecine, venait de remplir et qu'il reçoit sur sa tête dans un choc violent qui le plongera dans le coma pendant neuf jours. A sa sortie du coma Youcef perd la vue.
En quittant l'hôpital, il entame avec résignation sa nouvelle vie dans un monde sans couleurs et sans lumière. L'envie de se battre le pousse à s'inscrire dans une école pour non-voyant afin d'apprendre le braille et poursuivre ses études à l'université.
Le désespoir de Youcef s'exprime lorsque son ami le conduit au bord d'un lac où ils avaient l'habitude de se rendre et dont il ne peut plus apprécier la beauté et lorsqu'on lui propose une opération délicate qui comporte de gros risques qu'il accepte, mais qu'il en subira pas suite au refus de ses parents.
Une scène dans laquelle on voit Youcef debout à un arrêt de bus attendant son bus pour rejoindre l'école des aveugles, en train d'écouter le chant d'un oiseau enfermé dans une cage, révèle la sensibilité du non-voyant qui voit avec son c?ur et son esprit.
Youcef se compare à cet oiseau que ses propriétaires pensent qu'il est en train de chanter alors que ses chants ne sont que des lamentations comme lui qui tente de faire bonne figure devant ses parents en cachant sa grande douleur.
C'est à cet arrêt de bus qu'un homme l'agresse violement à la tête à coup de canne, ignorant qu'il est non-voyant et pensant qu'il était en train de draguer sa fille, sa maison étant située juste en face. Youcef se retrouve de nouveau à l'hôpital et après trois jours d'hospitalisation, il retrouve la vue.
Youcef pardonne à son agresseur traduit devant la justice et accepte d'épouser sa fille pour faire taire les rumeurs. Le film s'achève sur une nouvelle agression de Youcef qui tombe par terre suite au choc subit et perd de nouveau la vue.
Lors des débats qui ont suivi cette projection, des réalisateurs présents dans la salle dont Lounes Medjnah qui participe à cette compétition avec un long métrage, Djamel Ould Braham lui aussi en compétition avec un court métrage et Mohamed Rahal, ont relevé quelques erreurs techniques et la quasi absence de plans panoramiques.
Les critiques ont également regretté que ce film soit trop long, relevant aussi "beaucoup de vide" et des "séquences qui n'ont pas une grande valeur qui ont alourdi le film". L'histoire a été par contre appréciée par les intervenants.


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