Le village kabyle et les savoir-faire locaux, en tant que ressource patrimoniale et culturelle, ont fait l’objet de deux journées d’étude organisées, samedi et dimanche derniers, à la Maison de la culture à l’initiative du Haut-Commissariat à l’amazighité.
Bien qu’on assiste aujourd’hui à une ferveur patrimoniale par la mise en place de fêtes et festivals célébrant le tapis d’Aït Hichem, le bijou d’Aït Yenni, la poterie de Maatkas, les figues d’Illoula et d’Ath Oumaouche, le rituel d’Aqdar de Tala Ntazart, du costume et de l’art culinaire de cette région, le village kabyle en tant qu’ensemble de structures mobilières et immobilières englobant le bâti, les formes architecturales, les fontaines, les ruelles, les mosquées… suscite moins d’intérêt et d’attention en tant que ressource patrimoniale de la part des institutions.
Excepté quelques initiatives prises par les acteurs associatifs, le village kabyle n’a jamais été au centre des politiques publiques visant sa réhabilitation et sa sauvegarde en tant que bien commun culturel traditionnel.
Cette problématique a été au centre des débats des deux journées d’étude organisées, samedi et dimanche derniers, à la Maison de la culture, par le Haut-commissariat à l’amazighité.
Des enseignants des universités de Tizi-Ouzou et de Béjaïa et des chercheurs de l’Institut de recherche d’études arabes et musulmanes de Paris ont ouvert le débat sur la question.
Patrimoine amazigh dans le champ anthropologique à l’université est une communication d’Azzedine Kenzi du département de langue et culture amazighe de l’université de Tizi-Ouzou. L’universitaire fait part de l’ouverture d’un master en anthropologie culturel au sein de cette université, à partir de l’année universitaire 2013-2014. Une initiative inédite qui se propose d’ouvrir le champ scientifique au patrimoine amazighe qui reste pour le moment circonscrit au débat social et institutionnel.
La formation de compétences et de profils spécialisés dans le domaine qui permettra d’ouvrir des perspectives de recherches interdisciplinaires pour la prise en charge du patrimoine amazigh en général et villageois en particulier est une manière de sortir de la vision folklorique qui ne prémunit pas cette richesse de la disparition.
Une optique développée par le Pr Brahim Salhi, sociologue et doyen de la faculté de sciences humaines de l’Université de Tizi-Ouzou pour qui le patrimoine doit cesser d’être perclus dans les visions utopistes et folklorisantes.
Pour cet universitaire, la «patrimoinisation» ou la réhabilitation de la richesse patrimoniale ne doit pas être seulement pensée comme un exercice de mémoire contre l’oubli. Une réflexion doit être engagée pour rendre visible l’héritage du passé dans ses facettes matérielles et immatérielles (cadre bâti, savoir-faire locaux, artisanat…).
Le retour sur soi, la réinvention du passé ne suffit pas, il faut construire des repères, arrimer le passé réinventé au présent, selon le conférencier qui souligne le double défi qui surgit devant les acteurs qui ont pour projet la réhabilitation et la sauvegarde du patrimoine traditionnel pour qui la difficulté est de savoir comment faire face à l’uniformisation culturelle du monde, tout en évitant, par ailleurs, le piège de la glorification du passé.
Selon le Pr B. Salhi, ces productions matérielles et immatérielles du passé ne doivent pas être des lieux de recueillement, des images d’Épinal et de cartes postales; il faut en faire un objet de culture féconde et vivante qui accompagne le présent.
«Il faut inscrire les productions du passé dans des perspectives innovantes, dépasser le phénomène de la souffrance intellectuelle compte tenu de notre rapport au passé», estimera le conférencier qui tout en rappelant que la tradition et le vécu le patrimonial dans les villages kabyles, au même titre que le monde rural de l’espace nord africain, a subi des ruptures et des bouleversements sous la poussée d’événements historiques et politiques depuis le 19e siècle, suggère d’inscrire tout projet de sauvegarde dans le continuum du temps.
Le Pr B. Salhi qui se dit convaincu qu’il est possible de construire des modèles traditionnels avec des apports nouveaux, propose, en conclusion de sa réflexion, de mobiliser la pensée moderne pour réhabiliter les savoir-faire locaux, le patrimoine architectural et le bâti de nos villages.
Comme, par exemple, intégrer des éléments patrimoniaux dans la réalisation des bâtiments publics, selon le conférencier, pour qui le besoin de cohésion nationale n’est pas opposable aux spécificités locales.
S. A. M.
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Posté Le : 16/11/2013
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: hocineharoun.skyrock.com ; texte: S. A. M.
Source : LeSoirdAlgerie.com du jeudi 14 novembre 2013