«Activité professionnelle suicidaire», selon les propos du Dr Nadia Hammache, pneumo-phtisiologue au CHU de Tizi-Ouzou, la silicose, maladie incurable et mortelle, causée par l’inhalation de la poussière de pierre, est en train de tuer en Kabylie, notamment des hommes qui, pour la plupart, ont des familles à nourrir.
La quasi-totalité des tailleurs de pierres ne dispose pas de couverture sociale et lorsqu’un tailleur de pierres décède, il laisse généralement derrière lui une famille entière dépourvue de toute ressource.
C’est ce qui a motivé l’APC de Makouda, avec la collaboration de l’EPSP d’Ouaguenoun, à consacrer la journée de vendredi à la sensibilisation sur la silicose.
Une activité organisée au village Tala Bouzrou dont le drame est insoutenable, vu le nombre de décès enregistrés ces dernières années et causés par ladite maladie.
En plus d’une large exposition de l’Association des malades et parents des malades asthmatiques de la wilaya de Tizi-Ouzou et la projection d’un documentaire intitulé «L’art de la pierre et ses conséquences à Tala Bouzrou», plusieurs communications ont été données, ainsi que des témoignages de citoyens dudit village mais aussi, de Tkout (Batna) qui ont ému l’assistance nombreuse qui s’est sentie concernée par ce fléau qui dicte ses propres règles.
Pour le maire de Makouda, Youcef Makoudi, qui a ouvert les travaux, «il ne faut surtout pas que l’activité cesse, mais il faut qu’on donne tous les moyens à ces tailleurs de pierres, à commencer par les moyens sanitaires».
En visionnant le documentaire réalisé par l’EPSP de Ouaguenoun, comportant les témoignages des tailleurs de pierres de Tala Bouzrou, dont certains sont aujourd’hui décédés, on comprend les conditions de travail de ces travailleurs.
Pour se protéger de la poussière, la plupart d’entre eux se contentent d’un simple foulard.
«Les masques qu’on trouve sur le marché ne valent rien, je leur préfère plutôt le tissu, il protège mieux», témoigne l’un d’eux aujourd’hui décédé.
Il faut dire que 80% de ceux qui font cette activité dans la wilaya de Tizi-Ouzou sont du village Tala Bouzrou. C’est ce qui a fait dire au maire de Makouda, qu’«on doit les structurer, quoique ces jeunes travaillent sur des terrains domaniaux».
Pour lui, une solution s’impose. «Les intéressés doivent se rapprocher du service social de l’APC, nous allons prendre attache avec les services concernés».
Pour mettre un terme à cette hécatombe, un médecin a, pour sa part, suggéré la lutte contre les chantiers anarchiques, une visite sur les lieux de travail et un travail de sensibilisation.
Dans une communication, le Dr Nadia Hammache du CHU Belloua de Tizi-Ouzou a résumé et, développé les interventions précédentes avec chiffres à l’appui.
«La silicose est une maladie pulmonaire incurable, provoquée par l’inhalation de poussière contenant de la silice cristalline libre. Elle est aussi, irréversible et, de plus, elle continue à progresser, même après la fin de l’exposition», dira-t-elle.
Pour cette spécialiste en pneumo-phtisiologie, «l’objectif est de tirer la sonnette d’alarme : informer et sensibiliser les pouvoirs publics pour prendre les dispositions nécessaires afin de limiter l’ampleur de cette catastrophe humaine et étudier les caractéristiques épidémiologiques et professionnelles des tailleurs de pierres».
Pour le Dr Hammache, les tailleurs de pierres sont beaucoup plus vulnérables que les casseurs de pierres. A titre d’exemple, les premiers utilisent la tronçonneuse alors que les seconds, le marteau, dont l’empoussiérage est minime chez les uns mais massif chez les autres.
L’étude rétrospective de dossiers de malades hospitalisés pour complication sur silicose chez les tailleurs de pierres sur une période de quatre ans (2007-2010) est de 30 cas et 57% se situent dans la tranche d’âge des 17-30 ans.
Pour la conférencière, 17 décès dus à la silicose ont été enregistrés durant la même période dans la wilaya de Tizi-Ouzou: 7 à Ifigha (Azazga), 9 à Tala Bouzrou (Makouda) et 1 à Aïn-El-Hammam.
Pour les tailleurs de pierres décédés, la durée d’exposition à la poussière est beaucoup plus courte que chez les casseurs de pierres. C’est ce qui explique que les 9 artisans, tous originaires de Tala Bouzrou, décédés à l’hôpital de Tigzirt, étaient, pour certains, exposés à la poussière, pendant 4 ans, 5 ans, 6 ans et 9 ans.
Le Dr Nadia Hammache explique que les tailleurs de pierres, utilisent des disques de découpe et de ponçage de contrefaçon qui contiendraient des composants néfastes.
Aussi, le nombre de tailleurs de pierres ne cesse d’augmenter à cause des prix attractifs des outils de travail. «Deux régions de la wilaya se distinguent, Ifigha et Makouda. Pour Makouda, le travail est individuel, pour Ifigha, le travail est au noir et chez l’employeur. Ces employeurs, et sans encourir le moindre risque pour leur santé, tirent des bénéfices énormes, grâce aux prix exorbitants de la pierre taillée».
Ces tailleurs et casseurs de pierres qui exercent sans aucune affiliation aux organismes de sécurité sociale, vont peut-être voir une solution à leurs problèmes, si l’on en croit le président de la Chambre d’artisanat et des métiers.
Dans son intervention, ce dernier a invité les intéressés à se rapprocher de son institution pour au moins avoir une attestation d’artisan, pour ensuite s’affilier à une Caisse d’assurance et pourquoi pas demander un prêt à l’ANSEJ afin d’acquérir le matériel adéquat.
Enfin, et il faut le signaler, le témoignage émouvant d’un citoyen de Tkout (Batna), un ancien tailleur de pierres qui, rien qu’en donnant le nombre de morts de la silicose dans sa région, a laissé pantois plus d’un. 75 morts rien que pour la période de 2004 à 2011.
Selon lui, 8 à 10 personnes meurent chaque année dans sa région de cette maladie.
K. Bougdal
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Posté Le : 18/12/2011
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : K. Bougdal
Source : LeSoirdAlgerie.com du dimanche 18 décembre 2011