Dois-je vous appeler, «Mon Général», «Monsieur le directeur général de la Sûreté nationale» ou simplement «Cher frère» ' En ce qui me concerne, je préfère le brassage de ces trois intitulés avec tout ce que cela comporte comme autorité, position hiérarchique et solidarité citoyenne.
Cette lettre se veut avant tout un appel pathétique en votre direction en vue d’essayer de trouver des solutions d’urgence au marasme multidimensionnel qui perdure au niveau du chef-lieu de la wilaya de Tizi Ouzou, notamment en matière de sécurité. Le traitement de cette question s’impose en urgence en termes de délai et de moyens à mettre en œuvre pour garantir aux citoyens de la ville de Tizi Ouzou la paix et la quiétude auxquelles ils sont en droit d’aspirer légitimement et d’attendre de vous en votre qualité de premier responsable de la sécurité.
J’en conviens qu’il s’agit-là d’une mission très difficile, mais les échos qui nous parviennent, sur votre compétence et votre probité morale, nous rassurent et nous autorisent à espérer la fin de notre calvaire. Il est vrai que le caractère spécifique des revendications culturelles et sociales de la région ont quelque peu compliqué la situation déjà fortement affectée par la crise économique, mais c’est sur seulement le chapitre sécuritaire que j’inscris particulièrement ma présente démarche en laissant le soin aux seuls politiciens de rechercher les solutions appropriées aux autres problèmes qui se posent à la région.
Je ne veux pas paraître égoïste, car je ne suis qu’un simple administré, mais ce qui m’interpelle présentement en en ma qualité de citoyen lambda, c’est l’état de délabrement et de clochardisation de la ville qui m’a vu naître. Je ne pardonnerais jamais aux auteurs de cette horrible hécatombe, quelle que soit leur appartenance politique. Cela m’amène à vous dire que j’ai la faiblesse de croire que l’Algérie recèle encore beaucoup d’hommes politiques de grande valeur et d’une probité morale à la hauteur de la confiance qui a été placée en eux. Dans votre intervention, reprise par divers quotidiens algériens, vous avez notamment déclaré, je cite : «Des directives ont été données pour une lutte sans merci contre le crime organisé et ses formes dévastatrices, comme le trafic de stupéfiants, la corruption et les atteintes graves aux personnes et aux biens.» Fin de citation. Quelle noble mission si elle a des chances d’aboutir sur le terrain !
Sachez tout de même, cher frère, que notre ville est au bord de l’implosion du fait de la loi implacable des milieux de la mafia interne et que les citoyens risquent d’être poussés et à réagir violemment en choisissant la loi du talion.
Nous survivons aux lois de la pègre, dont les ramifications s’étendent du simple délinquant primaire en passant par les caïds autoprodamés de la pègre locale jusqu’à leurs puissants protecteurs de tous bords. Ces individus se comportent en maîtres absolus du terrain, et n’hésitent pas à laisser entendre qu’ils ont de très solides relations derrière eux, en citant sans aucune retenue les noms d’officiers supérieurs et des hauts cadres de l’Etat.
Chaque segment de cette pègre (drogue, racket, réseau, trafic d’influence, réseau de prostitution...) se prévaut de son appartenance au clan d’un tel ou tel officier supérieur ou homme politique pour pérenniser leurs abjectes besognes.
Un tel constat me donne des frissons, mon frère, et je vois se dessiner à court terme la formation des «escadrons noirs», à l’instar de ceux créés dans le passé au Brésil en poussant les citoyens à défendre eux-mêmes leur intégrité physique et leurs biens. Ce qui se passe dans la ville de Tizi Ouzou ne nécessite aucun commentaire. Jugez-en, Monsieur le directeur général :
- Main-basse sur la ville à la tombée du jour. La ville passe sous le contrôle de la pègre.
- Agressions en tous genres, allant de simples petits larcins aux agressions par arme blanche pour diverses raisons (vols, intimidations...) ;
-vols de voiture avec agression ou tentative d’agression ;
- vols de commerce par effraction ;
- proxénétisme et viols ;
- vente libre de toutes les drogues ;
- racket (l’espace d’intervention est segmenté pour toute la ville de Tizi Ouzou et placé sous l’autorité d’un clan. Tous les commerçants ou presque sont rackettés, en contrepartie de leur «sécurité et protection».
- Les espaces publics, notamment l’axe de l’hôpital et des autres artères principales de la ville sont squattés grâce à la bénédiction et la protection de ces clans. Souvent, des commerces ont été créés sans documents administratifs et sans contrat de location, lorsque ces locaux appartiennent à cette pseudo mafia qui ne tire sa force que par la corruption et l’absence d’intervention des structures concernées.
- Anarchie totale et non-respect du code de la route par une nouvelle caste de chauffards (minibus plus précisément dont la plupart laissent entendre qu’ils ont tous des policiers derrière eux pour les protéger, en leur évitant des contraventions).
La liste est trop longue, Monsieur le directeur général et j’espère que vous comprendrez mieux que quiconque les raisons de nos préoccupations. Nous revendiquons seulement le droit élémentaire de vivre en paix et en toute sécurité dans le respect de la Constitution et des lois du pays (...)
En ce qui me concerne, je n’ose pas croire que l’on puisse délibérément pousser la situation à un tel niveau de pourrissement, persuadé qu’il existe encore des hommes capables de se positionner courageusement en faisant valoir l’autorité de l’Eat sur le terrain par la protection et la sauvegarde des intérêts du citoyen et de l’Etat.
Un citoyen de la ville
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Posté Le : 30/10/2010
Posté par : sofiane
Source : www.elwatan.com