Algérie

Tizi Ouzou avec faste



Une fête à la mesure de l'événement
Yennayer, cette année, dans la wilaya de Tizi Ouzou, a été un véritable rendez-vous avec l'histoire.
Toute la wilaya de Tizi Ouzou a été au rendez-vous de ce premier jour de l'An amazigh, décrété journée chômée et payée, jeudi dernier. Il ne s'agissait pas de fêter uniquement Yennayer, comme cela s'est fait depuis toujours dans la région de Kabylie et un peu partout dans toute l'Afrique du Nord où le peuple amazigh existe. Il était plutôt et plus question de fêter aussi et surtout la victoire remportée par le combat identitaire mené en Algérie depuis des décennies. Il a fallu des sacrifices énormes pour que ce combat aboutisse. Personne parmi les anciennes générations n'a oublié, en ce jeudi 12 janvier 2018, que dans les années soixante-dix et quatre-vingts, la simple découverte de l'alphabet tifinagh dans la poche d'un citoyen menait tout droit à la prison.
Aujourd'hui, tamazight est langue nationale et officielle et Yennayer est une journée de fête nationale. Même le gouvernement communique en tamazight puisque la semaine écoulée, pour la première fois dans l'histoire, un communiqué rédigé entièrement en langue amazighe a été rendu public par le ministère des Affaires religieuses. Yennayer, jeudi dernier, à Tizi Ouzou était donc spécial, très spécial. Les gens étaient heureux de constater que le sacrifice de Khelifati Mohand Amokrane, Mbarek Ait Menguellet, Benai Ouali, Amar Ould Hamouda, Bessaoud Mohand-Arab, Haroun Mohand, Matoub Lounès, Guermah Massinissa, Achour Belghezli et de tant d'autres militants de la cause berbère n'a pas été vain. La consécration de Yennayer comme jour férié restera dans les annales de l'histoire de l'Algérie car cette même histoire a été enfin corrigée après avoir été amputée, sciemment, de plusieurs pans de sa trajectoire plusieurs fois millénaire. Le rendez-vous le plus important de cette grande fête a été sans doute la grande soirée animée au théâtre régional Kateb Yacine, dans la soirée de jeudi dernier.
Le spectacle, organisé par Radio-Tizi Ouzou en collaboration avec la direction de la culture et l'Assemblée populaire communale de Tizi Ouzou s'est voulu un hommage au chanteur kabyle Djamel Allam, qui est malade depuis plusieurs mois. Ce dernier, malgré l'affaiblissement de son état de santé, a tenu absolument, non seulement à être présent à cette soirée, mais il a aussi chanté plusieurs de ses titres célèbres comme «Ma r-adyughal», «Djaouhara»... Il n'était pas seul sur scène, mais accompagné à maintes reprises de jeunes artistes en herbe à l'instar de la belle voix Yasmine qui a interprété en duo avec Djamel Allam l'un des titres les plus beaux de ce dernier. La soirée a été l'occasion pour rendre hommage au pilier Matoub Lounès. Les organisateurs ont d'ailleurs choisi d'entamer cet événement artistique particulier en diffusant une chanson de fête de Matoub Lounès figurant dans son album de 1983 intitulé «Tamsalt N Slimane (Azem)». Lors de la même soirée, le jeune et talentueux chanteur Arezki Ouali a également tenu à rendre un vibrant hommage au «Rebelle» à l'occasion de la victoire du combat identitaire amazigh, en interprétant «Ayafroukh» de Matoub Lounès (Album Assirem-1996) où Lounès chante l'amour du pays et l'affliction générée par le fait d'être loin de sa terre natale. Le public a chaleureusement ovationné Arezki Ouali pour cette pensée au «Rebelle» dont nous commémorerons l'anniversaire de la naissance dans quelques jours, le 24 janvier. La soirée Spécial Yennayer, s'est poursuivie avec la montée sur scène de nombreux autres jeunes artistes à l'image d'Arezki Grim, Celia Ould Mohand et Yasmine.
La cérémonie s'est déroulée en présence de Mohamed Bouderbali, wali de Tizi Ouzou. Ce dernier a rappelé encore une fois l'engagement de l'Etat à ne ménager aucun effort pour promouvoir la culture et la langue amazighes et l'importance est l'acquis que constitue la reconnaissance de la journée de Yennayer comme faisant partie du calendrier des fêtes nationales et officielles. En plus du wali, étaient présents à la fête de Yennayer à Tizi Ouzou, la directrice de la culture, Nabila Goumeziane, l'écrivain-peintre Hocine Haroun, le grand chanteur engagé Ali Ideflawen, le maire de Tizi Ouzou Ouahab Ait Menguellet... La soirée en question a été retransmise en direct sur les ondes de Radio Tizi Ouzou.
Rappelons que la majorité des communes de la wilaya a abrité, jeudi dernier, plusieurs activités pour célébrer cette victoire. Alors que la Maison de la culture Mouloud Mammeri a accueilli tout au long de la semaine écoulée des activités culturelles et artistiques ainsi que des conférences avec la participation de nombreux chercheurs comme Slimane Hachi, directeur du Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (Cnrpah), l'écrivain-chercheur Abdennour Abdesselam, l'archéologue Hamid Bilek...
Il faut reconnaître que Yennayer, cette année, dans la wilaya de Tizi Ouzou, a été un véritable rendez-vous avec l'histoire. Une histoire authentique et vraie, revue et corrigée enfin. L'histoire d'un peuple qui se réconcilie ainsi avec soi-même après des décennies de déni identitaire, injuste et empreint d'ostracisme. Ce dernier n'est désormais qu'un souvenir. Pas si lointain. Mais souvenir quand-même.


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