TIPASA-CHERCHELL-CHENOUA L'antique contrée numide fête Yennayer

Comme à l'accoutumée, la région kabyle et berbérophone, allant du Mont Chenoua, jusqu'à la majestueuse montagne de Boumaâd, célèbrera bientôt le nouvel an berbère Yennayer, dont les traditions remontent loin dans la nuit des temps des royaumes et dynasties numides héritières de Massinissa et de Takfarinas.
A cette tradition typiquement berbère, propre aux montagnards du Chenoua, de Menacer, de Gouraya, Damous et Béni Milek, se joignent aujourd'hui les Ahdhars de Cherchell, ces descendants de la noblesse et des colonies musulmanes d'Andalousie, ayant rejoint Cherchell dès les 13e et 14e siècles, pour fuir l'inquisition espagnole d'Andalousie. Ainsi, les vendredi 11 et samedi 12 janvier 2013 seront faits d'offrandes, en l'honneur de Yennayer. Chacun célèbrera cet événement à sa façon selon ses us et coutumes, son rite, ses croyances et ses traditions. C'est le vendredi 11 janvier 2013, tard dans la soirée que s'effectueront les traditionnels préparatifs des festivités de Yennayer, célébré depuis des millénaires dans ces vastes régions kabyles et berbérophones allant du pic de Menacer, en passant par la chaîne montagneuse du djebel Chenoua, incluant les massifs montagneux des Touares, de Gouraya, de l'inaccessible djebel Boumaad, en aboutissant enfin vers les forêts millénaires des djebels de Bouyamine, de Beni Mileuk et Damous. Toutes ces contrées à 90% berbérophones célèbreront assidûment et dans la plus pure tradition berbère, le nouvel an kabyle Yennayer. Aucun des habitants de ces contrées, en majeure partie sauvages, ne connaît l'origine de cette tradition. Mais le rituel transmis de génération en génération est respecté scrupuleusement par chaque famille depuis des siècles durant. Très tôt les mères kabyles vont cibler les volailles idéales, que ce soit des dindes de belle taille ou des coqs les plus en vue. La complicité du père de famille aidant, il faut organiser ces festivités, mais d'abord en préparant «le tchrez», sorte d'immense mélange de figues sèches, de cacahuètes, de noix, de dattes sèches, de bonbons, chocolats et autres friandises, qui feront le soir venu, la joie de tous. Au-delà de l'impressionnant dîner à base de couscous orné des meilleurs morceaux de volaille, dont les odeurs harcèlent déjà les narines stupéfaites des bambins, voilà que les grand- mères kabyles de la région de Cherchell, Gouraya et du Chenoua feront vite de mettre en place l'immense poêle à frire, qu'on utilise lors des grandes occasions, soit pour les gâteaux, soit pour confectionner les merveilleux beignets «sfendj», dont ces dames excellent. Alors là, les bambins subitement au fait de l'événement s'alignent en rang serré, pour pouvoir goûter aux chaudes pièces, dont le pétillement se perd dans l'obscurité de cette soirée féérique, avec comme imperturbable témoin, le réchaud à gaz, qui fait danser les flammes bleues et rouges. Après la prière d'El Icha, les festivités et les danses familiales accompagnées de la derbouka, de douces mélopées religieuses incantatoires en kabyle suivront le festin donné à cette occasion. Exceptionnellement, les bambins boiront du thé accompagné de beignets chauds. La tradition veut que les préparatifs et le rituel du «tchrez», s'effectuent dans un immense plat appelé «kassâa», au milieu duquel on fait asseoir l'enfant cadet de la famille. La grand-mère, la tante ou la mère de famille verse ce Tchrez sur la tête de l'enfant, et chacun y prononce son vœu le plus secret de bonheur et de prospérité pour lui et sa famille que cette nouvelle année sera censée apporter. Au coucher, chaque enfant doté de sa part de friandises et de bonbons dormira avec la ferme conviction que le lendemain de Yennayer sera merveilleux et miraculeux. Lors de cette belle soirée, c'est la veillée tant attendue. Les jeunes filles célibataires se feront belles, se maquilleront et mettront leurs beaux bijoux. Elle se mettront du henné aux mains et aux pieds, avec l'espoir secret qu'en lançant des vœux, le bien-aimé finira par arriver. Entretemps, elles danseront et chanteront en riant aux éclats. Elles croient dur comme fer que le nouvel an apportera avec lui le prince charmant tant attendu. Dans cette attente, elles oublieront leurs échecs, leurs déceptions, leurs soucis et leurs problèmes quotidiens, le temps d'une soirée.