Algérie - Irrigation

Timimoun (Adrar) - Les foggaras, un savoir faire en péril



Timimoun (Adrar) - Les foggaras, un savoir faire en péril




Les régions du sud ouest de l’Algérie ont toujours connu des activités agricoles, possibles grâce à l’utilisation de mécanismes d’irrigation appelés foggaras. Des concepts similaires existent dans d’autres pays, comme en Iran, au sultanat d’Oman, en Libye, en Tunisie ou au Maroc.

Depuis des siècles, l’autosuffisance alimentaire était garantie grâce à ce système d’alimentation hydrique. Les quantités d’eaux provenant des nappes ou des sources montagneuses, sont dirigées vers une kassria (répartiteur), conçu par des mains expertes, et distribuant les eaux selon les besoins des agriculteurs. Mais aujourd’hui, le désintéressement des jeunes pour les activités agricoles menace les foggaras de disparaître du champ local et traditionnel du Gourara et du Touat.

«Les vieux qui façonnaient les foggaras n’ont pas transmis tout leur savoir faire. Ils ont gardé des secrets et la plupart sont décédés », affirme Moussa, la quarantaine, natif du ksar de Timimoun, à 1300 km au sud ouest d'Alger. Il se rappelle tout jeune des ambiances autour des foggaras.

«Quand nous étions adolescents, l’entretien des foggaras avec les vieux était un passe temps favori. On apprenait comment dessiner avec de la boue les conduites d’irrigation. Parfois, lorsque nous descendions dans les profondeurs, les vieux nous demandaient à certains endroits d’éteindre nos torches. Ils ne voulaient pas nous donner des secrets. Il y avait des choses paranormales qui se passaient aussi», raconte-t-il.

Pour Ba Ahmed, âgé d’environ 80 ans, «les jeunes ne veulent pas travailler dans l’agriculture par fainéantise».

«Depuis que le gouvernement subventionne le transport de légumes du nord vers le sud, les prix de nos productions sont relativement plus chers. Donc, les jeunes ne veulent plus travailler la terre. Avec les crédits ANSEJ, ils lancent des projets inutiles pour la société. Avec le temps, les jeunes ne se sont pas investis dans la foggara, qui nécessite un entretien quotidien».

Le patriarche explique que «sans suivi, la foggara est fragile. Il faut constamment la superviser, la nettoyer, dégager les détritus, enlever les mauvaises herbes. Toutes ces opérations sont délaissées actuellement».

A Timimoun, sur plus de 400 foggaras, il n’en reste qu’une dizaine fonctionnant comme dans l’ancien temps. Elles irriguent une partie de la palmeraie et des plantations. L’essentiel de la distribution des eaux s’effectue grâce à un ensemble de conduites dites "seguias".

En sillonnant cette même palmeraie, à partir du ksour jusqu’à l’extrémité de la Sebkha (zone humide), les centaines de palmiers semblent manquer d’eau, puisque le précieux liquide n’arrive pas à destination. Asséchés, les palmiers sont vulnérables face aux incendies.

A Ouled Saïd, une oasis située à 15 km au nord de Timimoun, 'il existait plus de 350 foggaras', selon un habitant du village. Des kassrias ont été envahies par les sables et les gravats, voire détruites par l’accumulation de détritus.

A Tanmit, à 200 km à l’ouest de Timimoun, les puits forés ont remplacés les foggaras. Dans d’autres oasis, elles sont abandonnées, car leurs concepteurs se font de plus en rares et la relève n'a pas été assurée. Cette pénurie de «techniciens traditionnels» se fait sentir depuis la fin des années 1990. Durant la précédente décennie, la détérioration des foggaras a pris de l’ampleur.

Ba Ahmed se souvient: «Il n’y a pas longtemps, nous mangions les dattes que nous produisons.Aujourd’hui, nous sommes obligés de les acheter au marché. Quelle ironie». Sans les foggaras, c’est tout un écosystème qui risque d’être perturbé, et des champs agricoles menacés de disparaître. «Il est temps de revaloriser le métier de maître de foggara. Il s’agit de la préservation d’un patrimoine national», pense Mohad Gasemi, président du bureau régional de l’Association de Promotion de l’Activité Agricole (APAA).

Mehdi Bsikri



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