Perché à 1185 m d'altitude, Tiferdoud, relevant de la commune d'Abi Youcef, daïra de Aïn El Hammam, wilaya de Tizi Ouzou, est le village le plus haut de la Kabylie et peut-être même de toute l'Algérie.Pour atteindre ce village de la haute Kabylie, dont le nom provient, selon de nombreux habitants, d'une plante très cultivée dans la région, il faut emprunter la RN15 reliant la ville de Aïn El Hammam à la commune d'Abi Youcef dont dépend administrativement Tiferdoud.En ce samedi 16 janvier 2016, où la neige et surtout le verglas ont couvert l'ensemble de la haute Kabylie, il faut s'armer de patience pour atteindre ce hameau perché à 1185 m. «C'est le village le plus haut de la Kabylie et peut-être même de toute l'Algérie», nous confie un citoyen du village qui a tenu surtout à préciser que l'information relayée sur le net et dans certains ouvrages d'histoire concernant la hauteur du village est erronée. Selon ses dires, Tiferdoud est situé exactement à 1185 m d'altitude et non pas à 1197 m comme cela est écrit par erreur dans de nombreux sites et ouvrages. La neige qui a couvert l'ensemble de la région a ajouté du charme au décor. Attendue avec impatience depuis plus de deux mois, la poudreuse a enfin refait son apparition au grand bonheur des citoyens de toute la haute Kabylie mais pas seulement. Passer les mois de novembre et décembre sans le moindre flocon de neige dans une région connue pour la rigueur de son hiver, a fait redouter le pire. Mais voilà ! Dame nature qui a toujours gardée jalousement ses secrets a enfin dévoilé au grand jour ses caprices : en l'espace de vingt-quatre heures, tout le massif du Djurdjura et les montagnes avoisinantes sont couverts d'un joli burnous blanc. «C'est la délivrance ! Dieu merci, la neige est enfin tombée et nous sommes ravis que la saison agricole soit sauvée», nous confie un citoyen rencontré à l'entrée de la ville d'Aïn El Hammam. Une ville où la circulation en cette matinée de 16 janvier se fait vraiment rare. Et pour cause ! La veille, la neige n'a pas cessé de tomber pour atteindre par endroits 30 cm d'épaisseur. De bon augure, estiment les connaisseurs de la région surtout pour les premières chutes de la saison. «Ça s'annonce bien. Déjà pour une première de l'année, la neige a dépassé 20 cm. Il faut s'attendre à des chutes plus volumineuses dans les prochains jours surtout au mois de février, une période de l'année connue généralement pour des chutes abondantes de neige», ajoute-t-il.Les engins de l'APC, notamment les chasse-neige et les pelleteuses, réquisitionnés dans le cadre du plan déneigement, ont sillonné durant toute la nuit jusqu'au petit matin les différents axes routiers de la municipalité afin de dégager la neige amassée sur la chaussée. Des travaux qui ont permis aux usagers de prendre la route avec leurs véhicules en toute quiétude, tout en étant prudents en raison du verglas. C'est d'ailleurs ce dernier phénomène qui est le plus redouté par les automobilistes. Après la neige qui s'est abattue la veille, le verglas a fait son apparition suite aux éclaircies enregistrées au petit matin. Dès les premières heures de la matinée, la circulation routière est devenue périlleuse en certains endroits. Et pour cause, le verglas, qui est un dépôt de glace compacte et lisse, généralement transparent, provenant d'une pluie ou d'une bruine d'eau en état de surfusion, qui se congèle en entrant en contact avec une surface solide dont la température est inférieure à 0° C, couvre pratiquement tout le réseau routier des localités relevant des régions de la haute montage. «La daïra de Aïn El Hammam vous souhaite la bienvenue», lit-on sur le panneau électronique installé à l'entrée de la ville de l'ex-Michelet avec sur la gauche un chiffre 3° Celsius annonçant la température en ce jour glacial alors qu'il est déjà 11h30. De Aïn El Hammam à Tiferdoud, un jour de neige Une température plutôt clémente, ironise notre accompagnateur, car ajoute-t-il, le froid on le ressent la nuit lorsque le mercure affiche des températures négatives. «C'est une situation normale en hiver. La température connaît des baisses sensibles surtout la nuit où généralement le mercure affiche moins 5 degrés. C'est une question d'habitude», explique-t-il avant de nous lancer que le plus dur, est de marcher la matinée sur une chaussée enneigée et gelée à cause du verglas. En effet, il suffit de voir ces citoyens emmitouflés dans leurs habits d'hiver, la tête couverte d'un bonnet pour se rendre compte de la souffrance endurée. Les écoliers qui devaient renouer le lendemain avec les cours, sont les plus touchés. En l'absence de ramassage scolaire, ils sont obligés de parcourir des kilomètres pour rejoindre les bancs de l'école. Certains transporteurs ont décidé carrément de garer leurs bus ou fourgons de peur de s'aventurer sur des routes infranchissables en raison du verglas. Rares sont les conducteurs qui s'aventurent pour franchir le pas et prendre la route. Seuls ceux qui disposent de véhicules 4x4 peuvent circuler en toute sécurité en ces jours de neige et de verglas.Même les commerçants ont trouvé toutes les peines du monde pour s'approvisionner en produits alimentaires en raison de l'absence de livreurs qui ne veulent pas prendre le risque sur une route aussi dangereuse. Toutefois, les camions de transport de carburants et de bouteilles de gaz n'arrêtent pas de faire la navette entre différentes localités de Aïn El Hammam et les régions environnantes. Il faut dire aussi qu'avec la nouvelle décision des pouvoirs publics de doter les villages de haute montagne en gaz de ville, les citoyens sont soulagés. «La situation s'est beaucoup améliorée par rapport aux années précédentes. La quasi-totalité des villages de la région d'Aïn El Hammam est alimentée en gaz naturel. Nous sommes loin des supplices vécus il y a à peine 3 ans suite à la redoutable tempête de neige qui avait balayé la région avec les conséquences que tout le monde connaît», affirme notre guide. Selon lui, lors de la fameuse tempête de neige qui avait touché le nord du pays en 2012, les citoyens de la région ont vécu le calvaire, plus d'un mois durant. «Nous étions coupés du monde durant tout le mois de février 2012.La neige avait atteint 3 mètres de hauteur. Certaines maisons étaient complètement ensevelies. Nous n'avions pas de gaz de ville et pour se procurer une bonbonne de gaz, il fallait faire le parcours du combattant. Toutes les routes étaient fermées. Aujourd'hui, nous sommes dans de meilleures situations. Nous avons le gaz de ville et les services de l'APC ont mis les moyens matériels et humains pour faire face au blocage des routes», ajoute-t-il. Lorsque nous sommes arrivés à l'entrée du village Tiferdoud, après avoir eu toutes les peines du monde en raison de l'état difficile de la route, la voiture n'arrivait plus à amorcer la montée séparant la RN15 dudit village. Après trois tentatives infructueuses, le chauffeur a décidé de garer la voiture sur le bas-côté de la route. Nous devions donc parcourir les 200 m qui restaient pour atteindre Tiferdoud à pied. En souvenir d'Amzal Kamel Sous une température glaciale, le village semble encore endormi. Rares sont les résidants qui se hasardent à mettre le nez dehors. Jour de week-end, les enfants sont cloîtrés chez eux, et seuls quelques adultes descendent du village pour se rendre à Aïn El Hammam ou à Abi Youcef. A notre arrivée sur les lieux, c'est le jeune et dynamique Rabah Aït Hadi, membre de l'association culturelle «Amzal Kamel», qui nous accueille avec un large sourire en guise de bienvenue.A l'évocation de celui qui porte le nom de l'association, nous nous sommes vite rendus compte que ce militant de la démocratie et de la cause berbère assassiné un certain 2 février 1982 par des intégristes à l'université d'Alger, alors qu'il était encore étudiant, est un enfant de Tiferdoud.«Nous avons créé une association qui porte le nom de Kamel Amzal en hommage à cet enfant du village qui a porté haut et fort les revendications culturelles et identitaires de toute la Kabylie. Nous activons depuis de nombreuses années dans le domaine culturel, social et sportif afin de dynamiser le quotidien du village et surtout participer à l'épanouissement de notre jeunesse», lance notre interlocuteur qui détaille les nombreuses activités de son association en citant les cours de tamazight, des tournois sportifs et bien sûr le traditionnel hommage au défunt Kamel Amzal.«Lors du dernier hommage à Kamel Amzal, nous avons organisé une grande exposition sur la vie et les ?uvres du défunt et une visite sur sa tombe au cimetière du village ponctuée par un gala avec le chanteur Oulahlou. C'était un moment magique où des milliers de citoyens sont venus assister dans une ambiance indescriptible», ajoute-il. Selon le jeune Brahim, le village Tiferdoud, peuplé de quelque 1200 habitants, est réputé surtout par la forte communauté émigrée notamment de France.«Nous sommes à peine 600 âmes vivant aujourd'hui au village. Plus de la moitié des habitants de Tiferdoud vit à l'étranger principalement en France», affirme-t-il non sans préciser que cette forte communauté émigrée n'a jamais coupé les liens avec son village natal. «Quasiment tous les émigrés de Tiferdoud, viennent passer les vacances d'été au village. En été, le nombre des villageois double pratiquement avec le retour de tous nos émigrés. Ils ont certes quitté le village pour fuir la vie difficile mais ils n'ont jamais coupé les ponts avec leur patelin», s'enorgueillit-il. Pour de nombreux citoyens, notamment les plus âgés rencontrés à la place du village, Tiferdoud a connu un essor considérable par rapport à un passé récent. Alimenté en gaz de ville depuis deux années, doté d'une école primaire, d'un centre de soins et d'un foyer pour les jeunes, il peut se targuer d'être mieux loti que de nombreux autres villages situés pourtant dans des régions plus accessibles.«Dieu merci, nous avons tout ce qu'il faut. Certes nous avons connu des moments difficiles en raison notamment de l'absence de gaz de ville mais depuis le raccordement de notre village à cette énergie, la situation s'est nettement améliorée. D'ailleurs, les dernières chutes de neige n'ont pas eu de conséquences néfastes sur notre vie comme cela était le cas les années précédentes ou nous vivions un vrai clavaire», témoigne un retraité du village emmitouflé dans son burnous.
Posté Le : 23/01/2016
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Ali Chebli
Source : www.letempsdz.com