Ah que cela
devient fatiguant ! Et dire que cela risque de durer ! La ficelle est grosse,
la manœuvre énorme mais on se laisse facilement prendre au piège… Indignation :
voilà donc Besson le félon, Eric de son prénom, qui veut lancer un débat sur
l'identité française. Comme ça, parce que l'idée lui en est soudain venue et
puis, peut-être aussi à cause de ces dizaines, que dis-je, ces centaines de
milliers de burqas que l'on voit flotter dans les villes et les campagnes. Ah,
Besson, ce Besson… Trahir les siens en plein combat, faire allégeance au chef d'en
face quelques jours plus tard et en devenir très vite l'un des principaux
vassaux... Besson, pour qui l'honneur semble se résumer à un doigt adressé à un
journaliste, Besson icône de nos temps où rien ne compte, où tout se monnaie et
où le mot loyauté fait rire aux éclats. Eric Besson…
Pourquoi remet-il sur le tapis cette question
de l'identité française ? Que cherche-t-il à faire oublier en recourrant à ce
stratagème dilatoire usé jusqu'à la corde qui est celui de la polémique ? De
quelle actualité cherche-t-il à faire détourner le regard ? La liste est longue
à commencer par ces trois pauvres Afghans renvoyés se faire égorger chez eux.
Il y a bien sûr la candidature du fils Sarkozy à la présidence de l'Epad, cet
établissement public qui gère le quartier de La Défense. Avez-vous entendu ce
grand éclat de rire mondial ? Avez-vous lu les éditoriaux cinglants de la
presse internationale, étasunienne, britannique, suisse, saoudienne, chinoise,
nord-coréenne…
Cette affaire Jean Sarkozy a accablé le bon
peuple de droite. Le doute s'est emparé d'une partie des militants de l'UMP, le
parti présidentiel. «Pour qui se prend-il ? Pour qui nous prend-il ?» : deux
questions qui ont tourné en boucle à propos du père de Jean. Ouvrons une
parenthèse à propos du rejeton. Entendre des hommes politiques, parmi lesquels
Besson, affirmer que le jeune homme a démontré sa valeur et sa capacité à
présider l'Epad en réussissant son passage au journal télévisé de vingt heures
est sidérant. C'est tout sauf anecdotique. Cela signifie que la valeur dans les
«familles» politiques se mesure à l'aune du talent pubard. La com', il n'y a
que ça de vrai, coco ! A quoi bon ahaner toute sa vie pour obtenir diplômes et
expérience professionnelle quand on a un bagout d'homme politique qui répond
aux questions en commençant par prononcer de manière presque amicale les prénom
et nom de l'intervieweur ? Fin de la parenthèse.
Ou plutôt non. Ouvrons-en une seconde. Dans
ce qui précède l'expression «famille politique» a été citée à dessein. Voici ce
que m'a écrit à ce sujet Renaud M., un confrère parisien indigné par la
déliquescence de la classe politique française qui ne jure que par la com' et
les petites phrases. «A mon sens, juge-t-il, cette locution, en vogue depuis
quelques années et qu'on entend de plus en plus, y compris au PS, traduit la
dérive, voire la déréliction de la démocratie française. On n'appartient plus à
un parti ou un courant d'idées, mais à la ‘famiglia'.» Et l'agacement de ce
confrère «se renforce par l'évolution du discours politique, qui ne recouvre
plus aucune réalité ni distinction idéologique (…) Le paysage politique
français s'apparente de plus en plus à une lutte de clans mafieux pour le
pouvoir et le prestige.» Fermeture des deux parenthèses.
Un climat délétère, le démantèlement rampant
mais méthodique du modèle social français, une économie qui ne redémarre pas,
un chômage qui augmente, des banques qui font la loi et qui empêchent toute
législation contraignante, une fiscalité qui s'alourdit sur le dos des classes
moyennes, l'absence de projet national fédérateur, la multiplication d'émeutes
urbaines, une position militaire qui s'enlise en Afghanistan et une diplomatie
qui court en vain après un premier rôle dans les grands dossiers internationaux
: autant d'ingrédients qui ne pouvaient que faciliter la réapparition du grand
débat sur l'identité française. Et à cela, s'ajoute bien sûr la perspective des
élections régionales que Nicolas Sarkozy entend gagner à tout prix, quitte à
encore aller faire la pêche aux électeurs du Front national.
Un choix sans surprise que ce thème de
l'identité. L'insécurité, autre grand argument électoral, restera au frigo
jusqu'à la prochaine présidentielle. Un discours de Nicolas Sarkozy sur
l'identité française est même attendu pour décembre. Peut-être rêve-t-il, le
pauvre, d'égaler Obama et ses deux fameux discours prononcés lors des primaires
de 2008 (l'un était le fameux «yes we can» et l'autre portait sur les problèmes
raciaux aux Etats-Unis). Parions en tous les cas qu'il va nous infliger un
speech dont lui et ses conseillers ont le secret. Mais peut-être
comprendra-t-il d'ici là que se faire le chantre de l'identité française
implique comme préalable le fait de respecter la langue de ses aïeux maternels
en cessant par exemple de la maltraiter comme il le fait à chacune de ses
interventions.
Il faudra suivre avec attention à ce qui va
être dit au cours des débats qui s'annoncent. Il y a deux ans, le Québec, après
la multiplication d'incidents de type communautariste, avait organisé de grandes
sessions publiques destinées à faire le point autant sur ce que signifiait
l'identité québécoise que sur ce qui définissait le «vivre ensemble» entre
Québécois et migrants. De l'avis de nombreux experts, ces causeries ont donné
lieu au meilleur comme au pire. Débats de qualités et séances exutoires,
souvent xénophobes, parfois même antisémites, se sont entrechoqués.
C'est certain, il va y avoir des dérapages.
Ici et là des mots blessants vont être prononcés contre l'étranger, le migrant,
l'arabe, le kabyle, le Noir, le turc, le chinois ou le musulman. On va
certainement beaucoup parler d'islam, de mosquées et d'immigrés. Il faudra
alors raison garder en se disant que tout cela finira bien par se tasser. Pour
un temps… Car, malheureusement, un Sarkozy, un Besson ou un autre finiront
toujours par rouvrir la boîte de pandore de l'identité et libérer ses vents
malodorants. ²
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Posté Le : 29/10/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Akram Belkaid
Source : www.lequotidien-oran.com