M'Hamed est un Algérien comme les autres sauf qu'il est un chômeur de 52ans et un père qui s'use les os pour subvenir aux besoins urgents d'une fratriede cinq enfants. A notre arrivée chez lui, hier matin, au sein du populeux quartier du«site du stade», M'Hamed prend aussitôt peur croyant à quelque agent del'office ou carrément un auxiliaire de justice venu lui «porter l'estocade» enle mettant dehors avec sa femme et ses cinq enfants. Mais à la révélation denotre identité, M'Hamed, rassuré, nous accueille avec sa tenue fripée detravailleur journalier gagnant à la sueur de son front moins de 150,00 DA parjour. Le front buriné par les coups de boutoir d'une vie plus que difficile,M'Hamed, vivant d'expédients, à l'apparence d'un «prolo» avec ses mainscalleuses, son bleu de travail rafistolé et son visage encore maculé de tracesfraîches de peinture. Entouré de ses deux enfants en bas âge, M'Hamed qui nesait ni lire ni écrire, nous exhibe un fatras de documents auxquels il dit nerien piger du tout. Sauf, peut-être, cette quittance avec laquelle il a payé,en mai 2006, des dûs de 50.000 DA sur les 80.000 qu'il doit à l'office depromotion et de gestion immobilière. Ses voisins, venus à notre rencontre, nousexpliquent comment M'Hamed a trimé pour gagner dur, très dur, les cinq «briques»qu'il est parti aussitôt verser à l'huissier de justice, laissant ses enfantssans boire ni manger... pendant trois semaines. Le regard hagard et les mainstendues au ciel comme pour nous dire son impuissance face au «rouleaucompresseur» de l'administration et ses lourdeurs, M'Hamed nous raconte commentil est parti jusqu'à Aïn Témouchent quérir un travail sous-payé, juste pour «nepas assister au cauchemar de voir mes enfants jetés à la rue» soupire-t-il aubord des larmes. «J'ai trimé comme un esclavependant quatre longs mois loin de mes enfants pour gagner 18.000,00 dinars queje n'ai d'ailleurs même pas perçus en totalité puisque l'entrepreneur quim'employait m'a ponctionné de 3.000 DA... sans me donner aucune explication àcette hogra», peste-t-il levant ses mains vers le ciel. «Vous savez, enchaîne-t-il avecdes trémolos dans la voix, si on expulse mes enfants, je suis capable decommettre l'irréparable menace-t-il, de but en blanc, soutenu en cela par sesvoisins qui compatissent à sa situation plus que dramatique selon eux.La situation se complique, en effet, pour M'hamed lorsque la justicedécide de l'expulser de son logement qu'il occupe depuis 20 ans. M'hamed faitpartie des 10 familles que le tribunal de Tiaret a condamné à quitter leurslogements pour ne pas avoir payé leurs loyers réclamés par l'office de gestionet de promotion immobilière. Et selon, justement, le directeur général del'OPGI, son établissement a agi en stricte application de la loi, à commencerpar le décret exécutif n° 89/98 du 20 juin 1989 relatif au régime locatif et le décret n° 69/94du 19 mars 1994 fixant les obligations du locataire vis-à-vis de l'organismeloueur, en l'occurrence, l'OPGI. Après les avis de passage suivis de troismises en demeure adressées à M'hamed, la justice est «entrée en jeu» pourdélivrer un arrêt aussitôt confirmé dans les faits par une grosse d'exécution.A ce langage abscons, M'hamed se dit avoir été mal informé par l'huissier dejustice qui «ne m'a pas expliqué tous mes droits et obligations», soutient-illes yeux embués et le geste nerveux. «Je suis prêt à payer ce que je dois àl'Etat mais je n'ai pas le sou ya khaouti! Dites-leur de m'aider parce queje gagne à peine 100 DA par jour et je n'ai même pas de quoi nourrir mes cinqenfants». Le logement occupé par M'hameddepuis une vingtaine d'années est du type F3 superposé situé à un jet de pierredu parc omnisports Kaïd Ahmed, dans la partie sud de la ville de Tiaret. Avecun loyer de 935,21 dinars par mois, M'hamed soutient mordicus qu'il ne doit àl'OPGI que 48.184,46 DA, comme attesté par cette première mise en demeure quilui a été adressée le 09 juillet dernier. «Et pourquoi mes voisins qui cumulentjusqu'à 18 millions de dûs n'ont pas été inquiétés à ce jour», s'interroge,rouge de colère, M'hamed qui nous dit «respecter la justice à condition qu'ellegarantisse aussi le droit des pauvres et des sans-grade», confie-t-il avant derejoindre le chantier où il doit cravacher jusqu'à une heure tardive de lajournée: «il faut bien ramener quelque chose à manger aux enfants», lâche-t-il,stoïque avant de prendre congé de nous.H. Mustapha est un autre cas qui ressemble à s'y méprendre à celui deM'hamed. «Chômeur professionnel» comme il se qualifie lui-même, Mustapha a reçula semaine dernière la visite du huissier de justice venu lui notifier sonexpulsion. Marié et père de quatre enfants, «j'ai dû faire la manche auprès desâmes charitables pour collecter 12.000 DA mais les services de l'OPGI ontrefusé la somme pour me réclamer de payer d'une traite les 51.000 DA que jeleur dois», confie-t-il la sueur dégoulinant sur son front et le regardvitreux. Comme M'hamed et Mustapha, ils sont 115 autres citoyens à être ensursis d'expulsion de leurs logements puisque les services de l'OPGI ne doiventplus que récupérer les grosses d'exécution au niveau du tribunal pour mettreleur menace à exécution. Pour rappel justement, 10 familles ont été expulséesde leurs logements par le tribunal de Tiaret au motif que ces dernières ne sesont pas acquittées du montant de leurs loyers réclamés par l'OPGI, unepremière dans cette wilaya qui compte un nombre important de chômeurs aprèsqu'une quarantaine d'entreprises publiques eurent mis la clef sous lepaillasson laissant sur le carreau près de 25.000 travailleurs dont font partiejustement M'hamed et Mustapha, victimes d'une compression par leurs sociétésrespectives. Les contrats de location de ceux que l'office de promotion et degestion immobilière qualifie de «mauvais payeurs», au nombre de 117, ont étérésiliés en attendant que l'action engagée à l'encontre d'autres locatairesrécalcitrants aboutisse au niveau de la justice. L'on se souvient que l'annoncede cette «menace» en direct sur les ondes de la radio locale par le directeurgénéral de l'OPGI avait suscité un profond sentiment de malaise chez beaucoupd'autres locataires dont la situation vis-à-vis de l'office est loin d'êtreassainie. Et selon le DG de l'OPGI justement, une créance de 11 milliards decentimes est détenue sur les locataires particuliers dont plus de 70% ont desdettes dépassant les 10 millions de centimes et dans l'incapacité d'honorerleurs obligations vis-à-vis de l'office, ce qui n'exclut pas, selon desobservateurs ici à Tiaret, que l'épais dossier dit des «familles expulsées»prenne une autre dimension avec des milliers de citoyens qui se disent ne pasavoir les moyens de payer le loyer avec ce profond malaise provoqué par cettevéritable «épée de Damoclès» suspendue sur leurs têtes.Et que dire alors de la «la loi, laquelle dans sa définition même descritères d'octroi du logement de type socio-locatif attribue un avantaged'office au chômeur quand on sait que celui-ci n'a même pas les moyens des'acquitter de son loyer», s'interroge avec beaucoup d'à-propos un citoyenselon lequel la notion même de «logement social, au vue des dévoiementsconstatés, est depuis longtemps vidée de son sens».
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 02/08/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : El-Houari Dilmi
Source : www.lequotidien-oran.com