Algérie

Tiaret: Ambiance d'un jour d'Aïd



Samedi 09 juillet, il est 08h à peine et la ville s'anime déjà. Au quartier de «Haï El Badr», au pied des immeubles, des moutons sont égorgés sous des arbres sous le regard excité d'une nuée d'enfants. Sous une température clémente après plusieurs jours de fournaise, l'ambiance est plutôt bon enfant.Vers midi, un peu partout dans les villes, des odeurs appétissantes de viande grillée s'exhalent des maisons pour venir chatouiller nos narines. La veille, vendredi après-midi, il y a foule devant le guichet automatique de billets de la poste "Benamara Djilali", sur le boulevard "Bouabdelli Bouabdellah". Un homme d'un certain âge lâche un gros juron avant de retirer sa carte magnétique d'un geste nerveux, "makach drahem" tempête-t-il à la cantonade avant de monter dans sa voiture et de démarrer en trombe. Cette année, le mouton vend très cher sa peau, certaines bêtes encornées atteignant jusqu'à 14 millions/pièce dans une wilaya supposée être la capitale du mouton. Chargés de moutons bêlants, des véhicules utilitaires et autres camionnettes sillonnent pour livrer leur cargaison à domicile. Les retardataires affluent vers le marché à bestiaux à la sortie de la ville pour tenter de trouver une bête convenant à leur budget. "Je suis endetté jusqu'au cou, mais je veux faire plaisir à mes enfants", confie, le front en sueur, un père de famille pour tenter de convaincre un éleveur qui ne veut pas lâcher prise. "43.000 DA est mon dernier mot" lâche le père de famille, sous le regard envieux de ses deux enfants. "Allah yrebah" dit l'éleveur, arrachant un sourire lumineux aux deux bambins. Samedi dernier, à Sougueur, dans le deuxième plus important marché à bestiaux du pays, un antenais d'une vingtaine de kilogrammes avait fière allure et se cédait déjà à 75.000 dinars sous le regard médusé du chaland désemparé. «De belles et grosses bêtes encornées, classées ‘VIP', ont été cédées jusqu'à 22 millions la tête», nous apprend Ali, un maquignon qui se déplace jusqu'aux frontières orientales du pays. Nombreux ont été cette année à faire l'impasse sur la fête du sacrifice, une fête à la charge symbolique des plus fortes chez la famille algérienne.
En vertu d'une «loi» non écrite vieille comme le monde, les prix des fruits et légumes prennent l'ascenseur à chaque fois que les Algériens s'apprêtent à célébrer une fête religieuse. La laitue, à titre d'exemple, a frôlé les 300 DA le kilogramme. «Avec l'Aïd du mouton, les vacances, les mariages et la rentrée des classes qui pointe le bout de son nez, c'est le groupe de la mort; impossible de se qualifier» ironise Ali, un quinquagénaire à l'allure débonnaire, retrouvé sur la rue «Thiers» à la recherche d'un bouquet de coriandre fraîche. Il faut dire que les Tiarétiens passent cette année un été pourri.
Les rémouleurs ont chômé
Au manque d'argent qui laisse une bonne partie des gens sur le carreau, dans l'impossibilité de s'offrir ne serait-ce que quelques jours de vacances, le quotidien de la population est fait de manque d'eau potable ajoutée à une chaleur suffocante, la dégradation du cadre de vie et ces mauvaises odeurs, partout dans la ville, qui empuantissent l'air, l'envahissement sauvage du centre-ville par les vendeurs à la sauvette, et la terreur semée par des jeunes dés?uvrés dans certains quartiers du sud de la ville, bref, un quotidien estival des plus cauchemardesques pour une population qui frôle les 500.000 âmes. L'autre cauchemar «éveillé» en cet été très chaud, le manque d'eau potable qui fait passer à la population un été pourri.
Samedi après-midi, la ville se vide comme par enchantement. Les rues sont calmes et la circulation fluide. Une bonne sieste après une succulente «douara» y est peut-être pour quelque chose. Si les bouchers font de belles affaires avec ces longues files d'attente venues pour la découpe des carcasses, tout le monde n'a pas la même chance à l'image des petits métiers de l'Aïd qui ont tendance à s'estomper. Comme les rémouleurs qui ont chômé cette année… faute de clients. Si la panoplie des différents outils et instruments comme les scies, les petits barbecues, les tiges à brochettes, les sacs de charbon de bois sont disponibles à profusion, le chaland se fait rare au plus grand dam de cette corporation de travailleurs saisonniers. Au matin du deuxième jour de l'Aïd, la ville était toujours plongée dans une torpeur, par une journée qui s'annonçait des plus chaudes…


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