Par Kamel Khelifa(*)
Lors d'une interview réalisée avec le quotidien El Watan du 2 septembre 2020, l'historienne Mme F. Z. Guechi, professeure à l'Université de Constantine, affirme que «la présence ottomane ne peut être considérée comme colonialiste». Par souci de partage et de confrontation de la vérité historique, je me permets d'apporter un autre point de vue au débat.
Tout d'abord, il importe de s'entendre sur le sens à donner au terme «colonialisme» et les contextes présentés pour expliquer une colonisation. Je vais tenter de résumer les différentes conditions qui participent au processus de colonisation, doctrine impliquant invariablement : une occupation militaire d'un territoire et les actions de mise sous tutelle de ses habitants ; une politique de peuplement dudit espace occupé ; la marginalisation des populations autochtones des affaires du pays, puis enfin leur assujettissement complet...
De la colonisation de l'Algérie
Ceci dit, nous allons tenter de corroborer par des faits historiques les conditions énumérées plus haut pour qualifier la présence ottomane de colonisation, valable également par leur caractère à certains égards impérialiste de la politique de la Porte sublime, dans les autres protectorats et vassalités ; à l'exception peut-être de la Tunisie qui renvoya finalement la milice des janissaires, à l'origine du désordre prévalant dans le Maghreb central ; acte politique majeur ayant favorisé l'assimilation des éléments civils et militaires ottomans et leur intégration dans la dynastie husseïnide, où des sujets autochtones participèrent également aux affaires de la Cité...
Il faut dire aussi que la Turquie ottomane ne pouvait faire face durablement, compte tenu de l'immensité de son empire, à ses besoins de domination territoriale et des populations uniquement avec sa soldatesque (servant principalement à la sécurité de Dar Sultan, du Diwan et des caravansérails), sans le recours aux renégats(*) (mercenaires des mers et pourvoyeurs de butins), aux janissaires levantins, agissant comme garde prétorienne et milice de la Régence, outre le makhzen (mercenaires sur terre), composés de supplétifs autochtones, venant de différentes tribus, pour lever l'impôt local.
Les renégats enrôlés par la Régence d'Alger furent en grande majorité de confession chrétienne, originaires du Bassin méditerranéen. Ceux-ci, constituant une société cosmopolite étrangère au pays, où ils exerçaient leurs métiers, sont arrivés dans le sillage des frères Barberousse, au Maghreb central, et deviendront des corsaires de l'Empire, sous l'emblème de la Régence d'Alger...
Selon l'historien Gosse, «en 1588, à Alger, 24 galiotes sur 35 étaient commandées par des équipages de renégats, représentant presque toutes les nations chrétiennes (appelés ?'Turcs de profession'') et les 11 autres furent placés sous commandement de raïs turcs» (...) Et d'ajouter : «...Plusieurs milliers de Corses vivaient à Alger, ils préférèrent quitter leur île plutôt que d'accepter la domination génoise (1559). Parmi ceux-ci certains arrivèrent au sommet de la hiérarchie de la Régence, ce qui ne fut pas le cas des meilleurs sujets autochtones, à l'exception de Raïs Hamidou, un sujet isolé.»
Présence ottomane en Algérie et défiance des populations autochtones
L'histoire officielle a présenté cette tranche de vie de trois siècles comme étant salvatrice pour le pays, justifiée par la «délivrance du pays de l'occupant espagnol et des visées des croisés». «La communauté de religion a atténué, selon Mme Guechi, le ressentiment des Algériens, envers les Ottomans...» Ceci correspond en effet à la version de l'histoire officielle, au nom de laquelle il n'est pas officiellement admis (et encore moins reconnu) que la Régence d'Alger ottomane présentât toutes les caractéristiques d'une colonisation véritable, accompagnée d'une occupation militaire intégrale, avec tout ce que cela implique comme conséquences : perte de souveraineté, d'identité, de culture, etc. Plus grave encore, est occulté l'autoritarisme généralisé et les cruautés l'ayant accompagné de la part de la milice des janissaires (les odjaks), de la soldatesque Yoldach et des supplétifs du Makhzen, lors de la collecte de l'impôt.
en 1572, excédés par les abus de la Régence ottomane, les Algérois demandèrent à la France de mettre la ville sous sa protection, comme cela fut le cas avec les Barberousse... Ainsi, le roi de France, Charles IX, accéda à cette requête en désignant son jeune frère le Duc d'Anjou pour occuper le trône d'Alger. Ces révélations sont attestées par l'existence de documents d'archives d'Etat, même s'ils sont fournis par la Revue africaine qui n'est pas en odeur de sainteté à Alger. En outre, des appels à l'aide de certaines catégories de populations, souvent excédées par les cruautés commises par les autorités beylicales, au retour des Espagnols en Algérie, ne se comptent pas.
Du reste, les faits historiques sont là pour attester qu'une partie du pays à l'Ouest (l'Oranie) fut sous occupation ibérique pendant 287 ans (1505 à 1792), sans trop de sédition par rapport à l'état insurrectionnel quasi permanent vécu par la Régence d'Alger ; la partie centrale du pays fut sous occupation ottomane (1515-1830) et une partie de l'Est algérien, de Annaba à El Kala, fut louée par la Régence d'Alger à une compagnie française pour l'exploitation du corail et autres activités de pêche.
Dès les origines, la présence française fut tout bonnement une occupation économique, ce qui ne fut pas le cas des Ottomans qui tiraient leurs richesses (des tributs) de la course, des impôts et taxes ruraux et des «prévenances» (aaouyeds), doux euphémismes pour désigner le bakhchich accordé par les puissances maritimes aux Kerassa (gens du trône) pour s'assurer d'un bon commerce avec les autorités locales et la libre pratique de la navigation maritime.
Ceci pour dire que l'occupation ottomane de l'Algérie ne fut pas porteuse de projets de développement et encore moins de richesses pour ce pays, puisqu'une partie du territoire fut louée par le régent à une puissance étrangère pour en tirer l'usufruit ; autrement dit le droit de jouissance d'un bien appartenant à autrui, en l'occurrence les populations locales qui en furent dépouillées...
Mais, il paraît certain que les rébellions des populations contre l'ordre ottoman établi furent une constante rapportée par les chroniqueurs, voyageurs, consuls étrangers et historiens, signe du joug pesant de la présence ottomane en Algérie. Par comparaison, ce fut moins le cas en Oranie, occupé par l'Espagne, même si des vestiges des supplices sont encore prégnants de vérité, à la sortie d'Oran vers Aïn El-Turc ; un endroit de tortures, comme fut un haut lieu de supplices Dar Sarkaji, avant que celle-ci ne change de destination pour devenir une maison de débauche à l'usage des soldats turcs, condamnés au célibat.
Ainsi, fut jetée une contrée entière entre les mains d'aventuriers, venus des quatre coins de la Méditerranée, n'ayant ni femmes, ni enfants, ni foyer, ni pays, ni terre, ni nationalité, ni culture, ni langue... En fait de langue parlée, en dehors du sabir (une sorte de patois local difficilement compréhensible), chaque terroir va fabriquer son propre mode d'expression langagier (sabirique, dirais-je) rendant ainsi les habitants du pays étrangers les uns aux autres, comme il en est aujourd'hui avec l'usage d'une langue du Coran maltraitée et de la langue de Molière, à laquelle on tord le cou quotidiennement... Le slogan de ralliement des supporters de l'équipe nationale de football «One, two, three, viva l'Algéré ou l'Algiré», témoigne du sabir à l'état pur... Ainsi, les nouveaux maîtres du pays affichaient-ils tout juste une certaine «bravoure» de répression des populations, une expérience de la mer et une religion chrétienne que des renégats sacrifièrent (au plus offrant), en se convertissant par intérêt à l'islam, non sans empêcher le dévoiement de la morale dans la Régence, où s'entrechoque le plus vieux métier du monde avec la pédophilie pratiquée à grande échelle par les soldats turcs, envers et contre toute autorité : beylicale, religieuse, parentale.
Perception de la Régence par des auteurs étrangers au pays
Le capitaine d'artillerie français Walsin Esterhazy écrivit un livre en 1840, intitulé «la Domination turque dans l'ancienne Régence d'Alger». Dans cet ouvrage, on observe que l'auteur, qui manie bien le verbe et l'écriture arabes, a bien étudié les m?urs et mentalités des habitants et le mode de fonctionnement de la Régence ottomane. Ainsi, décrit-il minutieusement, en page 206 et suivantes, les méthodes employées par les Turcs, résumées en ces termes : «Les Turcs étaient craints et respectés, les tribus tremblaient à la moindre colère des beys...»
L'érudit et grand voyageur français, Venture de Paradis, écrivit dans son livre Alger au XVIIIe siècle, op, cit. Page 113: «Baba Ali, lorsqu'il était agha, s'amusait à essayer son fusil sur le premier Maure qui passait.» Le nom de ce monstre est donné à un quartier de la banlieue d'Alger, habité aujourd'hui par environ 50 000 âmes. Il existe une foultitude d'autres noms d'aghas et de deys sanguinaires, qui ont encore aujourd'hui droit de cité... En tête de liste de ces régents étrangers figure Hussein Dey, le dernier pacha déchu dont un des plus grands quartiers à Alger porte le nom. Hussein fut baptisé par la volonté de la France coloniale, en signe de reconnaissance à celui qui leur offrit Alger et le trésor de La Casbah, se comptant en dizaines de millions de francs. (Cf. l'ouvrage de l'historien français Michel Habart Histoire d'un parjure).
Hussein Dey, dépourvu de courage pour défendre la ville, négocia avec l'armée française la capitulation de la capitale, en échange de sa protection personnelle, celle des soldats turcs, des milices janissaires et de leurs fortunes personnelles incalculables. Dans l'ancienne Régence, tous les «gens du trône» finissent un jour par quitter l'Algérie, pays où ils furent gavés comme des oies, pour repartir dans la lointaine Turquie, une fois leur mission accomplie et les poches bien remplies. Mais nombre d'entre eux prendront aussi la direction de certaines principautés méditerranéennes (Livourne, Gênes, Naples, etc.), des sortes de paradis fiscaux de l'époque.
Des séditions populaires et de la répression ottomane
En réalité, la consommation de la rupture avec le régime ottoman commença avec certaines tribus hostiles depuis la prise du pouvoir par les frères Barberousse et l'étranglement par traîtrise du cheikh Selim El Tûmi (Toumi), par Baba Aroudj. Les victimes algéroises du régime ottoman fuiront dans les montagnes de Kabylie, de l'Ouarsenis, des Aurès, les Hauts-Plateaux, voire dans le Sud, territoires devenant le repaire des résistants à l'ordre ottoman.
Les premiers fuyards algérois seront accueillis par le souverain des Koukous, Ben El Qadhi, et d'autres tribus kabyles alentour, appuyées par des renforts venus même du beylicat hafside tunisien, qui engageront une guerre sans merci contre les troupes de Barberousse, avec des renversements de situation militaire et des revers de fortune aussi. Finalement, grâce à l'aide décisive de la Porte Sublime, suite à l'arrivée en force de troupes expédiées par Constantinople, les Barberousse reprendront le pouvoir à Alger, ville ne faisant guère que 3 000 habitants à l'époque. Alger se peuplera à la longue pour atteindre les 60 000 habitants au XVIIIe S, pour moitié des étrangers à la solde de la Régence.
Une fois la Régence fortifiée politiquement, plus particulièrement à l'égard du sultan de Constantinople, et militairement sur une partie du littoral algérien, le beylerbey de la Régence, Salah Raïs Pacha (1552-1556), décida de soumettre d'autres régions fiscalement profitables en échange de la perception de l'impôt par certaines tribus autochtones contre leurs coreligionnaires, connues sous le nom de Makhzen ; celui-ci fut longtemps constitué des tribus Zouaoua, acquises, depuis les débuts de la pénétration ottomane à la Régence, moyennant rétribution. Cependant, Salah Raïs Pacha négocia également avec la tribu des Béni-Abbas, pour conquérir une partie du Sud-Est utile (Touggourt, Ouargla, Biskra, Souf, etc.) ; territoire fiscal et sécuritaire qui sera placé par les Turcs entre les mains d'autres feudataires autochtones, les Bouakkaz des Douaouda, rivaux des Bengana. (À propos des tribus Zouaoua et des Beni Abbas (voir site http://ethnopolis-net.over-blog.com/2014/11/l-algerie-sous-le-regime-beylical-1515-1830.html).
Précisons que la charge de percepteurs d'impôts fut une pratique courante recherchée, pour ne pas dire disputée, par maintes tribus qui y trouvaient, outre une opportunité d'enrichissement, un moyen d'acquérir puissance et influence vis-à-vis des autres tribus rivales, profitant de la présence d'empires étrangers sur leur territoire...
À cet égard, il semble, selon divers écrits, que les tribus Zouaoua avaient fait de l'auxiliariat un métier durant la Régence d'Alger. Les Ottomans utilisèrent des supplétifs locaux pour lever l'impôt, afin d'éviter les affrontements directs avec les populations, sur lesquelles ils n'avaient pas prise. Cependant, les Français ne cherchaient des recrues indigènes seulement pour conquérir des territoires à exploiter ; appelé en langage politique, au début de la colonisation, «campagne de pacification» du pays.
La rupture avec la Régence atteindra cependant son paroxysme avec les révoltes des Kouloughlis qui refusaient à un moment ou un autre de se soumettre à la législation du ban militaire et à la dictature imposée par la Régence ottomane aux populations algériennes... Ces enfants nés d'une union d'un janissaire et d'une femme du pays furent environ 5 000 sujets en 1610, seulement dans la capitale du «royaume d'Alger» (Mamlaket Dzaïr), représentant à eux seuls environ 10% de la population de cette ville. Suite à leur hostilité récurrente à l'égard de la Régence, tout ce beau monde fut souvent transplanté dans différentes régions du pays pour casser leur soudure unitaire et néanmoins patriotique.
En effet, devenant soldats d'office, ou corsaires à l'âge adulte, puisqu'ils venaient dans l'ordre social et des priorités à la 3e position après les Turcs et les janissaires, les Kouloughlis entrèrent souvent en dissidence contre l'ordre ottoman qu'ils qualifiaient d'«occupation étrangère du pays».
Pour cette raison, ils furent bannis du service militaire et de certaines villes, à maintes reprises par les maîtres de la Régence, et cantonnés dans différentes régions du pays.
Ainsi, les zones de prédilection de la dispersion des Kouloughlis sont : au centre, le nord de Djebel Zouatna et alentour (Tizi Ouzou, Dellys, Tigzirt, Azeffoun) ; à l'ouest, la région de Tlemcen, Nedroma et Msirda ; dans l'Est, la région de Béjaïa-Jijel-Constantine. Contraints à raser les murs, tant ils furent ostracisés, les Kouloughlis se fondèrent dans la masse où ils migrèrent à leur corps défendant.
Anarchie au sommet du pouvoir et règlements de comptes claniques
Selon divers rapports de consuls en poste à Alger, dont voici quelques extraits, Alger vivait, sous la domination des Turcs, au rythme des insurrections, des supplices, des exécutions et des assassinats... Après le meurtre du dey Moustapha, son remplaçant, le Dey Ahmed exerça le pouvoir pendant trois ans, mais il fut à son tour renversé en mars 1808. Le nouveau dey est décapité le jour même de son élection et dès le lendemain, c'est Ahmed qui reprend le pouvoir jusqu'au 7 novembre 1808, année de sa pendaison... Ali Khodja, qui lui succède, meurt à la suite d'une guerre malvenue contre les Tunisiens. Son successeur Hadj Ali promu en 1809 ne se maintient que quatre ans au pouvoir et meurt empoisonné le 22 mars 1815. Omar, renégat grec, coopté pour prendre la succession, se récuse et c'est Mohamed qui est élu dey, mais il meurt assassiné quatorze jours après son élection.
Déjà en 1556, le supplice réservé par Tekerli, un nouveau régent nommé par Constantinople, à Hassan Corso, renégat corse, officier janissaire, proclamé par ses soldats beylerbeys, fut le châtiment des crocs ; un supplice effroyable réservé aux officiers désobéissants aux ordres de la Sublime Porte. Hassan Corso vécut trois jours entiers suspendu à des crocs et au bout de trois jours de souffrances cruelles il mourut.
Mauvais traitements des populations et stratification de la société
À cet égard, Venture de Paradis fait état de cette politique à géométrie variable : «Les Turcs répugnent à étrangler ou à pendre les musulmans, ils se servent pour cela des chrétiens et des juifs, pris au hasard dans la rue (Ibid., Op. Cit., P 74). Pour les châtiments réservés aux Maures, les crocs de boucher à Bab Azzoun» (Op. Cit Page 20) et pour les chrétiens et aux juifs, c'était le bûcher à Bab El-Oued. On apprend (page 129) que «le beylik prête aisément des sommes importantes aux juifs, aux négociants européens et aux consuls étrangers sans aucun intérêt» ; et de renchérir : «La politique d'Alger est très cruelle envers les Maures et les Arabes ; pour la plus légère faute on les faisait mourir, parce que le gouvernement a pour principe de dépouiller les Maures et de leur faire toutes sortes d'injustices et de vexations pour les tenir asservis, cause des fréquents soulèvements des gens de la montagne, des Hauts-Plateaux et du Sud...» En page 122 : «Les Turcs ont pour ennemis les Kouloughlis qu'ils n'emploient que malgré eux ; les Maures qu'ils accablent ; les esclaves, sur lesquels ils ne peuvent point compter.»
À propos de lois somptuaires, en page
155 : «Les Maures ne peuvent porter de l'or sur leurs habits (à l'exception des femmes qui en portent en quantité pendant les mariages et les fêtes, note de l'A) ni aucune espèce d'armes, seuls les gens de paye (équivalents à apparatchiks, Ndl'A) ont ce privilège de porter le yatagan ou sif (sabre) et de porter des broderies ; en matière d'impôts» (p. 161) : «Les impositions sont assises sur les boutiques et les métiers, donc el-khardj (l'impôt) ordinaire payé par les juifs est de 500 livres la semaine (environ 30 000 livres/an) et celui des Maures de 700 (environ 37 000 livres/an)...»
Qu'est-ce que le beylik, sinon une oligarchie militaire sectaire, fondé sur un socle de plusieurs catégories sociales superposées en classes inégalitaires, parlant chacun sa propre langue, même si le turc fut la langue officielle, parlée uniquement par l'élite ; ceci nous explique l'absence de ses traces, à la différence de l'espagnol qui est parlé encore aujourd'hui en Oranie.
La hiérarchie sociale fut la suivante :
- d'abord les Turcs, maîtres absolus des «Etats barbaresques» ;
- en seconde place arrivent les janissaires (majoritairement des Slaves, issus des Balkans et «convertis» à l'Islam, avant d'être organisés en milices ;
- ensuite, suivent les Kouloughlis (enfants nés de l'union ? rarement forcée ? entre un janissaire et une femme autochtone dont les familles affichaient fièrement leur alliance avec les membres de cette classe d'étrangers détenteurs d'une part importante du pouvoir et de la richesse du pays) ;
- puis à la quatrième place arrivent les juifs (usuriers, préteurs sur gages, négociants, bijoutiers, commerçants, etc.), ayant toujours puisé leur richesse et influence avec l'étranger où des liens séculaires sont tissés avec leurs congénères établis en diaspora, plus particulièrement en Occident ;
- après s'amènent les corsaires, constitués d'un mélange de renégats chrétiens de Sardaigne, de Corse, de la mer Egée, de l'île de Rhodes, de Bosnie, d'Albanie, etc., venus par vagues successives dans le sillage des frères Barberousse ;
- à cela s'ajoute un fonds de citadins andalous, habitants des principales villes (devenues des citadelles) du pays ;
- enfin, viennent clôturer la liste des tribus locales faisant partie du Makhzen, acquises à l'Empire ottoman, avec lequel elles partageaient les prébendes, provenant de la levée forcée de l'impôt... Un impôt qui n'avait jamais participé à l'enrichissement des populations autochtones, mais partagé entre les seigneurs de guerre des tribus locales acquises au Diwan de la Régence et dont une partie substantielle prenait (quand les relations sont au beau-fixe) la direction de la Sublime Porte...
Au fil du temps, la populace très appauvrie, par des décennies de disettes, vivait d'expédients, loin des villes-citadelles gouvernées par l'Empire ottoman, avec lequel elle ne voulait pas composer et encore moins se soumettre. Les tribus vivaient entre elles de petits trocs échangés par les montagnards sédentaires, les transhumants des Hauts-Plateaux et les caravaniers du désert. À la lumière de ce bref exposé, en tout cas loin d'être exhaustif, l'auteur de cette contribution est fondé à croire que tous les éléments de consubstantialité sont ici réunis pour qualifier de colonialiste la présence ottomane en Algérie.
K. K.
(*) Journaliste indépendant, essayiste, expert en relations internationales.
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Posté Le : 14/09/2020
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : LSA
Source : www.lesoirdalgerie.com