Algérie

Théâtre d'Oran : Un haut lieu de culture


Le Théâtre régional d'Oran Abdelkader Alloula, dit TRO, se veut la carte de visite d'El Bahia.Dans l'inconscient collectif, quand on évoque le nom d'Oran, nous vient alors immédiatement en tête, au même titre que le fort de Santa Cruiz, cet ancien opéra de l'ère coloniale, à l'architecture un peu «m'as-tu-vu», et qui subjugue tout autant les habitants d'Oran que ses visiteurs. Il porte le nom d'Abdelkader Alloula, cet immense dramaturge algérien lâchement assassiné par la horde intégriste en 1994. Situé à la place du 1er Novembre, ce bel édifice, de style néo-classique, a été réalisé par l'architecte Haliez en 1907.
Faisant belle allure, il donne à la principale place d'Oran tout son charme et son éclat. Jouxté par un café populaire, -appelé justement «le Grand café du théâtre»-, et d'un restaurant, -se trouvant dans son dos-, ce théâtre crée alors, et malgré lui, un point de jonction entre plusieurs lieux emblématiques d'Oran : l'ancien quartier juif d'El Derb, le quartier historique de Sidi El Houari, et la vaste place du 1er Novembre, qui va bénéficier, sous peu, d'une extension conséquente, qui aura pour effet de doubler carrément sa superficie.
De ce fait, il est «auréolé» par une animation quasi-permanente. Les soirs de générales, c'est le tout-Oran qui s'y rend, heureux de prendre ses aises dans ce lieu magique qui regorge d'histoire et d'anecdotes. Les marches, faites de marbre nous conduisent au somptueux hall par lequel on peut emprunter d'autres marches, tapissées de rouge, qui nous emmènent à la buvette du premier étage, ainsi qu'au balcon.
Spécificités
Ici et là, des piliers joliment sculptés ornent l'édifice. Ils sont à ce point majustueux et imposants que beaucoup rechignent à les désigner ainsi, préférant leur donner le nom de «colonnes», un terme, en effet, plus approprié que la première appellation. Toujours en ce qui concerne la sculpture, il faut savoir que le fronton du théâtre a aussi cette spécificité d'être orné par de belles statues de femmes, représentant la comédie, la tragédie et le drame.
Elles ont été réalisées par le célèbre statutaire français Fulconis. Quand on entre à l'intérieur du théâtre, on est de facto «emporté» par la magie du lieu. Sans que ce ne soit «le luxe» à proprement parler, disons qu'un certain charme spécifique à ce lieu de culture, domine. En fait, notre première impression est d'ordre olfactif étant donné qu'on est frappé par cette odeur de bois, émanant des planches de la scène, qu'un machiniste entretient quasi-quotidiennement, en recourant au polish et à la teinte, mais avec un dosage dont lui seul a le secret.
La scène est conçue à l'italienne, de manière à ce que les comédiens n'ont pas besoin de micros pour faire porter leurs voix jusqu'au balcon du premier et du deuxième étage, ainsi qu'au poulailler. Le théâtre compte, en tout et pour tout, 550 places, mais il faut dire qu'à sa réalisation, il en comptait davantage : le nombre de siège dépassait les 600.
Certaines mauvaises langues disent que la réduction du nombre de siège est du au fait que l'Algérien aime prendre ses aises en allant apprécier une pièce théâtrale. S'entend par «prendre ses aises» : étirer ses jambes à souhait. «A la base, c'est un opéra, et avec son plateau à l'italienne, il regorge de cette atmosphère spécifique des anciens théâtres, ce qui fait qu'en y pénétrant, on a à chaque fois l'impression de voyager à travers l'espace et le temps», raconte Mourad Senouci, l'actuel directeur du TRO.
Il est à la tête de cette institution, qui fait travailler un total de 50 travailleurs, depuis le mois de septembre dernier. «En étant installé à la tête de ce théâtre, je ne démarrais pas de zéro», nous dit-il. «Je suis parti d'un constat : celui qui était avant moi (Ghaouti Azeri) n'a pas laissé de dettes, au contraire, il y avait une marge de man?uvre sécurisante. A cela, j'ai trouvé un personnel formé. Ce sont des acquis. Je me suis alors appuyé sur ces acquis pour mettre en place une autre démarche. Ayant eu un regard extérieur sur le théâtre, je sentais qu'on pouvait faire des choses.»
Exigences
La première mesure entreprise par Mourad Senouci est de «repousser» l'heure de la générale à 19h, au lieu de 17h. «J'ai démarré avec l'idée qu'il n'y a pas à Oran un public, mais des publics. Il nous faut alors plusieurs programmes, plusieurs approches. Le 19h, il est fait pour celles et ceux qui apprécient l'activité artistique au point de s'organiser pour cela. 19h, c'est après le boulot, le spectateur fait l'effort pour venir à cet horaire, aime aller au théâtre en nocturne, réserve sa place etc.
Ce qui fait que le public de 19h est assez spécifique.» Ceci étant dit, il y a d'autres publics, comme celui des jeunes notamment, à qui on est consacré l'après-midi de samedi à partir de 16h. Généralement, ils viennent pour voir des stand-up, des concerts raps, ou encore des spectacles d'improvisation comme ceux de la troupe les Drôles Madaires.
Quant aux après-midi de mardis et de vendredis, ils sont consacrés aux enfants qui viennent respectivement avec leurs enseignants et leurs parents. «On exige de la qualité dans la production, de la qualité dans l'accueil, mais aussi une bonne stratégie de com. En somme, ce que nous faisons rentre dans une démarche globale», nous dit-il avant de citer, parmi les contraintes qui empêchaient jusque-là les gens de venir au théâtre : la question du stationnement et celle relative à la garde des enfants. «On vient de trouver des solutions à ces deux contraintes», nous déclare-t-il
. «On a conclu un accord avec un grand garage se trouvant à 5 minutes de marche à pieds du théâtre, plus précisément au boulevard de la Soumam : les gens qui veulent venir au théâtre, vont au garage, puis au retour, ils font valoir leur ticket, et bénéficient alors d'une réduction. De ce fait, tout le monde est gagnant dans l'affaire.» Quant à la question de la garde des enfants, qui se pose aux couples mariés, et qui les dissuade, parfois, d'aller apprécier des spectacles, là encore, une solution vient d'être trouvée.
«A partir du mois de mars, on va ouvrir un espace enfant au sein même du théâtre: au niveau du 3e étage, on va installer des tapis, des chaises ainsi que des tables pour enfants, et les couples mariés pourront désormais venir avec eux, et moyennant une petite somme de 100 DA, les laisseront dans cet espace où il y a un atelier de dessin, des projections de films pour enfants, etc., avec des animateurs. Ça aura des répercussions sur le nombre du public qui va sans coup férir augmenter.»
Amazighité
A cela, il n'y aura plus les désagréments, pendant les spectacles, celui des enfants qui crient. Autre point salutaire : l'aménagement d'un accès pour les personnes à mobilité réduite. A l'heure de l'ouverture des guichets, un support mobile en bois est placé avant d'être démonté à la fin des spectacles, ce qui fait que la personne à mobilité réduite désireuse de se rendre à une pièce théâtrale peut le faire sans ambages. Par ailleurs, Mourad Senouci affirme essayer d'élever coûte que coûte le niveau des propositions. «On a eu 4 concerts de niveau international, d'autres viendront prochainement.» De même qu'il tient à ce qu'il y ait une représentation d'expression amazighe par mois.
Enfin, pour ce qui est des productions du théâtre, Mourad Senouci affirme que cela ira crescendo : «D'abord, on va parrainer des spectacles du monde associatif, on produira notamment un spectacle des Drôles Madaires. Il y a aussi le projet de parrainer un spectacle avec l'association SDH (Santé Sidi El Houari), qui sera un genre de théâtre interactif, et enfin on produira un spectacle de rue avec des jeunes qui gravitent autour du théâtre, et un spectacle de marionnettes avec une association locale. Il s'agira de spectacles qui ne coûtent pas beaucoup mais qui sont importants.
Dans l'immédiat, on va aider au moins 5 groupes de jeunes à pratiquer leurs arts.» Ceci dit, le TRO attend l'installation de la commission artistique à même de choisir les textes avant de se lancer dans la production de nouvelles pièces. «Une fois cette commission installée, on prévoit pour cette année deux productions : une grande production pour adulte, une grande production pour enfants.»
Pour finir, il y a le volet littéraire : périodiquement, le théâtre ouvre ses portes à des conférences portant sur la littérature algérienne, et cette initiative devra prendre plus d'ampleur les semaines et les mois à venir.
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