Algérie

Théâtre



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Le mythe immortalisé par les maîtres du malouf méritait-il les sanctifications dues aux illustres figures qui marquèrent l'Histoire. Héros d'un subconscient collectif, Salah Bey ne fut pas seulement ce guerrier valeureux qui subjugua le dey Osman, il est aussi un tyran impénitent. Un jouisseur avide de pouvoir qui défia la sagesse des «chioukhs» et plongea son beylicat dans un bain de sang vain puisque sa quête inassouvie de trène sans partage prédestinera sa fin tragique.La générale de la pièce Salah Bey qui inaugure le cycle des productions théâtrales inscrites dans le cadre de la manifestation «Constantine, capitale de la culture arabe 2015», présentée dans la soirée de jeudi dans l'enceinte du TRC, requinquée pour la circonstance, a pris sur elle, la mission d'illustrer quelques aspects de ce mythe, sans pour autant heurter les sensibilités acquises à l'aura boursouflée du héros.«Pour un personnage qui a fasciné la mémoire locale et dont le nom est resté gravé dans le souvenir de la cité, l'important n'était pas de montrer ce mythe surfait, mais de présenter d'autres facettes préconçues dont l'intrigue, l'esprit du complot et son amour pour le pouvoir», souligne le réalisateur de la pièce.La sentence de Tayeb Dehimi est moins évidente dans le jeu des comédiens et les scènes suggérées. Pour une première, ce n'était pas non plus un revers puisque les rodages propres à la mise en scène et aux performances des comédiens donneront certainement une consistance autrement plus valorisante à l'œuvre d'autant plus que la pièce a été montée dans des conditions improbables en raison des travaux opérés au Théâtre régional de Constantine.Le décor planté qui laisse pensif sur l'utilité de certains accessoires, tempère les mouvements des comédiens et paraît aussi encombré qu'encombrant.Les scènes exécutées sur les deux niveaux du pont mis en évidence au détriment d'une arrière-scène inexploitée, réduit en effet l'espace, amputant un pan de visibilité des figures simultanées proposées par le metteur en scène. Le costume soldatesque qui a trèné sur l'accoutrement «civil» de l'époque, perpétué dans les fresques murales encore conservées, renvoie certes au caractère du janissaire que fut Salah Bey mais, ne restitue pas des traditions vestimentaires établies. Un pont imposant dominant la scène pour dire Constantine.Un pont que Salah Bey lui-même envisagea de bâtir mais qu'il délaissa pour mieux assouvir son instinct de despote hédoniste. L'intrigue qui le chassa d'Izmir vers Alger à l'âge de 16 ans, soupçonné d'avoir causé la mort de son propre frère, jalonnera le parcours qui l'intronisera bey de Constantine.Garçon de café, il est embrigadé par un janissaire qui le fera soldat. La trame du texte de Saïd Boulmerka rend compte en effet de ce cheminement qui fera de lui un fer de lance du bey Zerg Ayounou dans la bataille contre le bey de Tunis, ce qui le propulsera au rang de khalifa sous Ahmed Bey El Koli dont il devient le gendre et partant bey de Constantine. Le dey Osmane, qui fit appel à lui pour repousser l'invasion espagnole, le confortera dans son statut après qu'il eut infligé une véritable correction à l'ennemi conduit par le comte Oreily. Une intronisation mal perçue par Houcine et Braham, descendants de beys constantinois, touchés dans leur amour-propre de notables incontestés de la cité. Des rivaux qu'il expulsera de la médina mais que Hassan Pacha tentera de réhabiliter après la mort du dey Osmane. Désigné pour lui succéder, Braham est exécuté par Salah Bey, pourtant, avisé des conséquences dramatiques qui pesaient sur son beylicat mais ne se souciant guère des bains de sang qu'il allait provoquer.Ses accès mégalomanes le conduisirent à déclarer son autonomie de l'autorité ottomane ce qui provoqua l'ire du pacha d'Alger, qui désigna son autre ennemi juré, Houcine Bouhanek, pour le destituer et faire de sa révocation un exemple aux voix discordantes, acquises à la prestance et à la notoriété de Salah Bey. Sa pendaison endeuilla la cité qui porte encore les stigmates de cette fin. Une cité que l'on ne dissocie plus des airs et intonations de «galou laârab galou».Une virtuosité que le metteur en scène a préféré castrer. Un choix qui n'est certainement pas celui de l'autorité qui a baptisé de son nom, le plus majestueux viaduc de l'Algérie indépendante.




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