Algérie

Tenue correcte exigée


L'Aïd approchant et comme le veut la coutume, tout le monde a en tête de dépenser le peu d'argent qui lui reste pour se payer de nouveaux vêtements. A partir de cette tradition collective, chacun va pourtant s'individualiser pour s'acheter ce qui lui convient le mieux, eu égard à son statut, son salaire et sa fonction. Le gouvernement va revêtir son costume d'usage, un gris sombre qui tend vers le bleu nuit, apparat d'appareil destiné surtout à cacher son incompétence face aux problèmes habituels de la rentrée, dont les solutions vont être encore remises à la rentrée d'après. Les députés vont remettre leur célèbre tenue de danseuse à manches larges, pour pouvoir lever le bras à haute fréquence et en toute circonstance sans avoir à se déchirer le coude. Pour le reste, peu de changements sont attendus ; les démocrates vont revêtir l'habit moderne universel pour déambuler dans les salons en attendant un jour de vote. Les islamistes vont encore essayer de faire croire que le développement réside dans la tenue vestimentaire, pendant que les nationalistes vont remettre leur habit vert, blanc et rouge, habile camouflage de guerre qui sert à attirer les canards et les subventions. En bas de la pyramide, le peuple, vêtu de prêt-à-penser mais couvert de préjugés, impose aux femmes de s'habiller en local le plus long possible tout en important lui-même 99% de ce qu'il met sur le dos. Au sommet de la tour, le roi est-il nu ' Vu l'échec renouvelé d'une autocratie habillée d'une kachabia républicaine, probablement. Sauf qu'une chose est certaine, les Algériens ont beaucoup plus peur de la nudité que du sous-développement. La seule chose qui compte est de s'habiller, tenue correcte exigée. Après, quel que soit le crime commis, l'essentiel est la marque du costume porté pendant l'accomplissement du délit. On pardonnera à un ministre ce qu'on ne pardonnera pas à son voisin en jogging.
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