Algérie

Tentations nomades


On craignait, avant même qu'il ne commence, que le 14e Salon international du livre d'Alger ne s'enlise dans un débat sur sa domiciliation. Tente ou pas tente ' Cette alternative semblait un moment la seule question digne d'intérêt, au détriment des modalités et finalités de cette rencontre. C'était un vrai faux débat sans doute, mais en l'examinant hors contexte il pourrait susciter une réflexion utile sur les espaces culturels en Algérie.Les salles de cinéma, qui se comptaient à l'indépendance dans les parages d'un demi-millier, se sont repliées en deçà de la centaine, en étant généreux et aveugle sur leur état. Idem pour les salles de concert et les théâtres dont l'essentiel date de plus d'un siècle quand d'autres demeurent désespérément fermés, tel le Petit Théâtre de la rue Harrichet, à Alger. Quand on consulte les agendas culturels des journaux, cette pénurie saute aux yeux. Un peu comme les nouveaux mariés qui doivent suer pour trouver une salle des fêtes, les promoteurs d'évènements culturels se battent presque pour accéder aux quelques lieux disponibles.Les tentes, chapiteaux et autres structures légères (ces « architectures éphémères », titre d'une belle expo-photo de Mohand Abouda sur les guérites en roseau des paysans) ne pourraient-elles pas constituer une solution d'appoint ' On se souvient qu'avec quelques bâches et planches, la comédienne Adila Bendimred avait réussi à créer un lieu, le Théâtre du printemps, au Bois des Arcades d'Alger. Tout récemment, le Festival de la BD a montré encore que la tente pouvait offrir de belles conditions. Il existe même des chapiteaux permanents comme le Cabaret Sauvage, à Paris, animé par le trio Meziane, Allalou et Smati. On pourrait, de là, citer l'exemple universel du cirque dont la force spectaculaire est inversement proportionnelle à la légèreté de ses chapiteaux et en fait même toute sa poésie.Il n'y a aucune obligation à respecter un modèle qui remonte aux XVIIIe et XIXe siècles, quand les bourgeoisies européennes créèrent des opéras, édifices lourds et fastueux, lieux d'apparat et d'apparaître, et que les cinémas leurs emboitèrent le pas. Le dur n'est pas forcément garant de la qualité culturelle, et ce n'est pas par exemple les rencontres musicales de Salzbourg qui se tiennent en plein air qui le contrediront. Dans les pays les plus avancés, disposant de dizaines de milliers de salles, on a aussi recours aux structures légères.Que dire alors de l'Algérie où la plupart des salles sont concentrées dans les anciens centres-villes, entourées de ceintures énormes de banlieue d'une pauvreté affligeante en structures, des no culture's land comme nous les avions nommées ' C'est pourquoi, sans renoncer aux programmes de construction, il faut se laisser tenter par les structures nomades. Pas par dépit ou palliatif, mais comme un véritable programme.
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