Algérie

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Youcef Merahi
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A travers le monde, un aéroport détricote les adieux ; de la tristesse au départ et de la joie à chaque retour. Comme le monde est désormais un grand village, la bougeotte touche l'ensemble de l'humanité qui, elle, est à la recherche du moindre exotisme. Plus loin que l'on aille, les horizons se rapprochent, se touchent et s'observent au microscope. A l'aéroport d'Alger, j'ai ouà?-dire que les bancs d'attente, pour ne pas faire le pied de grue, ont été enlevés. Il n'y a plus rien, sinon le vide. Et les gens qui font les cent pas. Les gens qui attendent. Les gens sont debout. Ou adossés à leur (im)patience. Et ceux qui ont les yeux rivés sur les tableaux des arrivées. Tel avion est à l'heure. Un autre vient d'atterrir. Muni des journaux du jour, du roman de Lynda Chouiten, le roman des «Pèv'Cheveux», Ed. el Kalima, 2017, roman déroutant à plus d'un titre, mais d'une lecture décontractée, j'ai pris la décision de me mettre à la cafète centrale. Il faut d'abord passer à la caisse. Dans mon café maure préféré, j'ai pris l'habitude de consommer, puis de casquer. A l'aéroport, c'est une autre paire de manches. Je passe ma commande. J'aboule le fric. Je jette un coup rapide à ma monnaie. Je me suis dit qu'il devait y avoir une erreur de calcul. Le cafetier me remet une note, en voyant mes sourcils formés un accent circonflexe. Je prends mon plateau (ma sniwa) et m'attable. Je chausse mes lunettes de presbyte. Là, j'écarquille les yeux. La note m'indique que mon verre de tisane (Un verre ' Plutèt un gobelet jetable dans lequel surnage une touillette en plastique !) me revient à 250 dinars et que la bouteille d'eau minérale à 130 dinars. De la tisane dans un vulgaire gobelet à ce prix-là ! Dans mon café maure préféré, ma tisane coûte une vingtaine de dinars. Et dans un verre, s'il vous plaît ! Je vous rappelle, chers amis, que je me trouve à l'aéroport international d'Alger. Je sais que les prix ont augmenté ; mais pas à ce point. Heureusement que je me trouvais, ce jour-là , seul dans cette cafète. Du coup, la tisane a pris le goût de l'inflation et la couleur d'un dinar «planché». Je n'ai pas pu m'astreindre à consommer ce breuvage hors de prix. J'ai levé mon popotin de la chaise et me suis mis à faire les cent pas, alors que mes genoux «arthrosés» sonnaient le tocsin. Et comme le corbeau de la fable, je me suis juré que l'on m'y reprendra plus. J'ai ouà?-dire que les boulangers ont lancé un ultimatum aux pouvoirs publics ; nos fabricants de pain n'en démordent pas. C'est quinze dinars la baguette. Au prix du marché, disent-ils, à l'unisson. Oui, pourquoi pas ' Si un gobelet de tisane est au prix de 250 dinars, je pense que la baguette peut bien se vendre à 15 dinars. D'autant que l'Algérien remplit (j'exagère, à peine !) les poubelles de cet aliment. Oh, je ne jette la pierre à personne. Sinon aux pouvoirs publics qui laissent pourrir des situations maîtrisables, dès l'amorce de la crise. Sinon aux consommateurs qui gaspillent cet aliment de base. Comme le lait, d'ailleurs ! On ne se contente pas d'acheter le pain quotidien. On se laisse aller à la surenchère. Comme si l'Algérien avait les yeux plus gros que le ventre. J'ai peine à voir cet Algérien porter ce fagot de pain, comme s'il allait le stocker. La réalité est que nous sommes de grands consommateurs de pain, qui reste un aliment bourratif. On se cale l'estomac de pain. On a ainsi une totale sensation de satiété. Tant qu'à faire, laissons le boulanger vendre son pain à 15 dinars ; ça pourrait nous donner à réfléchir. Et délester nos estomacs. J'ai ouà?-dire que le carburant flambe. C'est juste un jeu de mots innocent. Tout le monde en parle. Tout le monde se plaint. Et l'autre, assis à la table d'àcôté, qui dit : «Ils veulent nous empêcher de rouler ; on roulera quand même. Nnif ou lekhssara !» Voilà , on fait la fine bouche pour le pain, mais on brûle des litres et des litres d'essence. Et autre diesel. Depuis ce début d'année, j'ai la pénible impression qu'il y a plus d'automobilistes qui circulent. Surtout quand il pleut. A la moindre goutte de pluie, il y a comme une augmentation exponentielle de bagnoles. Surtout dans nos villes. L'autoroute Est-Ouest est déjà dépassée par ce flot incessant de tacots. Naïvement, j'ai pensé que ces augmentations allaient freiner un peu nos automobilistes ; il n'en est rien. On se plaint, mais on est tous devant les stations à pomper les pompes. Dès lors, qui arrêtera l'Algérien de rouler en bagnole ' J'ai ouà?-dire que la grève des enseignants a repris de plus belle, après les vacances d'hiver. Une question à cinq centimes : nos enseignants étaient-ils en grève, ou en vacances ' La genèse est simple : une enseignante aurait été éconduite par des bureaucrates. à‡a se passe, au quotidien, en Algérie. Une policière l'aurait giflée. Touchés dans leur dignité, nos enseignants ont enclenché un mouvement de grève. Le recours à la grève est un réflexe facile à dérouler. Une semaine de grève. Deux semaines. Trois semaines. Un mois. Plus que cela ! Je veux bien parler de la dignité de l'enseignant. Mais qui parle de la dignité de l'élève, notamment ceux qui sont en phase d'examen. Il y a un moment où il faut dire «basta» ! C'est une prise d'otage, en bonne et due forme. Où est la pédagogie dans tout cela ' Où est le bon sens, voire ' S'il faut mettre dehors les deux fonctionnaires, c'est un nombre impressionnant de fonctionnaires qu'il faut licencier. Puis, ces fonctionnaires sont sortis de l'école algérienne qui, elle, est la plaie de ce pays. Alors, l'un dans l'autre, il serait intéressant de se poser les vraies questions autour de l'éducation nationale. De réformer totalement cette école ! J'ai ouà?-dire que l'électricité coûtera plus cher. Que l'augmentation du tarif de l'eau est dans l'air du temps. Oui, pourquoi pas ' Tout est envisageable ! Puisqu'on ne peut désormais payer la paix sociale. Les transports, aussi. Les soins. L'habillement. La coiffure. Le barbier (oui, il y a beaucoup de barbes à raser !) Tout ça, quoi ! Décidément, ces deux «portes de l'année» augurent d'un porte-monnaie à assécher, à tout prix. Alors, augmentons, augmentons, il en restera toujours quelque chose !


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