Algérie

Tendances



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Youcef Merahi[email protected]/* */Voilà , tout a une fin. Les vacances rempilent leur barda et s'en vont aussi chercher un ailleurs de farniente. Et de repos. Comme chaque année, c'est la rentrée. Alors, vive la rentrée ! Chacun la vit à sa manière : une euphorie visible sur le visage, le portefeuille fébrile, le pas lent du père de famille et les rues qui se vident des bambins qui construisaient, de leurs jeux bruyants, l'ambiance absente de nos cœurs. Par grappes aux couleurs de l'arc-en-ciel, nos gosses ont rejoint les bancs de l'école ; c'est la seule rentrée significative, à mon sens. Si pour certains potaches, l'habitude est là , rassurante, de ceux à qui on ne la fait plus. Par contre, pour les gamins qui font leurs premiers pas dans cette aventure scolaire, ils n'en mènent pas large. Accrochés à leurs parents, ils peinent à mettre le nez dans leur classe ; sinon à reculons. Il n'est pas simple de changer, du jour au lendemain, d'habitude. Se lever tèt, arriver à l'heure à l'école, se concentrer un bon moment tout de même, apprendre les rudiments du savoir, ne pas parler lors du cours, ne pas bouger, au risque de se faire gronder par le maître et, surtout, se concentrer pour mémoriser les lettres et les chiffres. Tenir un cahier, proprement. Dompter l'écriture. Se faire de nouveaux potes. S'habituer à un nouveau monde. Car il s'agit véritablement d'un nouveau monde pour nos chérubins. Je l'ai faite, à l'époque, ma rentrée scolaire, du temps où la mitraille de la guerre nous foutait la pétoche. C'était un autre temps. Une autre époque. Que ceux de ma génération s'en souviennent ! Ce fut un temps épique ! Nous allions en classe, le ventre noué de peur de casser la plume «Sergent major».Gare aux retards ou aux absences, sinon la règle du maître s'abattra sur des doigts gourds de froid ; ou sur un crâne encore mal réveillé. Surtout, il faut savoir, dans la langue de l'Autre, crier «nos ancêtres les Gaulois».L'écrivain Mouloud Feraoun a su remettre dans le contexte l'école française. Ce fut le temps de Fouroulou ! Peut-on parler, aujourd'hui, de Fouroulou ' Nos gosses disposent d'une école à portée de regard ; et les parents ont encore plus peur que leurs rejetons. Je m'en rends compte, c'est une autre époque. Exit la plume «Sergent major». Exit l'encre violette. Exit les chauffages au coke. Exit les brimades d'antan. Exit le son de la cloche. Désormais, tout est à l'électricité. Ils ont de la chance, nos enfants. Souvent, ils ne la saisissent pas cette chance. Ou ils refusent d'admettre ces opportunités heureuses.Le gouvernement, également, a fait sa rentrée. Tous les ministres sont à leur poste, prêts à en découdre avec l'année civile en cours. Les temps sont durs pour notre pays. Le pétrole ne fait plus recette. Eh oui, ce sont les aléas des relations économiques internationales. L'empire américain mène le bal des nations. Comme un marionnettiste, il tire les ficelles avec dextérité. Et engrange les bénéfices pour les ricains. Ce n'est pas Donald Trump qui me contredira, lui qui éructe sa hargne contre les musulmans, les Hispaniques, les Noirs ; contre tout ce qui n'est pas blanc. Alors, notre bas de laine va souffrir un chouia ; sauf si le nouveau modèle économique prend, sérieusement, les choses en main. C'est ce que semble nous dire notre Premier ministre, à partir de la Saïda. Il tente de rassurer le peuple algérien, notamment «les couches vulnérables». Ainsi, un listing de ces couches est en train de s'élaborer. Comment ' Quels en sont les paramètres ' Y a-t-il un seuil de vulnérabilité ' Ira-t-on jusqu'à réinventer les « bons alimentaires» ' Je ne sais pas. Notre Premier ministre ne le dit pas. Ni aucun de ses ministres. Il veut nous rassurer. Un point, c'est tout ! Si je suis rassuré ' Non ! Sincèrement, non ! Car il ne s'agit pas seulement d'une question alimentaire. Il y a autre chose : une valeur travail à faire appliquer par contrainte, s'il le faut, un civisme à instaurer, une violence à endiguer (une violence quotidienne qui empoisonne la vie de tous) et, surtout, un contrat social en loques qu'il faut rabibocher, avant l'ultime violence. Je voudrais juste comprendre ce que l'on entend par «produit de seconde nécessité». Comme je voudrais comprendre ce que l'on entend par «médicament de confort». Si un spécialiste veut bien éclairer ma lanterne, je suis preneur. Ou un ministre. Ou n'importe qui dispose d'une réponse idoine. Je veux bien comprendre. Pour que je puisse me faire une raison. Comme pour le reste !Ma rentrée, la mienne, je l'ai faite. A ma façon. J'ai désactivé mon Facebook. Un moment, j'ai eu peur de tout ce qui est virtuel. La réalité est tellement oppressante que la toile s'est transformée en refuge. Je préfère une autre virtualité, celle des livres : romans, essais, poésie”? Peu importe ! Pourvu que je tire du papier la joie qui me fuit ces derniers temps. Pourvu que je tire des lignes écrites la rencontre avec un être magique, l'écrivain. Alors, j'ai plongé, tête baissée, dans le dernier roman de Sarah Haider, La morsure du coquelicot, éditions Apic, 2016. Un roman ' Que dis-je ' Une explosion de mots qui se télescopent dans un chaos organisé, et qui donne au lecteur cette envie de lire, à voix haute, certains passages. Du souffle, il en faut pour tenter un roman pareil. De la colère, il faut l'apprivoiser pour tenter de «terroriser le Verbe» (Merci, Djaout !) J'ai reçu ce roman comme un coup sur le crâne. On sent le choc qui propose un vertige de poivrot. Du verbe tonitruant, il en faut pour juguler la colère partagée avec l'écrivaine.La morsure du coquelicot, n'est-ce pas une manière d'aller retrouver Baudelaire et ses Fleurs du mal. Décidément, vive la rentrée !


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