Youcef Merahimerahi.youcef@gmail.comC'est ce que je disais dans ma dernière chronique : il suffit d'inscrire un projet pour que dans l'esprit du responsable concerné la réalisation est déjà actée. J'ai cru comprendre que la ligne ferroviaire Thénia-Tizi attendra encore jusqu'à la fin de l'année courante. La ligne se fera par morceaux : une ligne en lambeaux ! J'ai cru comprendre également que ces retards sont dus à des problèmes du terrain réglés normalement lors de la phase d'étude du projet, comme le problème des expropriations. On a attelé la locomotive avant que le rail ne soit posé, comme s'il suffisait de le décider. Ce train me rappelle le train de mes illusions, du temps où le rêve prenait des proportions falsifiant la réalité.S'il me prenait aujourd'hui l'envie de prendre le train d'Alger en direction de Tizi, je ne pourrais goûter aux joies du rail qu'à moitié, puisque je dois consommer le terminus à Thénia. Puis je devrais planter une tente jusqu'au mois d'avril pour quitter cette ville et me retrouver aux Issers : tout un trimestre pour consommer vingt-cinq kilomètres de rail. Au secours Guinnessbook ! Ce n'est pas tout ! Vers décembre 2015, mon train de la désespérance atteindra Draâ-Ben-Khedda, à une dizaine de kilomètres de Tizi, ma destination finale. La joie du train me coûte un pan de ma vie, douze mois pleins, ceci dans le cas où les cheminots ne font pas grève. Il en est question, justement. On va la rajouter à la malheureuse grève de l'éducation nationale pour faire la paire. Dans tout ça, je n'ai pas encore atteint mon but : rallier la ville de Tizi. Et peut-être assister à un match de la JSK qui a retrouvé, enfin, son terrain du 1er-Novembre. Et si je faisais du stop ! à‡a marchait bien à l'époque ; les automobilistes s'arrêtaient au moindre pouce levé. Et maintenant ' Je ne sais pas. J'en doute fort. Par ces temps d'animosité sociale, je me demande s'il y a une âme charitable qui appuiera sur la pédale de frein, arrêter son véhicule et me déposer à Tizi. A moins que je n'utilise le «train 11» et faire la route à pied en chantant à tue-tête : «Dix kilomètres à pied, ça use, ça use les souliers». J'inventerais le scoutisme du troisième âge. Mais qu'est-ce que c'est ce train qui nous fait languir, au point où les herbes folles ont bouffé le chemin de fer ' Qu'est-ce que c'est ce train qui s'octroie une année de retard sur l'horaire prévu ' C'est, tout simplement, un train algérien. On applique le proverbe consacré : «Tout retard est un bienfait ! » Alors, une année de plus ou de moins, l'essentiel est que ce train, que j'appellerai désir, veuille bien siffler – ne serait-ce qu'une fois, pas trois fois – le départ d'Alger vers Tizi. Je vois d'ici les vaches se pâmer d'aise et d'envie devant l'élégante démarche de ce futur train flambant neuf. Ce jour prochain (mais, quand '), je me mettrai à la fenêtre du wagon et sortirai un mouchoir blanc pour fêter la folle aventure du rail algérien. Peu importe qu'il finisse sa course folle à dix kilomètres avant Tizi, l'essentiel est de ne pas décevoir ces vaches qui attendent son passage pour vêler en paix dans une étable qui sentirait la rose.Train pour train, je ne vois pas encore la femme algérienne prendre le train de la citoyenneté et de l'égalité. Je vois d'ici des Algériens, en panne d'amour, me montrer du doigt : «Tu cherches la dislocation de la famille. Pourquoi devrait-elle prendre le train ' Pour aller où ' A-t-elle l'autorisation du tuteur signée et légalisée à la mairie ' Puis y a-t-il un wagon réservé aux femmes '» Et tatati batata ! Et toutes les sornettes de la femme qui doit être protégée par l'homme ! On n'a pas seulement le problème du train à régler, me semble-t-il ; il y a aussi celui de la femme qui obnubile certains esprits en panne d'amour. Question à dix dinars : qui du train ou de la femme prendra le premier son envol ' Personnellement, je prends le pari du train. Car la femme n'est même pas encore sur le marchepied du train Alger-Tizi. Je revois encore ce cheikh cathodique tenter l'impossible raisonnement, verset coranique à l'appui, de la justesse de la polygamie, comme étant un droit canonique. Mieux encore, dans son esprit, l'Algérienne – la femme, bien sûr – est choyée, protégée, assurée, embellie et bordée par l'homme. Ah ! «Mâlitude», quand tu nous tiens ! Dans le monde musulman, il y a autant d'exégètes que de musulmans. Et autant de musulmans que d'exégètes ! Chacun y va de son laïus, pourvu qu'il maîtrise deux ou trois sourate. Alors quand il s'agit de la femme – c'est un problème pour ces gens-là ! – la raison prend le train vers la préhistoire des sens. On n'a pas encore fini avec la problématique des violences faites aux femmes que notre Président lance un pavé dans la mare des islamistes : le divorce, la répudiation et le khol. ça va barder, ma parole ! On va toucher à la sacro-sainte formule à la puissance 3, «tlata fi tlata !» ! Comment est-ce possible ' Femmes d'Algérie, poussez des youyous, je crois que vous êtes dans le train de l'égalité dans une Algérie à réinventer. Un mari qui évacue ses nerfs d'Algérien sur le dos de sa femme risque d'aller en taule : à? le pied ! Je vois d'ici des poings machistes se serrer de dépit. Comme je vois d'ici des femmes tenter de soigner les bleus de leur âme. Pourtant, je sais qu'il ne suffit pas seulement de légiférer pour cela, si on ne (re)formate tous ces esprits chagrins qui polluent le tissu social. La violence a encore de beaux jours devant elle, ça aussi, j'en suis conscient. Car même dans les mosquées, le prêche de nos imams n'est pas audible, tant qu'il n'aura pas l'audace de voir la réalité en face. Quant à moi, en attendant qu'on mette sur les rail mon train, je vais d'un pas nerveux vers la grande bleue, à Cap Djinet ou à Boulimat, cuver mon attente à flanc de leurre.
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Posté Le : 11/03/2015
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Y M
Source : www.lesoirdalgerie.com