Algérie

Tendance Par le Dr Salah Mouhoubi : Les subtilités de l'équation algéro-française



La singularité de la relation algéro-française est que les deux pays n'ont jamais atteint le point de non-retour, ni franchi le rubicon au plus fort des contentieux bilatéraux. C'est ce que nous enseigne l'évolution de la coopération bilatérale voulue par les deux Etats en toute souveraineté. Dès 1962, l'Algérie et la France ont posé les bases d'une nouvelle relation reposant sur le respect de l'indépendance, de l'intérêt mutuel et du bon voisinage. Ces principes sont invariables puisqu'ils régissent toujours l'équation combien complexe des multiples liens qui unissent les deux pays. C'est grâce au respect de ces principes que la coopération a pu évoluer malgré, quelquefois, la lourdeur des contentieux et les divergences, manifestes en ce qui concerne, par exemple, l'affaire du Sahara occidental. La coopération a été également émaillée par des crises majeures qui auraient pu la «casser» ; tout le monde a encore en mémoire l'arrêt des importations de vins algériens en 1968, mettant ainsi en grande difficulté la siutation économique et financière du pays qui venait juste d'accéder à  l'indépendance, les attentats contre les Algériens et leurs biens, dans les années 70, obligeant ainsi le autorités algériennes à  mettre un terme à  l'émigration ou encore la crise du pétrole survenue en 1971.Depuis, la coopération a suivi un cours sinueux alternant le chaud et le froid. Le pic a été atteint durant la période tragique qu'a connue l'Algérie, la décennie noire où elle devait affronter seule le terrorisme. La France a brillé  par des positions incompréhensibles, contribuant même à  l'aggravation de l'embargo dont a été injustement victime l'Algérie ; un embargo insidieux qui a pris fin avec le défaite du terrorisme grâce à  la détermination de l'Etat et des sacrifices du peuple et de ses services de sécurité. En outre, les attentats du 11 septembre 2001 ont apporté un flagrant démenti aux stupide thèses, notamment le «qui tue qui '», galvaudées par certains courants pour nuire à  l'Algérie.La visite d'Etat du président Bouteflika à  Paris a permis de réchauffer les relations entre les deux pays sérieusement malmenées durant une décennie. La coopération fut revigorée ce qui poussa le président Chirac à  se rendre lui aussi à  Alger où il fut reçu chaleureusement. Puis, dans un ciel serein un coup de tonnerre, avec l'adoption par le Parlement français de la loi sur les bienfaits de la colonisation. Bien entendu, l'Algérie qui a payé le lourd tribut de la colonisation française, ne pouvait rester insensible  à  cette inqualifiable provocation, voire une insulte au passé de tout un peuple martyrisé. Or, s'ily a un pays au monde qui, légitimement, doit songer à  criminaliser le colonialisme c'est bien l'Algérie. Elle ne l'a pas fait mais elle s'étonne que la France ait reconnu le génocide des Arméniens tout en oubliant la tragédie de sa colonisation en Algérie. Pour la nation qui a enfanté les droits de l'homme, cette politique de «deux poids, deux mesures» ne fait qu'accroître le malaise des Algériens qui ont du mal à  comprendre que la France, cinquième puissance mondiale, n'ose prononcer un seul mot pour sceller définitivement la réconciliation entre deux pays condamnés à  une coopération étroite, dense et passionnante.Il faut dire que l'arrivée au pouvoir de M. Nicolas Sarkozy n'a pas totalement dissipé les malentendus tant en ce qui concerne la vision de la coopération bilatérale que le devoir de mémoire. Son discours de Constantine a balayé toutes les illusions. Cependant, cela ne l'a pas empêché de déployer tout son talent pour faire adhérer l'Algérie  à  l'UPM. L'on pourrait citer d'autres exemples qui ont eu pour effet de jeter un froid, come ce fut le cas du diplomate algérien Hasseni injustement inculpé par la justice française puis déclaré non coupable, sur la coopération bilatérale. En réalité, la stratégie de la France au Maghreb est claire et explique son attitude vis-à-vis de l'Algérie qui comme chacun le sait, n'a pas de riads à  vendre. Il faut dire les choses clairement, on ne peut indéfiniment faire semblant d'ignorer le pays le plus puissant et le plus prometteur de la région. Le PIB algérien est supérieur à  ceux du Maroc et de la Tunisie et ses perspectives économiques sont plus prometteuses comme l'atteste le programme 2010-2014 d'un montant de 289 milliards de dollars, même si l'Algérie ne bénéficie d'aucune faveur médiatique ou politique.Cette toile de fond aide à  comprendre la décision du président français de confier  à  M. Raffarin la délicate mission de relancer la coopération économique, notamment en ce qui concerne les investissements, entre les deux pays. Le choix de l'homme est judicieux. M. Raffarin est connu pour sa sagesse, sa vision large et objective et surtout il est très attaché à  l'intérêt supérieur de son pays. N'a-t-il pas recollé avec entregent les morceaux avec la Chine ' Certainement qu'il va déployer beaucoup d'efforts pour réussir sa mission en y mettant de la ferveur et beaucoup de politique, et il en faut. M. Hervé de Charrette a déclaré récemment que les relations économiques entre les deux pays étaient excellentes. En recevant madame Michelle Elliot Marie, en tant que ministre de la Jutice, le président Bouteflika a élevé la barre en déclarant que les relations entre les deux pays étaient bonnes.Alors, de quoi va s'occuper réellement M. Raffarin ' Du dossier économique et des investissements ' Mais l'Algérie et la France sont deux pays à  économie de marché et l'acte d'investir est libre et du ressort de l'initiative privée. Il y a peut-être des préalables à  prendre en charge pour permettre à  M. Raffarin de réussir sa mission. La France doit tout simplement refermer la parenthèse de son passé colonial, c'est-à-dire ce faisceau de réflexions de comportements subjectifs et d'égoïsmes. Si elle aspire à  jouer un rôle constructif au Maghreb pour permettre à  celui-ci de progresser dans la voie de l'intégration, elle doit àªtre en harmonie avec sa vocation de la défense des causes justes. Car l'Algérie n'a qu'un souhait sincère, et le président de la République algérienne l'a souligné à  plusieurs reprises, est celui d'établir avec la France une coopération exemplaire dictée par la proximité géographique, la densité des liens et l'existence d'un point humain entre les deux rives de la Méditerranée. Faisons confiance à  M. Raffarin, homme d'Etat avisé, d'encourager son pays à  faire sa mue.(*) Auteur de l'ouvrage : « La politique de coopération algéro-française. Bilan et perspectives » - PUBLISUD-OPU.


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