Tenaces, les traditions

Position - Dans les régions rurales, certains «anciens» refusent carrément de se rendre dans ces salles estimant que la fête ne devrait pas se limiter à passer quelques minutes dans un espace clos et prendre un repas.Pour les personnes âgées, l'organisation des cérémonies de mariage dans des salles, réservées à cet effet, ont fait perdre à ces événements leur charme d'antan. Ces derniers acceptent mal cette mutation qu'a connue notre société ces dernières années, eux qui se sont habitués à une ambiance totalement différente.
Dans les régions rurales, certains «anciens» refusent carrément de se rendre dans les salles estimant que la fête ne devrait pas se limiter à passer quelques minutes dans un espace clos et prendre un repas. «Cette attitude de la génération actuelle est incompréhensible et même injustifiable. Ils tiennent à organiser leurs fêtes de façon hâtive alors qu'ils ont tous les moyens pour pérenniser nos traditions ancestrales ! Si c'est pour un repas, je préfère rester chez moi et gagner, au moins, la tranquillité de l'esprit», avoue Aâmi Kaci, septuagénaire, habitant à Tizi Ghennif, au sud de la wilaya de Tizi Ouzou.
«Il y a deux semaines, j'étais invité par un parent qui a organisé un mariage dans une salle à Boghni. J'ai carrément décliné son invitation, car j'ai l'habitude, lors des fêtes, de rencontrer des personnes, de discuter longuement avec elles dans un cadre familial et ce n'est pas aujourd'hui que je vais faire une vingtaine de kilomètres juste pour un repas», avoue encore ce septuagénaire, excédé. Même réaction chez Aâmi Tahar, habitant à Bounouh, dans la commune de Aïn Zaouia. «Si ces jeunes n'ont pas les moyens d'organiser des fêtes chez eux, qu'ils nous le disent et nous sommes prêts à les aider financièrement. Mais qu'ils imitent les citadins qui sont, eux, contraints de recourir à cette solution en raison de l'exiguïté de leurs appartements, cela est inadmissible ! Pour notre génération, la fête est une occasion de rencontres, d'échange et de convivialité non pas un événement éphémère», souligne ce quinquagénaire. Conflit de générations ou peur de perdre la boussole des traditions ' Il semble que les deux hypothèses sont valables, puisque les jeunes tiennent à suivre la mode, alors que les personnes âgées craignent pour la disparition des repères de la vie sociale particulièrement en milieu rural.
Nous avons appris que certains jeunes ont même été empêchés, par leurs parents, d'organiser leur mariage dans des salles, de crainte de devenir la risée du village. Car, si le jeune peut être compris, ses parents, âgés et ayant vécu dans de toutes autres circonstances, risquent d'être pointés du doigt par leurs semblables, les accusant de vouloir «détruire» leurs traditions. «Le charme de la fête, c'est quand la maison est pleine d'invités, de parents, de proches et d'amis durant, au moins, trois jours. C'est là où on sent, réellement, la joie et le bonheur. Les jeunes se chargent des préparatifs et de l'animation artistique, les personnes âgées auront l'occasion de discuter longuement, de jour comme de nuit, et ce sont là nos habitudes», insistent nos deux interlocuteurs, affichant leur crainte de voir les villages «vidés de leur valeur ancestrale».