On peut tout faire avec des fleurs, sauf les piétiner. Une petite histoire florale venant des Pays-Bas nous apprend que le mot sabotage viendrait justement désigner un acte contre nature commis à l'endroit d'une fleur. Le sabot du paysan est pour quelque chose dans cette intrusion peu cavalière dans un champ de coquelicots… Ainsi, les fleurs auraient ainsi un langage, que des livres, qui se veulent des livres d'art, déclinent selon les variétés. Et en couleur, les fleurs sont un langage, ou au moins une partie du langage. Les "fleurs de rhétorique" sont les figures qui viennent orner le discours : destinées à séduire, ces fleurs langagières sont marquées par la grâce, la beauté et la couleur. Les expressions "figures de rhétorique" et "fleurs de rhétorique" sont en effet parallèles, par l'emploi du pluriel tout d'abord, mais elles ne renvoient pas tout à fait à la même réalité. Les premières sont techniques, les deuxièmes sont à la fois techniques (elles signifient par exemple métaphore, comparaisons, emploi de l'emphase : elles sont les ornements conventionnels et poétiques du style et belles, séduisantes. C'est cette beauté caractéristique des fleurs qui peut les desservir, en devenant fausse, simple artifice. Fleurs et figures ont cependant le même rôle, elles ont une fonction de séduction de l'auditoire ou du lecteur. La fleur peut àªtre considérée comme la métaphore de la figure : "fleurs" est une métaphore, figure en acte de la figure elle-même. Peu à peu, l'emploi des figures définit la rhétorique, et non plus généralement comme c'était le cas auparavant l'élaboration de discours ou l'emploi des structures à l'antique. Dans "la rhétorique restreinte", Genette montre que la rhétorique n'est plus que la liste des figures et le descriptif de leur emploi : la figure par excellence est justement la métaphore. Métaphoriquement, la fleur représente la figure, et si l'on va plus loin, elle représente la rhétorique en son entier. sa quintessence. Elle connaît les mêmes avatars historiques, qui vont de l'admiration à la désaffection . Les fleurs sont un angle d'attaque précieux et frais sans en abuser de leur fragrance : le poète et critique du 17e siècle Nicolas Boileau dans son «Art poétique», recommandait de les utiliser à bon escient. Il semble que nous ayons perdu cet usage des fleurs. Et c'est peut-être pourquoi, à défaut de fleurs verbales, on en propose des virtuelles…
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 14/06/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Mohamed Bentaleb.
Source : www.horizons.com