Algérie

Témoignages à l'université Ibn Badis: «Un acte aussi violent était prévisible»



Un climat lourd régnait hier à l'université Abdelhamid Ibn Badis suite au décès du chef de département informatique, Benchehida Mohamed, qui a succombé à ses blessures aux urgences de l'hôpital de Mostaganem après avoir été poignardé par un étudiant dans son bureau.

Le défunt est mort laissant derrière lui trois enfants, deux garçons, l'un âgé de 18 ans et l'autre de 13 ans, et une fillette de 4 ans, dont l'anniversaire est prévu aujourd'hui. Elle le fêtera malheureusement sans son papa. Son frère aîné, abattu par le décès tragique de son père, murmure aux groupes de personnes, des amis du défunt, venus présenter leurs condoléances que sa soeur ne réalise pas encore la mort de leur père. Elle demande après lui et elle ne comprend pas les raisons de cette absence. Au domicile mortuaire, une tente était érigée. A notre arrivée, c'est le frère du défunt, enseignant lui aussi à l'université, département de français, M. Benchehida Mansour, qui nous reçoit avec un courage remarquable en compagnie de quelques amis. Les paroles et les mots étaient incapables d'apaiser la douleur de la perte d'un être cher.

Malgré le chagrin, M. Mansour a bien voulu nous parler de ce drame. « J'étais en train de tirer mon cours lorsque le téléphone a sonné. Un ami me dit: Allo, je suis avec Mohamed. Il a reçu des coups de couteau . »Au début, j'ai cru qu'il s'agissait de simples blessures. Je me suis alors précipité vers les urgences de l'hôpital. Et là, j'ai vu mon frère allongé, le sang plein le corps et les traces des coups de couteau qu'ils a reçus au visage, sur la poitrine. Les médecins m'ont dit ensuite qu'il faisait une hémorragie interne, qu'il a besoin de sang pour une opération chirurgicale. A 11 h, il a rendu l'âme. On m'a dit qu'il avait reçu 32 coups de couteau».

 « A voir la situation de dégradation que vit actuellement l'université, un acte aussi violent était prévisible », dira M. Mansour. « Nous savions que cela allait arriver un jour mais nous ne savions sur qui un tel acte allait tomber. C'est mon frère qui a été touché ».

Sur le marasme de l'université, ce professeur de langue française, à l'instar de ses collègues, avait aussi beaucoup à dire. « Nous savions que la situation allait exploser car l'université est victime d'un système systémique. L'étudiant est mal nourri, mal logé, mal transporté. Il est en situation d'échec et de désespérance. Le mal est profond ». Pour le frère du défunt, c'est la nouvelle génération qui doit changer la situation. « Il ne faut pas rester pessimiste, il faut se battre pour le changement ». Sur la personne de Mohamed Benchehida, tous ses collègues témoignent qu'il a été le prof exemplaire et le collègue compétent qui se battait pour ses étudiants et pour l'évolution de l'université. Son ami intime, qui travaillait avec lui dans le même département, exprime sa profonde tristesse pour la perte d'un ami et d'un collègue. « C'était un grand homme », dira-t-il.

Revenant sur l'incident, l'ami du défunt indique que le problème de l'étudiant, présumé auteur du crime, dure depuis l'année dernière. Ce dernier n'avait pas réussi le «S5» pour passer au master. Il lui restait deux modules en dette. « Depuis février dernier, il revenait à la charge avec le chef de département pour boucler ces modules mais en vain. Malgré toutes les tentatives de l'étudiant pour dissuader mon collègue, rien à faire. Il a même été traduit en conseil de discipline. Sans que la sanction soit appliquée. Le samedi, c'était le jour où ses camarades allaient reprendre les cours. Il est venu à 8 heures du matin. Après une discussion avec le défunt, il l'a poignardé plusieurs fois dans son bureau. Cet étudiant était une personne calme, sérieuse dans ses études. Les deux premières années, il s'est classé 2e après le majeur de promo. Au moyen et au lycée, il était brillant. Mais à partir de la 3e année universitaire, son niveau d'étude a chuté. Son comportement aussi... », raconte l'ami de la victime.



L'université de Mostaganem
se constitue partie civile



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