En février 2009, j'interviewai sur les colonnes de ce même journal le docteur Abed Khouidmi, médecin urgentiste, alors de retour de Ghaza où il avait vécu l'horreur pendant douze jours de feu et de sang. L'homme, coutumier des conflits armés, était revenu de la Bande avec la ferme certitude que ce qui s'est passé pendant l'opération israélienne «Plomb durci» est simplement un crime contre l'humanité. Même s'il ne veut pas le reconnaître, le docteur a été le premier à avoir soupçonné et dénoncé l'utilisation du phosphore blanc ainsi que derrière la découverte de l'utilisation des fameux missiles antipersonnel. Il s'est dit prêt à aller devant une cour internationale pour témoigner de ce qu'il a vu.Le Dr Khouidmi reviendra, au cours de cette rencontre, sur les mauvaises surprises égyptiennes qui les attendaient du côté du passage de Rafah, puisque arrivés au terminal, lui et son collègue seront confrontés au refus des Egyptiens de les laisser passer. Ce n'est qu'après des contacts directs entre Le Caire et Alger qu'ils seront autorisés à pénétrer dans la bande de Ghaza, non sans avoir auparavant signé des décharges à la demande des Egyptiens. Une fois à l'intérieur de l'hôpital de Chiffa, «nous avions remarqué de prime abord qu'en plus de la catastrophe humaine, il existait une catastrophe sanitaire puisque l'hôpital conçu pour 400 lits comptait plus d'un millier de blessés, la plupart des civils victimes des bombardements ou atteints par les impacts des missiles». Il évoquera également l'hôpital d'Al Qods visé et touché le matin par un missile et bombardé de nouveau à minuit. «Personne n'a été épargné dans ce conflit», qui fera au total 1.400 Palestiniens, dont la majorité de civils, tués lors de cette opération. C'était en 2009.«La nuit dernière a été extrême. L'invasion terrestre de Ghaza a amené des dizaines de véhicules surchargés de toutes sortes de Palestiniens blessés, mutilés, déchiquetés, sanglants, tremblants, agonisants - de tous âges, tous des civils, tous innocents. Les héros dans les ambulances et dans tous les hôpitaux de Gaza travaillent en équipes de 12 à 24 heures, gris de fatigue et de charges de travail inhumaines. Ils soignent, trient, essaient de démêler l'incompréhensible chaos de corps, de tailles, de membres - des humains marchant, ne marchant plus, respirant, ne respirant plus, saignant. DES ÊTRES HUMAINS ! Etre proche du «soumoud» palestinien me donne la force, même si par moments j'ai seulement envie de crier, de serrer quelqu'un contre moi, de pleurer, de sentir la peau et la chevelure de l'enfant chaud, couvert de sang, de nous protéger en nous tenant dans les bras indéfiniment - mais nous ne pouvons pas nous le permettre, et eux non plus ne peuvent pas.Plus de 100 cas sont arrivés à Chiffa ces dernières 24 heures. Assez pour un grand hôpital bien entraîné avec tout ce qu'il faut, mais ici - il n'y a presque rien : pas d'électricité, d'eau, de matériel jetable, de médicaments, de tables d'opération modulables, d'instruments, de moniteurs - ils sont tous rouillés comme s'ils sortaient de musées des cliniques de jadis. Mais ils ne se plaignent pas, ces héros. Ils continuent avec ce qu'ils ont, comme des guerriers, de front, extrêmement déterminés. Et comme je vous écris ces mots, seul, sur un lit, mes larmes coulent, les larmes chaudes mais inutiles de la douleur et de la colère, de la rage et de la peur. Cela n'est pas vraiment en train de se passer ! Et alors, juste maintenant, l'orchestre de la machine de guerre israélienne redémarre sa répugnante symphonie, juste maintenant : des salves d'artillerie depuis les navires de guerre juste au bas des plages, les rugissants F-16, les drones éc?urants et les Apache en pagaille. Tous produits et payés par les Etats-Unis. Je vous en prie. Faites ce que vous pouvez. Tout ceci ne peut pas continuer.». Le témoignage n'est pas celui de Abed Khouidmi mais de Mads Frederick Gilbert, professeur et chef de clinique de médecine d'urgence de l'Hôpital universitaire de Norvège du Nord, actuellement à Ghaza. Pendant ce temps, les civils palestiniens meurent sous le regard froid et cynique du reste du monde.
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Posté Le : 23/07/2014
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Moncef Wafi
Source : www.lequotidien-oran.com