Algérie

Témoignage sur le pèlerinage de l’an 2006



Témoignage sur le pèlerinage de l’an 2006 On fait partie de la trentaine de milliers de pèlerins algériens qui ont eu la chance et le bonheur d’accomplir le Hadj qui constitue l’une des cinq obligations de l’Islam, au cours de l’an 2006. C’était une immense joie de quitter le pays pour aller découvrir les Lieux Saints de l’Islam. Cependant, on était loin de se douter ou d’imaginer ce que nous allions endurer comme peines et obstacles, tout au long des diverses étapes du Hadj et au cours de l’accomplissement des rites. C’était un véritable parcours du combattant qui commença dès le départ de l’aéroport d’Oran et qui ne s’achèvera qu’au retour à la maison. Cet article concerne seulement les hommes chargés d’assurer la prise en charge et le séjour des pèlerins ou ceux qui sont censés leur faciliter l’accomplissement des rites du Hadj. Les Lieux Sacrés, lieux des valeurs divines et universelles, méritent le respect et la considération de tous. Pour permettre aux pèlerins de baigner dans une atmosphère en rapport avec ces Lieux, il convient de réunir les conditions minimales de sérénité, de tranquillité, d’hygiène et de sécurité. Ces conditions sont des exigences élémentaires indispensables au déroulement du Hadj où seuls doivent prévaloir les actes de recueillement et d’adoration.Départ d’Algérie et Trajet Oran - Djeddah On ne parlera pas des péripéties et du parcours algérien qu’il faut subir avant d’obtenir son passeport du Hadj, son visa et son billet d’avion. Ces péripéties n’ont pas besoin d’être décrites car tout Algérien le sait. Revenons au Hadj proprement dit et au départ. Notre vol était programmé pour le vendredi 22 décembre 2006 à 18h. Pour éviter à l’avion d’Air Algérie de prendre du retard à cause d’éventuels passagers, on impose aux pèlerins de se présenter à l’aéroport 4 heures avant l’heure de départ prévue. Il s’agit peut-être là d’une norme spécifiquement algérienne, adaptée à l’Algérien spécifiant, puisque, chez nous, le temps n’a aucune valeur, sauf pour Air Algérie. Qu’à cela ne tienne, tout le monde est là pour se bousculer, dès la première heure d’accès, à l’aérogare, même si l’on sait pertinemment qu’il y a largement du temps pour les formalités. Tant bien que mal et dès 17h, tous les pèlerins sont en salle d’attente, prêts à l’embarquement. C’était sans compter sur le respect des horaires par Air Algérie. L’heure de départ arrive, il est 18h mais rien ne se produit. Aucune information ou explication n’est donnée, on attend. Petit à petit, le bouche à oreille se met en place, faute d’information. On parle de retard circonstanciel de l’avion, dû au brouillard à Marseille. Les heures passent, ainsi que celles de la prière du Maghrib, puis d’El Icha. On continue à attendre, pendant plusieurs heures jusqu’à 22h, quand le départ est annoncé. L’embarquement a lieu tant bien que mal et nous voilà à l’intérieur d’un avion Airbus, flambant neuf. Pour un moment, on oublie le retard et on rêve déjà à l’arrivée à Djeddah en Arabie Saoudite. A peine installés, que déjà le souci de revêtir les habits de l’Ihram se fait sentir. L’Ihram doit avoir lieu au point du Mikat (lieu géographique prescrit pour l’Ihram qui signifie la sacralisation). Bientôt les cabines de toilettes sont assiégées pour se préparer à l’Ihram. Il fait froid et il faut se couvrir. Le bouche à oreille s’installe de nouveau sur l’heure probable de l’Ihram. Chacun va de sa propre interprétation et voilà que l’équipage de bord nous informe que l’heure de l’Ihram sera annoncée, un quart d’heure avant l’arrivée à la verticale du lieu du Mikat. Nulle présence visible ou information sur l’Ihram ne circule parmi les pèlerins dans l’avion, pour informer ou guider les pèlerins, tel qu’on l’avait appris en écoutant auparavant les informations radio ou en lisant les journaux. Les guides étaient-il dans l’avion ou pas ? A ce jour, seul Dieu le sait. Vers 06h, heure locale, l’équipage annonce l’approche du lieu du Mikat dans un quart d’heure. Un remue-ménage s’installe : qui enlève ses habits extérieurs pour ne laisser que ceux de l’Ihram, qui se bat devant les cabines de toilettes pour les revêtir. Tant bien que mal, tout le monde est au rendez-vous du Mikat et chaque pèlerin se doit de formuler son intention d’accomplir son Hadj selon trois formules (Ifrad, Quran, tamattou). A partir de cet instant, on va répéter tous ensemble et à voix audible la talbiya : « Je réponds à Ton appel mon Dieu, oui j’y réponds, j’y réponds, Ô Toi qui n’as pas d’associé «. On continue à entonner la talbiya jusqu’à l’arrivé de l’avion à Djeddah, et même après jusqu’au jour de la lapidation de la grande stèle de Satan à Mina le jour de l’Aïd El Adha. Arrivée à Djeddah L’avion atterrit à l’Aéroport de Djeddah, 6h30, heure locale. Par bus, on regagne un hangar où se trouvent déjà entassés, pêle-mêle, plusieurs centaines de pèlerins, originaires vraisemblablement du Bengladesh. Il n’y a là, à la disposition des pèlerins, que de simples banquettes en plastiques orientées suivant la largeur du hangar. Ces banquettes n’ont ni dossier ni accoudoirs. C’est un hangar où on s’entasse comme on peut. Il n’y a pas de place pour tous et la plupart des pèlerins restent debout. Les vieux, qui ne peuvent pas tenir, s’assoient à même le sol, ce qui rend la circulation difficile à l’intérieur. On est là entre 700 ou 800 personnes dans un espace qui ne doit pas dépasser 400 mètres carrés. On est loin des normes internationales. On laissera le soin aux spécialistes de méditer sur la comparaison avec les références et les standards internationaux. Pour tout ce monde, le bloc réservé aux toilettes est un local exigu qui ne dépasse pas 6m de long sur 4m de large. Six cabines de toilettes sont alignées tout le long. Collés au mur, aux deux extrémités du local, sur la largeur, sont disposés deux petits bassins pour las ablutions avec 4 robinets chacun, sur une largeur de 60 cm. Inutile d’imaginer la queue des pèlerins et la bousculade qui s’ensuit pour accéder aux toilettes ou faire ses ablutions. Ce sont surtout les vieux qui souffrent. Avec certains pèlerins, on tente d’organiser les choses et de remédier un tant soit peu à la complexité de la situation, tout en continuant à entonner la talbya. On reste là près de trois heures durant, attendant que les pèlerins, qui nous ont précédés, puissent achever les formalités de passage auprès de la police Saoudienne. Quand notre tour de franchir la porte attenante à la salle de police arrive, voilà qu’un jeune agent saoudien, habillé en civil, arrive et nous signifie de s’asseoir tous et de présenter nos passeports. Pour accéder à la salle des formalités de passage, il faut d’abord que cet agent appose une étiquette sur votre passeport. Comme d’habitude entre Algériens, c’est tout de suite la bousculade et la ruée sur l’agent, chacun voulant passer le premier. Au cours de cette bousculade, une vieille perd son passeport et voilà les pleurs et les cris qui fusent. Devant cette situation, l’agent se retire et nous abandonne. Soudain, on retrouve son humanité et chacun tente de retrouver le passeport, malheureusement sans succès. Après un certain temps, par lassitude, on finit par s’asseoir. L’agent saoudien revient de nouveau et entame le collage des fameuses étiquettes. Dès que deux ou trois personnes franchissent le seuil de la salle de formalités, c’est de nouveau la bousculade. Ce qui finit par énerver l’agent Saoudien qui décide de faire appel au service d’ordre pour obliger chacun à s’asseoir et à rester à la place où il se trouvait à ce moment-là. Les formalités d’usage prennent plus d’une heure, pour l’ensemble des pèlerins. Enfin, nous voilà dans la salle des bagages : une salle exiguë (moins de 100 mètres carrés) où les bagages sont entassés et chacun doit retrouver les siens et les mettre sur un chariot, avant de sortir. En franchissant la salle, on débouche en plein air, sur un trottoir, attenant directement à une voie routière. Sur ce trottoir, est installé un autre service saoudien chargé de contrôler de nouveau votre passeport et qui va apposer un certain nombre d’étiquettes, dont il est le seul à connaître le secret. Une fois cette dernière formalité accomplie, on voit apparaître, sur le trottoir opposé, un drapeau algérien tenu par un membre de la Mission algérienne qui nous demande de se regrouper pour nous amener dans un camp réservé aux pèlerins algériens. Ce camp n’est pas à l’abri du soleil qui tape fort. On reste là debout, car il n’y a ni chaises ni banquettes. Les vieux n’ont d’autre alternative que de s’asseoir à même le sol. Chacun se démène comme il peut pour s’abriter du soleil, qui derrière une ombre qui derrière des kiosques ou des boutiques. L’aéroport qui nous accueille est exclusivement réservé aux pèlerins des pays arabes et asiatiques, à la différence de l’aéroport international de Djeddah qui, lui, est réservé aux liaisons internationales avec l’Europe et l’Amérique. On reste là encore pendant plus d’une heure, attendant l’arrivée des bus qui doivent nous conduire à la Mecque. C’est l’heure choisie par un agent saoudien, vraisemblablement un représentant du Moutawaf (personne chargée du séjour des pèlerins aux Lieux Saints), pour intervenir, sans aucun préavis ou présence des agents de la Mission algérienne, pour réclamer de nouveau nos passeports et photographier l’ensemble des étiquettes magnétiques qui y étaient collées. On a l’impression d’être des marionnettes que d’autres manipulent, sans savoir le pourquoi ni le comment des choses qui nous arrivent et qui se déroulent devant nos yeux. On est saisi par une profonde frustration et humiliation. Soudain, une ruée se produit en direction de la station de bus, située à proximité du champ où on se trouve. Encore une fois, c’est devenu une habitude de se bousculer entre pèlerins, de s’énerver à outrance, de proférer des insultes, indignes de pèlerins qui sont venus au Hadj pour se repentir et se corriger. Les personnes plus fortes (physiquement) prennent chaque fois le dessus sur les autres et sont les premiers à occuper le premier bus. Avant d’accéder au bus, il faut remettre son passeport aux membres de la Mission algérienne qui, par enchantement, viennent juste d’apparaître. Ils sont nombreux, plus d’une dizaine. Ils n’ont pas été visibles jusque-là, où étaient-ils donc ? On aurait tellement aimer leur poser quelques questions sur notre arrivée à la Mecque et parmi elles l’emplacement de l’hôtel de notre séjour et la façon dont on sera réparti. Une fois le bus plein, les passeports des passagers sont remis au chauffeur du Moutawaf. A partir de ce moment-là, vous devenez inconnu au bataillon, vous n’existez plus, vous appartenez corps et âme au Moutawaf. Il fera de vous ce qu’il veut, car c’est lui qui règlera entièrement votre vie durant le séjour. A compter de ce moment, les agents de la Mission algérienne n’apparaîtront presque plus, ou parfois de façon très furtive quand on arrive à l’hôtel, derrière le comptoir de réception au même titre que les agents de l’hôtel en question ou au moment ou on s’est déjà procuré une place dans le bus pour votre transfert d’un point à un autre, au cours des diverses étapes du Hadj, et ce, uniquement pour compter le nombre de pèlerins transportés. A suivre... Mahi Tabet-Aoul Cadre supérieur en retraite Ancien diplômé de la Sorbonne - Paris


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