Je connaissais Mammeri de nom, j'ai étudié ses ?uvres alors que je préparais ma licence de lettres françaises. Déjà, avec certains de mes camarades, je prenais sa défense contre certains de mes enseignants qui tentaient de le faire passer, au nom d'une critique marxiste-léniniste, pour un écrivain passéiste, qui, d'une certaine façon, faisait le «jeu du colonialisme». Je voulais connaître cet homme. Je n'ai pas eu le bonheur d'assister à ses cours de berbère, à l'université d'Alger.Quand j'ai commencé mes études, en 1974, le cours avait été supprimé, mais j'ai eu l'occasion de le rencontrer au CRAPE, alors que je préparais mon troisième cycle. C'était en 1977-78, soit une année avant sa mise à la retraite. Je n'étais pas encore inscrit, l'université ayant refusé mon inscription, au prétexte qu'il n'existait pas de «département de berbère». Mammeri ? ou plutôt, comme nous l'appelions alors, Da Lmouloud ? était content que je travaille sur tamazight, il avait recommandé à la bibliothécaire de mettre à ma disposition tous les documents dont je pouvais avoir besoin. J'allais dans son bureau et nous avions de passionnantes discussions sur tamazight, la situation linguistique de l'Algérie, la néologie? J'avais remarqué, accrochée derrière la porte, une natte.
Da Lmouloud faisait-il la prière ' Je n'osais lui poser la question, mais il avait deviné ma Préoccupation. «ça t'étonnes que je fasse la prière ' demanda-t-il, c'est dans mes habitudes?» Nous avons parlé de religion et je découvris chez cet homme un haut degré de spiritualité, que j'allais découvrir plus tard, en lisant les Poèmes kabyles anciens et surtout Inna-yas cheikh Mohand.
Je voulais lui dédicacer la thèse de troisième cycle, mais ma mère venait de mourir, et c'est à elle que je l'ai dédiée. Je me suis rattrapé, en 2017, en lui dédiant Mon Dictionnaire des mots nouveaux. Aujourd'hui, Mammeri est réhabilité? même par ceux qui, dans les années 1970 le dénigraient, en participant aux hommages qui lui sont rendus. Un hommage que l'Etat et la nation lui rendent, cette année, pour le centième anniversaire de sa naissance.
* Professeur de linguistique
amazighe, écrivain
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 29/12/2017
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : El Watan
Source : www.elwatan.com