Algérie

Témoignage



Témoignage
Patrick, 60 ans, avait vécu à Oran depuis sa tendre enfance avant de partir, définitivement, avec sa famille en France, en 1981. Trente trois ans après, ce français est revenu dans la ville qui l'a vu grandir. Dans ce témoignage, il affirme qu'Oran a tellement changé: Je sors de l'avion et du haut de la passerelle, je respire l'air chaud et sec.Je flaire, je hume, je m'imprègne de cette ambiance familière. Mon corps est traversé par un grand frisson qui le parcourt de haut en bas. Mes cellules s'affolent en reconnaissant cette énergie enfouie au plus profond de mon être. Arrivé à l'aéroport, je découvre un bâtiment de qualité internationale moi, qui en partant, avais le souvenir d'un aéroport vétuste, isolé au milieu d'un plateau poussiéreux. Tout au long du trajet, je constate rapidement qu'Oran se développe à grande vitesse.Partout, des immeubles sont en construction même si certains chantiers semblent à l'arrêt. L'immeuble de la Sonatrach en acier et en verre est impressionnant, le chantier voisin de la mosquée Ibn Ben Badis ne l'est pas moins. L'impression qui se dégage de cette modernité est très favorable même si certains quartiers semblent encore miséreux. J'ai l'impression qu'Oran met un point d'honneur à se hisser au rang des grandes villes parfois au détriment de ses habitants.On soigne la vitrine mais pas le magasin! Rue Elysée Reclus, se trouve l'appartement où j'ai vécu plus de15 ans, 6ème étage sans ascenseur. La porte s'ouvre au troisième coup frappé. La personne surprise par ma demande inattendue me laisse rentrer après une courte hésitation. Dès le corridor, les souvenirs affluent en masse, ma mère, mon père. L'émotion est à son comble devant ma chambre, celle de mon frère, la salle à manger dont le balcon donne sur le square Cayla.Les souvenirs défilent à toute vitesse. Dans la salle de bain, je me souviens des douches prises à 3h du matin quand l'eau était enfin distribuée dans le réseau. La gorge serrée, je remercie la personne et sors de l'appartement. Dans l'escalier, un voisin m'aborde: «Patrick'». Il habite là depuis 50 ans et me reconnait au premier coup d'?il. Il m'invite chez lui: «Ma femme va être folle de joie». En effet, elle m'accueille les larmes aux yeux en me disant «Aïe! Aïe! Aïe! Mon fils, toutes les fessées que je t'ai données». Il est vrai qu'avec mon frère, nous étions les «terreurs» de l'immeuble.Elle évoque ma mère avec sa coquetterie d'Espagnole qui contrastait avec la rigueur de mon père d'origine alsacienne. Je la quitte avec la promesse de venir manger lors de ma prochaine visite. Je redescends avec mon ami, et à ma grande surprise, l'ascenseur fonctionne. Les heures passées bloqués dans l'ascenseur. Plus personne n'osait le prendre. Dans la rue, l'air tiède peine à refroidir mes émotions. A la nuit tombée, la ville s'anime, les Oranais vivaient dans la rue pour profiter de la fraicheur du soir. Juifs, Pieds noirs, Algériens et Espagnols, tout le monde vivait en bonne entente.Le respect mutuel était la base de cette mixité culturelle. Au restaurant, poissons et crevettes grillés me rappellent les journées passées à Aïn Franine entre familles. Jusqu'à 30-40 personnes pour manger la paella, le couscous, le méchoui?. Quand je me plaignais de manger encore des crevettes, mon père me disait: «Mange mon fils, en France tu n'en mangeras plus». Combien il avait raison! Pour lui, le retour en France a été fatal, il décéda après 6 mois d'une profonde dépression. Paix à son âme! Mon séjour s'achève. C'est le départ. Sur la passerelle de l'avion, je respire une dernière fois l'air du pays, de mon pays. Je m'engouffre dans l'avion en me promettant de revenir voir mes frères algériens.




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