Algérie

«Telle une chair tatouée», recueil de poésie d’Alima Abdhat Une sensibilité à fleur de peau



«Telle une chair tatouée», recueil de poésie d’Alima Abdhat Une sensibilité à fleur de peau
Publié le 08.02.2024 dans le Quotidien l’Expression

Cinq chapitres, cinq pérégrinations dans l’âme de la poétesse qui se révèle telle une écorchée vive à ses lecteurs…

«La poésie, c'est ça...Ce qui me touche, me bouleverse, m'interroge. C'est ce plan d'eau lumineux dans lequel je jette, habillé pour rater une goutte...C'est ce miroir intérieur que nous tend le poète, qui reflète nos bobos du dedans, prolonge en échos nos cris d'interrogations, résonne de nos mutismes, nous déchire de nos musellements, dit notre musique et la scansion de nos doutes, nos émerveillements...» écrit Arezki Metref dans la préface du nouveau recueil de poésie de Alima Abdhat, publié chez l'Anep. Enseignante à l'université d'Alger, Alim Abdhat a déjà publié deux recueils de poésie: «Puisque tu es la mer» (2021) et «Colères, qu'êtes-vous devenues?» (2019). Dans son nouveau recueil de poésie intitulé «Telle une chair tatouée» sorti à l'occasion du dernier Salon international du livre d'Alger, Alima Abdhat se livre entièrement à ses lecteurs a travers plusieurs chapitres compartimentés comme suit: «Des lieux», «Mer méditations», «Murmures de mémoire», «Elle et lui» et enfin «Ecumes de plumes».

Déclarations d'amour
Cinq chapitres que la poète a choisis pour dire ses mots (maux) intérieurs entre introspection, fantasmes et délivrance métaphysiques.

«Un mot qui en rencontre un autre, le heurte ou le complète, une image qui se dilue et se dénoue, comme une ceinture de silence trop longtemps portée autour de la taille de la voix, un son et un silence et voila tout le chant du monde, depuis les premiers aèdes, qui se met à vibrer, nous rappelant que l'émotion, l'amour, la tendresse, la colère, le vent, l'eau, l'arbre, ce qui danse dans l'univers, irrigue nos rêves et nos désenchantements, se lève avec le jour et nuit à l'obscurité du tourment, tout cela peut se lover en un seul mot suivi d'un silence....Ils sont là-dedans, dans ce recueil qui ferme la parenthèse de l'interrogation sur ce qu'est la poésie» affirme enfin Arezki Metref, lui-même poète, écrivain et journaliste. Clairement, Alima Abhdat écrit pour dire qu'elle est là, pour affirmer son existence, regarder peut -être dans «le rétroviseur» et célébrer assurément la vie, sa vie et ses ritournelles. «Ecrire c'est dompter les mots, dérégler les horloges, faire et défaire les espaces. Et réinventer le sens des choses.» Note-t-elle au préambule, avant d'ajouter: «J'ai recueilli dans ce déroulé quelques-uns de ces fragments sensoriels dont nous avons tous plein les poches et gros les coeurs. Comme ces rushes abandonnés dans des tiroirs, une fois le film fini. Des instantanés de vie, des photos, jaunies, des pièces tombées d'un vieux puzzle dont on s'est lassé et qui, rendues à elles-mêmes, redeviennent précieuses. Des images destinées au sacrifice des autels de vies formatées et que la poésie se fait justement finalité de sauver. Je vous les livre en cinq séquences». Telles des séquences de films ainsi, Alima Abdhat se remémore ses souvenirs entre joie et mélancolie, que ce soit «dans un parc» ou «sous les arcades», en voyage ou en pérégrinations mémorielles, la poétesse qu'elle est soliloque tout en s'adressant à l'Autre, Alger et les gens qu'elle a aimés.

Au temps qui passe...
Ses mots «dérivent» sur le papier, et se «dénudent» en mots... «Ressac» sur son «clavier qui coule à pic». Le temps semble être un élément crucial dans les poèmes d'Alima Abdhat qui se plait à scruter l'horizon pour faire le deuil d'un passé présent ou d'un désir tu.

L'amour se décline à l'infini. Amour proche ou loin, filial ou amical, ce dernier transpire à travers la plupart de ces poèmes dont certaines semblent être emprunts de regret et d'autres de fête et de jasmin... Le silence a lui aussi son mot à dire Alima Abdhat convoque le singulier mais pour mieux s'adresser à l'autre «moi», l'autre, non sans se départir de son «angoisse des pauses tectoniques».

L'artiste plasticienne des sens, erre dans les méandres de ses réminiscences, tente de se dresser contre ses vagues à l'âme pour pouvoir se débarrasser de ses tourments..Y arrive-t-elle? «Tristesse triangle. Blottie dans l'angle le plus aigu. Il essaye de penser à autre chose....» L'amour comme s'il en pleuvait! Cet amour-là, suinte dans ces poèmes, ruisselants d'ivresse..Ironie du sort, l'indicible invisible trahit la fragilité du coeur meurtri, flirtant avec la danse de l'esprit maudit.

Les poèmes d'Alima Abdhat courent comme un souffle lent sur le rivage, inscrivant un baiser tendre sur le visage du bienaimé, le temps d'un bonheur, haletant, inassouvi, désormais, confié au vent mauvais, de son spleen désarmant, comme une écume qui va et qui vient et sur lequel les rives du temps n'ont plus d'ancrage à l'effacement. Salvateur et dénudant est le poème d'Alima Abdhat qui nous confie une partie de ses pansements qui ne cesseront de la triturer, sans doute, jusqu'à l'éternel, en dépit de ces fantômes de glaciers qui se perdent dans le néant mais qui reviennent lui chuchoter toujours à l'oreille ces mots poétiques, si intenses, rebelles, d'une fécondité telle et si bouleversante, de sanglots et d'alchimie, que l'on redemande encore à lire et encore...

O. HIND



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