Algérie

Tébessa: Chronique d'une journée ordinaire



Il est 6 heures du matin, Tébessa se réveille lentement de sa torpeur, en ce mois d'octobre où il fait encore chaud. Quelques minutes plus tard, les premiers rayons de soleil éclaircissent l'horizon, des passants martèlent le bitume, certains pressés pour rejoindre leurs postes de travail. C'est le moment de siroter son café, des agents de sécurité, les ouvriers des chantiers, les agents de l'entretien de la voirie et puis ces femmes de ménage, au pas lent, alourdies par tant d'années de labeur, elles doivent être les premières avant l'ouverture des administrations. Doucement, la circulation automobile se met en branle, la rue devient de plus en plus dense. En réalité, la ville fonctionne à un rythme rituel, pas de chamboulement, une vie bien cadrée, aux habitudes apprises sur les bouts des doigts, à l'instar d'autres villes de l'intérieur. Tébessa évolue sans trop d'empressement, des gestes faits et refaits, maintes fois, sans que cela change rien, les traditions sont têtues.La cité a grandi dans l'anarchie de l'extension urbaine de nouveaux appendices de constructions illicites. Tébessa se modernise, certes, de nouvelles routes sont ouvertes, des structures administratives de service à chaque coin de rue, les surfaces commerciales pullulent, ça côté jardin. Côté cour, le décor laisse à désirer, beaucoup de laisser-aller en matière de salubrité publique, dégradation des infrastructures et services. Pendant ce temps-là, près du marché des légumes et fruits et ses alentours, c'est aussi le moment de tout mettre dehors, les étals hétéroclites se dévoilent les uns après les autres, les commerçants et revendeurs de tous bords entament leur occupation des espaces, il y a de tout, les produits mis à la vente ne manquent pas, surtout ceux de l'importation, asiatique en particulier. La place de la Victoire transformée pour un temps en une exposition-vente de produits d'artisanat, de la poterie, de la joaillerie traditionnelle, de la pâtisserie maison, dinanderie et broderie, sont autant de facettes du savoir-faire de nos artisans, les terrasses des cafés font le plein, football et politique se déroulent au gré de l'actualité. Tébessa, c'est une région frontalière et les activités commerciales font office d'un semblant d'animation économique, à défaut d'une base industrielle productive et d'investissement créateur de valeur ajoutée, alors on fait dans le négoce et l'échange avec nos voisins de l'Est, beaucoup de Tunisiens parfois des familles toutes entières viennent faire leurs emplettes chez nous, les Algériens font le chemin contraire, dans des voyages de villégiature ou pour des soins médicaux. Des activités commerciales tolérées ou très peu contrôlées exerçant leur fascination sur de nombreux jeunes, sans emploi, où chacun revendique son droit de vendeur. Tébessa, c'est également ces immenses quartiers périphériques, montrés du doigt à tort ou à raison pour leur insécurité, leur anarchie, d'un cadre de vie réduit à sa plus simple expression, Rafana, El Mizab 1 et 2, Bouhamra ou encore Filadj Toub, El Jazira sont des zones d'habitations qui ont poussé, au nez et à la barbe des autorités localités, du temps où le lot de terrain constructible était mesuré à l'aide d'une corde, dans l'obscurité de la nuit puis cédé à bas prix à des intermédiaires du foncier.
Aujourd'hui, il est difficile d'évaluer les dégâts causés aux plans de l'urbanisme, pour lesquels l'Etat a mobilisé des dotations financières importantes pour que les ensembles immobiliers ne prennent pas l'allure de caves à poules, enchevêtrées les unes dans les autres. Tébessa, c'est enfin cette sécheresse culturelle chronique, quelques activités officielles cochées sur un agenda, qui, de temps à autre, s'invitent dans un quotidien morose, des bibliothèques communes construites pour finalement s'endormir dans leur léthargie. Ici, la culture se limite à presque rien, les gens se disent épargnés de la médiocrité, les salles de cinéma, n'en parlons pas, elles font partie du passé, quand la cité grouillait de cinéphiles, des salles noires spécialisées chacune dans un genre de films, hindou, égyptien ou encore de grandes productions hollywoodiennes. Le soleil commence son inclinaison vers l'Ouest. Dans quelques instants, la nuit enveloppe la cité sous un silence pesant; les gens pressent le pas, il est temps de rentrer chez soi, à demain !!


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)