Algérie

Tébessa, aux frontières du possible



Tébessa, aux frontières du possible
On y entre par un arc de triomphe qui est l'une des quatre portes de la ville. Alors en déambulant dans la cité, on ne sait qui a squatté l'espace de l'autre, tant des fragments de ruines romaines forment un intime entrelacs d'avec le béton ou la brique. On eut dit toute une urbanité venue s'édifier sur une cité antique comme un sédiment intrus. Paradoxalement, les vestiges sont bien conservés à l'image du temple de Minerve, du théâtre que se disputent les paternités antiques grecque et romaine, l'enceinte byzantine... hormis bien évidemment des amas de détritus jetés sur la vieille pierre, au pied du rempart qui ceinture la ville. Là, nous sommes dans le double crime : contre l'environnement bien sûr mais surtout contre l'histoire, car il y a une grande désolation à voir les quartiers de Théveste envahis par les bouteilles en plastique et les pots de yaourt. Notre ami Djamel-Eddine nous parle du travail titanesque que fait l'association « Les amis de Tébessa » qui tente vaille que vaille de réhabiliter l'image de cette cité millénaire qui revendique la naissance du cinéma algérien quand les premières images de la révolution firent le tour du monde. Même le fameux festival du cinéma qui venait annuellement animer la ville en recevant d'illustres réalisateurs et acteurs a disparu. Alors question loisirs, c'est plutôt la disette pour cette ville universitaire et les jeunes se rabattent sur les cybercafés, l'équipe fanion, l'UST, ne drainant que quelques incorrigibles supporters, vu qu'elle végète dans les divisions inférieures. Du point de vue économique, la région à vocation agricole, est aussi riche en phosphate. Mais c'est un secret de Polichinelle que d'écrire que la ville est une des plaques tournantes du trafic frontalier eu égard à sa proximité avec la Tunisie. Jadis fournisseuse d'une grande clientèle algérienne qui allait faire ses courses dans le pays voisin, Tébessa est aujourd'hui le réceptacle des Tunisiens qui viennent régulièrement y faire leurs emplettes, par un incroyable effet de retour comme seuls les initiés aux méandres de l'économie savent expliquer. L'ouverture de l'économie algérienne a vite renversé la vapeur et puisque les grandes marques des multinationales sont présentes sur les étals d'ici, on ne fait plus son marché de l'autre côté de la frontière. Djamel-Eddine nous parle d'échanges informels entre les deux pays comme le cheptel algérien très apprécié en Tunisie et la fripe qui se vend bien ici parce que le pays voisin en est le grand fournisseur. Beaucoup de concitoyens viennent à Tébessa pour y acheter les épices qui s'étalent à perte de vue au marché. Des amas de toutes les couleurs avec prédominance du vert, la couleur de la fameuse mloukhia, un délice de cuisine à base d'une poudre verdâtre cuite dans une sauce au b?uf ou au mouton et à déguster avec une galette en mode djouaz. C'est ce que nous avons mangé à midi avec Djamel-Eddine dans un restaurant qui ne paye pas de mine mais qui fait des mets délicieux et surtout des brochettes d'agneau succulentes. Nous prenons le café dans une terrasse au milieu des ruines romaines et le garçon fait son service, déambulant indifférent dans vingt siècles d'histoire. Nous, nous déambulons dans le centre-ville qu'une équipe d'éboueurs tente de maintenir propre. La ville est spacieuse et ses avenues sont accueillantes. Avec un peu d'efforts, elle pourrait devenir un pôle touristique incontournable. Avec ses nombreux sites de ruines romaines, son climat, ses thermes, ses sources... mais à l'instar des autres pôles touristiques, Tébessa manque cruellement d'infrastructures d'accueil et le visiteur n'a d'autre choix que de jeter l'ancre dans l'hôtel de la ville, El Emir, propret et tranquille. Djamel-Eddine nous invite chez lui où sa mère a préparé un couscous à la viande d'agneau et aux cardes. Grosse région d'élevage, Tébessa s'enorgueillit d'abriter l'un des meilleurs moutons du pays dont la ville de Chréa (homonyme de celle de Blida) est l'incontournable réservoir. Rien de tel qu'un thé à la menthe pour digérer le couscous. Notre hôte habite une vieille maison et il nous a mis la literie dans une chambre où brûle un magnifique feu de bois. J'ai l'impression de revivre des moments lointains de l'enfance, quand la cheminée faisait office de chauffage, avant ce satané gaz et ses appareils contrefaits qui tuent. On s'endort bercés par le crépitement du bois qui se consume dans l'âtre. Djamel-Eddine a promis de nous emmener à Youks, la ville aux eaux bienfaitrices.




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