Le président de la République a donné hier plusieurs garanties aux hommes d'affaires pour les encourager à investir dans les secteurs productifs et convertir la tendance de la rente pétrolière en exportations hors hydrocarbures.La plus importante de ces garanties est une enveloppe de 1.900 milliards de dinars que les banques peuvent donner «d'ici à la fin de l'année» aux investisseurs sous forme de crédits. «On peut aussi réserver à l'investissement 10 à 12 milliards de dollars des 57 milliards de dollars de réserves de change qu'on a, selon le prix actuel du baril de pétrole qui est au-delà de 40 dollars, on aura 24 milliards de dollars de rentrées pétrolières qu'on pourra rajouter à nos réserves de change», a affirmé hier le président de la République à l'ouverture de «la conférence nationale sur le plan de relance pour une économie nouvelle» au Centre internationale des conférences Abdelatif Rahal de Club des pins. En fait, aucun plan de relance n'a été présenté. Il était question de faire animer des ateliers par des responsables, gestionnaires et experts autour «des orientations et décisions économiques données par le président de la République lors des différentes réunions et Conseils des ministres» et «du volet économique du plan d'action du gouvernement».
Hier après-midi et aujourd'hui, 11 ateliers devaient plancher sur «la sortie de crise du Covid-19, les opportunités d'investissement dans le cadre de la restructuration de l'économie mondiale, gouvernance des affaires publiques». Des recommandations sont attendues aujourd'hui sur «le développement agricole, industriel, minier, ressources énergétiques, financement, investissement, micro-entreprise et start-up, secteurs de soutiens, commerce extérieur, industrie pharmaceutique, filière BTPH». Curieusement, seul le tourisme n'a pas été retenu dans cette liste. Des experts algériens devaient intervenir par visioconférence des Etats-Unis, du Canada et de France. Le 1erministère clôturera la conférence aujourd'hui par un discours qu'il prononcera en début de matinée.
«Avec 44 dollars le baril de pétrole, on est gagnant»
Abdelmadjid Tebboune a discouru hier pendant plus d'une heure devant les membres du gouvernement, les responsables des institutions de l'Etat, civiles et militaires, les hauts fonctionnaires de l'Etat, un nombre important de chefs d'entreprises et de gestionnaires, les organisations patronales, les syndicalistes, les spécialistes et experts des questions économiques et sociales.
«Le budget national est étudié sur la base de 30 dollars alors que le pétrole est à 44 dollars, on est gagnant», a rassuré le chef de l'Etat. Et, a-t-il affirmé, «c'est pour cela que je refuse totalement le FMI ni l'endettement auprès de pays amis ou autres». Il estime qu' «il faut qu'on s'attelle à l'économie malgré cette conjoncture exceptionnelle marquée par la crise sanitaire que nous combattons à tous les niveaux, et la chute du prix du pétrole». Il explique que «cette rencontre vise à identifier les moyens de la relance, on tient à ce que l'économie nouvelle profite à tous les Algériens à l'ombre d'un Etat qui garantit à tous les chances de l'emploi». Il affirme que « la rente tue l'initiative, il faut tirer les leçons pour s'en départir dans les 10 années à venir». D'une dépendance des hydrocarbures de 98%, Tebboune veut que l'Algérie la réduise à 80%. «Il faut qu'en 2020-2021, on exporte pour 5 milliards de dollars de produits hors hydrocarbures au lieu des 2 milliards que nous faisons aujourd'hui». Il persuade que «nous avons beaucoup de richesses hors hydrocarbures, on doit tous nous mobiliser pour le faire».
Il souligne que «les prix du pétrole ne sont pas entre nos mains, un ou deux ont décidé de les réduire, on s'est retrouvé dans une crise parce que notre économie est déstructurée». Il n'est plus question pour lui que «l'économie hors hydrocarbures reste un slogan, on doit la construire, on peut nous prendre en charge par nous-mêmes, mais il faut qu'on soit franc entre nous». Il rend hommage à «cette entreprise qui produit des cosmétiques et les exporte vers l'Afrique, c'est toujours ça, l'Etat est prêt à débloquer une part de devises pour ce genre d'exportation parce qu'elle est hors hydrocarbures». Il promet aux investisseurs: «Il y aura un couloir vert» et leur recommande «le marché africain, ce qui exige de vous une nouvelle organisation des services (transports, banques, représentations commerciales, CACI...». Pour lui, «il est inadmissible qu'il n'y ait pas de banques algériennes en Afrique». Il fera alors part de son exigence de «réviser le système bancaire parce qu'on a des guichets publics, on n'a pas de banques».
Tebboune veut des compagnies aériennes privées
Le président appelle aussi les investisseurs à lancer de nouvelles compagnies de transports en disant «je n'ai aucune interdiction pour de nouvelles compagnies aériennes». Ses consignes sont, dit-il, «pour réduire la facture des services à l'étranger, nous avons 12,5 milliards de dollars qui sont payés chaque année pour les services (études, logistique, surestaries...), dont 4,5 milliards de dollars pour le transport, ce n'est pas normal». Il est convaincu que « tant que les bénéfices sont pour l'homme d'affaires et les pertes pour le Trésor public, on ne changera pas, il faut qu'on passe à la diplomatie économique, il faut qu'il y ait des antennes des chambres de commerce et de la logistique dans les ambassades, ce sont des conditions minimes pour l'exportation». Il condamne «ceux qui importent des agrumes pour produire du jus et en vendent une partie sur les marchés, importent les fruits alors qu'ils sont produits chez nous(...), c'était la course derrière le gain au détriment de l'économie nationale, ça a changé, il faut savoir que l'agriculture produit beaucoup, si on est sorti de la tempête c'est grâce aux agriculteurs, pour la première fois, on a pour 25 milliards de dollars de production agricole, on peut en outre produire pour 400 millions de dollars dans l'industrie pharmaceutique et on peut arriver à un milliard de dollars en 2021».
Mais, déplore-t-il, «nous n'avons pas d'industries de transformation (....), c'est un suicide économique que de produire de la pomme de terre et d'importer les chips, personne n'a ouvert une usine de transformation pour en faire de la purée alors que tout le monde en a besoin, militaires, étudiants..., normal que personne n'y pense parce que l'industrie de la transformation est difficile et l'importation est facile, le titre c'est la surfacturation ». Il rappelle que «quand j'étais ministre du Commerce, on importait pour 750 millions de dollars de moutarde, mayonnaise, sauces, aujourd'hui on a des jeunes de l'ANSEJ qui en produisent(...)». Il note que «pour simplifier les choses, la LFC 2020 a autorisé l'importation d'usines clé ou produit en main pour transformer les produits nationaux». Il pense qu' «il est impératif de transformer le caractère social de l'ANSEJ par celui économique». Il rassure les hommes d'affaires«vous êtes protégés, personne ne criminalisera ce que vous entreprendrez, on sait que l'acte commercial peut avoir des erreurs mais on va dépénaliser les actes dans plusieurs domaines, sauf la corruption et le blanchiment d'argent».
«L'économie nationale est à 80% privée»
Tebboune rappelle aux investisseurs qu'ils bénéficient de réduction d'impôts «c'est dans la LF 2020, vous avez une réduction de 50.000 DA pour chaque jeune recruté dans un emploi stable, on peut s'entendre, on doit aller vers une économie créatrice de richesses et d'emplois, pour cela, le CNES, les agences nationales, les institutions de l'Etat doivent jouer leur rôle». Il évoque les mines où, dit-il, «l'investissement exige beaucoup d'argent, des technologies modernes et un partenariat étranger, mais on peut les exploiter par des investissements nationaux, personnellement, j'encourage à ce que le partenaire dans l'exploitation de Ghar Djbilet soit algérien, on n'interdit pas le privé, je le préfère à l'étranger» et, répète-t-il, «les banques peuvent vous prêter de l'argent, elles mettent 1.900 milliards DA à votre disposition d'ici à la fin 2020». Tebboune appelle les hommes d'affaires à créer « des PME, PMI, des micro-entreprises et des startups» et affirme «c'est ça notre orientation économique». Parce qu'il estime que «les grands investissements qui utilisent les matières premières importées sont aliénants, ils nous ligotent à l'étranger».
Il veut en outre que « l'intégration économique soit le 1er pas pour construire une véritable économie parce que la nôtre est sous-développée, c'est une économie désarticulée, il n'y a pas de complémentarité entre les secteurs, tout est importé». Economie qu'il affirme être «depuis l'ouverture, à 80% privée mais fonctionne avec 85% de crédits publics qui ne génèrent pas de richesses». En précisant qu'il ne dissocie pas entre «public et privé», Tebboune veut que l'investisseur réponde « à trois critères, la sincérité, sa participation à l'économie nationale avec une intégration de 40 à 50%, pour que ça devienne un produit national». Il encourage la sous-traitance «pour créer de l'emploi». Il s'étonne que «nous avons 250.000 diplômés qui sortent chaque année de l'université mais on ne fabrique aucun produit électroménager (séchoir et autres), les universités sont autorisées à faire des études pour les projets d'investissements, elles gagnent !»
«On n'est pas à genoux !»
Il récuse le fait que «l'Algérie a une facture d'importation de 60 milliards de dollars alors qu'on peut la réduire à 6, 7 ou 8, on peut réduire la facture des services de maintenance de Sonatrach qui atteint 7 à 8 milliards de dollars par an». Il veut que « la numérisation devienne effective, elle n'existe pas, on l'évite dans beaucoup de domaines pour garder l'opacité, les impôts ne sont pas numérisés, la numérisation n'existe pas dans tout le secteur bancaire, 7 inspections des domaines d'Alger ne sont pas numérisées, il faut réformer les banques, le fisc, les impôts ne doivent plus être une sanction mais un moyen incitatif». Il fait part de l'«interdiction formelle d'importer un litre de gasoil ou un litre d'essence à partir de 2021». Il veut que «le code du commerce soit obligatoirement révisé» et dit aux investisseurs, «on va dépénaliser beaucoup de nos transactions, vos relations avec les banques vont passer dans le code du commerce, la justice va multiplier les tribunaux commerciaux où vous serez représentés. Et au pas de charge ! ». Pour rassurer davantage les hommes d'affaires, le président affirme que «la situation financière du pays est difficile mais pas meurtrière, on peut tenir en attendant vos investissements, on n'est pas à genoux, c'est dans la tête qu'on a des blocages, il faut jouer franc jeu, j'ai totalement confiance en vous ».Le président de la République conclut sa longue intervention en faisant savoir que « je vais donner instruction aux services de sécurité de ne plus prendre en considération les lettres anonymes, la seule destination de ces lettres c'est le broyeur(...), tout le monde est innocent jusqu'à preuve du contraire ».
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Posté Le : 19/08/2020
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Ghania Oukazi
Source : www.lequotidien-oran.com