Algérie

Tasset ou le village du bout du monde



Tasset ou le village du bout du monde
A l'entrée, la hutte de l'Office du Parc national de Tassili (OPNT), est érigée comme pour souhaiter la bienvenue aux visiteurs qui viennent découvrir ces lieux féeriques. Les chameaux blancs errant dans ce vaste espace, le sable noir et les plantes aux couleurs jaunâtres en raison d'une sécheresse menaçante, sont les éléments plantant le décor à l'entrée de ce village. Ici, les habitations de fortune sont distantes les unes des autres de plusieurs kilomètres. Construites en partie avec de la pierre locale, des troncs d'arbres et de plantes, ces petites « zribettes » sont les demeures des habitants. Ils sont plus de 600 personnes à occuper ce site qui ne dispose d'aucune infrastructure pouvant répondre à leurs besoins. La disponibilité de l'eau reste le v?u de tous. Les habitants de Tasset sont obligés de faire d'énormes restrictions dans l'utilisation du précieux et rarissime liquide. Voir l'eau couler à flots dépasse le v?u ou le souhait, c'est un rêve. « Je rêve de voir un orage accompagné d'une forte tempête avec beaucoup de pluie. Cela fait plus de deux ans qu'il n'a pas plu ici et les conséquences sont fâcheuses », rappelle un villageois le regard braqué vers le ciel à la recherche d'un éventuel nuage. Le camion-citerne octroyé autrefois par la commune de Bordj El Houas n'est plus en mesure d'étancher la soif des habitants en raison de pannes répétitives et l'éloignement des sources d'eau. « La solution idoine est de réaliser un forage ici même. Cela évitera les va-et-vient du camion et ça nous permettra aussi de développer une petite activité agricole locale », espèrent les habitants. Si les hommes n'attachent pas beaucoup d'importance aux maisons qu'ils occupent, les femmes ont un avis contraire. « Nos maisons sont fragiles et ne constituent nullement des abris solides en cas de déluge. Si on peut avoir une aide de l'Etat pour réaliser des logements en dur, notre vie sera certainement meilleure », soulignent certaines femmes. Ici tout manque. Le réseau téléphonique est inexistant. Il n'y a pas de centre de santé. Les femmes accouchent en plein air sans assistance médicale. Elles ne comptent que sur Dieu et l'aide de vieilles qui s'y mettent volontiers pour les aider, car il faut deux jours pour arriver à l'hôpital le plus proche alors qu'il n'y a pas d'ambulance pour les évacuations. Dans une « zriba », un malade est sous des couvertures épaisses. Il est incapable de bouger en raison de douleurs aux mains et aux pieds. « Il est alité depuis quinze jours. On attend l'arrivée de l'ambulance pour l'évacuer. Ici, personne n'est capable de le soigner », affirment les membres de sa famille. Prévu depuis les années 1980, le projet de la route reliant Tasset-Afra-Tamadjert n'a toujours pas vu le jour. C'est valable aussi pour la route reliant Tasset à celle d'Illizi, qui n'a jamais été réalisée. Le manque de transport dans cette région constitue une autre contrainte. Eleveurs par vocation, ces habitants vivent essentiellement de lait et de leur bétail qu'ils vendent pour l'achat de denrées alimentaires. Les aides octroyées par l'Etat en blé notamment, sont très attendues chaque année, car la commune se contente de distribuer le couffin de ramadan.Trois chalets vétustes en guise d'écoleL'école de Tasset est constituée de trois chalets en préfabriqué. Trois baraques forment des classes où sont scolarisés les élèves jusqu'à la 4e année primaire. Trois enseignants venus d'Adrar et d'In Salah et un jeune suppléant de Skikda sont chargés d'inculquer le savoir à ces bambins. L'école est opérationnelle depuis quatre années, mais son état se dégrade de jour en jour. Les chalets présentent des signes de vétusté. « Il y a en moyenne 18 élèves par classe de la première à la 4e années », affirme ce suppléant arrivé depuis un mois dans ce village. Mais les trois chalets ne suffisent pas pour accueillir les élèves de la cinquième année primaire, ce qui présente déjà un risque pour l'avenir scolaire de ces enfants. L'établissement manque d'entretien. Cette tâche est nécessaire pour refaire l'installation électrique, les tableaux, les chaises, les conduites d'eau et autres. « Ici, la chaleur est déjà insupportable dès le mois d'avril tout comme le froid en hiver. Comme nous, les élèves souffrent en cette saison faute de chauffage et de climatisation. Le groupe électrogène, par manque d'entretien, est à l'arrêt depuis longtemps, tout comme ce panneau à l'énergie solaire », témoigne l'enseignant venu d'Adrar Le manque de transport scolaire est l'autre handicap pour certains élèves habitant à quatre km de l'école. « Le régime de la double vacation est en vigueur ici, ce qui fait que les élèves quittent l'école à 17 heures. Les laisser rentrer seuls nous préoccupe vu les dangers sur la route comme la présence d'insectes dangereux et de serpents », ajoute-t-il.Difficultés d'enseignerComme un peu partout dans le Sud du pays, les cours de langue française ne sont pas dispensés dans cette école. « Les élèves ne parlent que le targui. Ils ont des difficultés à apprendre l'arabe, langue officielle du programme national de l'éducation nationale. Nous déployons d'énormes efforts pour leur faire apprendre la langue. Parfois, ces efforts sont vains. C'est vraiment très difficile pour eux et pour nous aussi », indique un autre enseignant. Les enseignants vivent dans des chalets et préparent eux-mêmes leurs repas quand ils ne sont pas invités par les familles du village.Ils ont, également, évoqué le problème de manque d'eau et du groupe électrogène pour faire fonctionner cette école « ambulante ». Sur ce modeste lieu de savoir, d'énormes espoirs sont placés. « Je souhaite que mes enfants aillent loin dans leurs études et réussissent », dira cette mère de famille. Erigée par une association de Ghardaïa, la mosquée du village est très bien entretenue. Construit en dur, le lieu est propre et bien aménagé. Il est aussi utilisé pour enseigner les versets coraniques aux petits. Les multiples contraintes n'empêchent pas les populations de continuer à vivre. Pendant notre passage, les habitants préparaient la fête de mariage de quatre couples. Alors que les hommes assuraient la préparation de la scène au milieu du site, les femmes préparaient les repas et accueillaient les invités dont certains sont venus de Libye.




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