Algérie - Sidi Mhamed

Tassaft et Djebel Thameur, cinquante ans déjà




Tassaft Ouguemoun et Djebel Thameur cinquante ans déjà.
par Farouk Zahi


La cérémonie commémorative du cinquantième anniversaire de la mort au combat des colonels Ahmed Benaberrazak Hamouda dit Si El Haouès, de Amirouche Ait Hamouda, du commandant Larbi Baarir, du capitaine Ramdane Assouni qui a pris le maquis bien avant le déclenchement de la révolution dans les Aurès et djounoud dont certains faits prisonniers parmi eux le commandant Amor Driss grièvement blessé, a eu lieu le 29 mars 2009 au Djebel Thameur dans la commune de Ain Si M’Hamed des Ouled Sidi Ziane à 70 kms au sud de Bou Saada. Ils étaient près d’un millier de personnes dont beaucoup de jeunes, à se rassembler en ce jour ensoleillé de printemps où une brise cinglante agitait bruyamment les étendarts et les oripeaux de circonstance. Les compagnons d’armes d’hier venus de la Soummam, des Aurès, des Zibans, des monts des Ouled Nail se congratulaient, les corps voûtés, les visages décolorés par l’émotion ont tenu a marqué par leur présence, tout le respect qu’ils témoignent toujours à ces hommes qui ont consenti le sacrifice suprême pour que vive l’Algérie libre. Des bus venus de la lointaine Soummam ont ramené, non seulement les anciens maquisards, mais des jeunes dont des scouts. Ils faisaient par ce geste la jonction entre les deux générations, celle qui a payé le prix fort et celle qui jouit des biens faits de l’indépendance : la santé, l’éducation, l’habitat et enfin la dignité d’une citoyenneté, certes encore insuffisante, mais irrémédiablement acquise. La cérémonie à laquelle participaient le Ministre de l’Agriculture et du Développement Rural, la symbolique est très forte dans le contexte, les gens qui avaient pris le maquis étaient pour la plupart des paysans sans terre, le Secrétaire Général de l’ONM et les autorités civiles et militaires de la wilaya de M’Sila, se voulait être un jalon supplémentaire à la réhabilitation de l’unité identitaire nationale que d’aucuns tentent vainement de mettre à mal. Un candidat à l’élection présidentielle qui animait un meeting en Kabylie a évoqué maladroitement le sacrifice de Si Amirouche en disant ceci : « Le colonel Amirouche, n’est pas mort à Boghni, ni Ain El Hamam…il est mort à Bou Saada pour l’Algérie ! ». Juste vérité, mais il aurait pu ajouter que Si El Haouès est mort loin de M’Chounèche, tout antant que Si Larbi Baarir de Tolga et bien d’autres ! A l’adresse des jeunes le commandant Amor Sakhri, membre de l’encadrement supérieur de la wilaya VI historique, prenait longuement la parole pour restituer, les événement qui ont précédé ce fatidique 29 mars 1959 et le combat inégal entre les forces armées coloniales et la quarantaine d’éléments ALN conduits par Amor Driss. Les illustres colonels et leur escorte étaient placés sous sa protection. Après la platitude d’une plaine en ce printemps verdoyant, sur la route Ain Melh -Ain Farès, une bifurcation sur moins de deux kilomètres abouti au mausolée de la fameuse bataille. Djebil, (diminutif de Djebel) Thameur est constitué d’une falaise abrupte encaissée dans un vallon flanqué de part et d’autre de deux collines rocheuses. Dramatiquement nu, il fait partie des piémonts de la chaîne montagneuse de N’Sinissa de l’Atlas saharien. Stratégiquement parlant, ce lieu ne pouvait présenter que des périls mortels. Selon le commandant Amor Sakhri, les motivations de ce déplacement en Tunisie faisaient suite à la réunion des quatre colonels qui s’était tenue en wilaya II. Elle regroupait outre Lamine khène, adjoint du colonel Kafi absent ce jour là, les colonels Si Lakhadar, Si Bougara, Si El Haouès et Si Amirouche. Ces deux derniers devaient rapporter les préoccupations de l’intérieur aux dirigeants de l’extérieur. Si el Haouès et Si Amirouche qui se connaissaient depuis décembre 1956, allaient effectuer pour la troisième fois le voyage en Tunisie. Le trajet initial était prévu par les monts du Ziban en zone IV, mais une information parvenue de Ménaa au cœur des Aurès faisait état d’une concentration de forces coloniales le long de la frontière planifiée pour intercepter les émissaires. A l’effet déjouer le piège tendu, les deux colonels ont opté pour la zone III pour prendre la route du sud par El Oued et c’est pour cette raison que le trajet en trois étapes n’a été fait qu’en une seule, à marche forcée. Ceci a pris de cours le bataillon du commandant Si Mohamed Ghenter basé au Djebel Zerga à près de 50 kilomètres et les troupes de l’orateur basées au Djebel Messaad.

La rencontre des escortes des deux colonels avec les forces coloniales était fortuite. Le convoi militaire qui se dirigeait vers Logssayate au nord de Ouled Djellal, apercevait au lever du jour, l’arrière garde des éléments de l’ALN dont le gros s’était déjà engouffré dans le vallon. Amor Driss et ses hommes ont juste eu le temps de prendre position pour une action défensive. L’aviation basée à Oued Chair ( Mohamed Boudiaf)à une trentaine de kilomètres entrait en action. Les assiégés en abattaient un dans les premiers moments de la bataille, mais les autres forces combinées blindés et infanterie (2500 hommes) en surnombre vinrent vite à bout de la résistance forcenée opposée à l’ennemi. Les deux colonels ont usé de leur arme de poing. C’est grâce au premier captif que le commandement français apprenait qu’il s’agissait des chefs des wilayas III et VI ; la radio nasillarde annonçait alors la prise d’un « gros gibier ». Ce n’est qu’en fin de matinée que le bruit tonitruant des bombardements intensifs s’est tu et que la mort a rendu son silence au vallon de Djebel Thameur. Les katibas venus au secours de leurs chefs n’ont pu constaté que de loin le martyre de leurs compagnons d’infortune. Le commandant Amor Driss capturé blessé, était honteusement assassiné quelque temps plus tard. Dans le petit musée jouxtant le sanctuaire, des douilles d’armes lourdes, des fragments de bombe et 20 extraits de décès d’anonymes datés du 28 mars 1959. Mohamed Salah Benmadani qui a vécu de loin la bataille : « le 226è Bataillon de l’Atlas Saharien est une création de la politique Gaullienne qui préméditait la séparation du Sahara du nord du pays. La première bombe atomique de Reggane aurait été transporté dans un avion qui a stationné pendant une dizaine de jours sur la piste de Oued Chair. (Bordj de l’Agha) Le lieutenant colonel commandant du « 226é » d’origine aristocratique pratiquait l’équitation à ses moments perdus. Son unité combattante était le point de chute des objecteurs de consciences et des insoumis du contingent ». Il s’agissait en fait du 228è Bataillon d’infanterie transformé le 1er novembre 1956 en 584è Bataillon du Train selon le livre « RAS » écrit par Jean Pouget son premier commandant en chef. Ancien parachutiste d’Indochine, il commandait le bataillon « le plus pouilleux » de l’armée française en Algérie.


Alger le 30 mars 2009







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