C'est l'extrême exception qui confirme la règle de la domination masculine sur le pouvoir, surtout local. L'élection de Tassadit Aït Abdellah à la tête de la mairie d'Ath Ouacif est un fait rare dans les annales politiques. En tout cas, c'est une première dans la wilaya de Tizi Ouzou. À 40 ans, elle se dit prête à relever le défi de gouverner autrement, d'autant qu'elle jouit de la confiance de la population d'une commune qui manque presque de tout.Elle est l'une des très rares femmes élues mairesses à la faveur des récentes élections locales. Installée officiellement à son poste, jeudi dernier, Tassadit Aït Abdellah trône désormais sur le siège de la commune d'Ath Ouacif et présidera aux destinées de cette localité située au pied du Djurdjura pour un mandat de cinq ans. En plus d'avoir obtenu une victoire écrasante, elle a réussi une première dans les annales politiques locales. C'est la première femme à la tête d'une mairie dans la wilaya de Tizi Ouzou. Un fait rare dans tout le pays, rompant ainsi cette règle non écrite qui consiste à n'élire que des hommes. Il s'agit là d'une avancée, certes symbolique, pour la femme algérienne qui, dans une société patriarcale par excellence, a été longtemps reléguée aux derniers rôles dans l'exercice politique.
Tassadit Aït Abdellah qui a fêté son quarantième anniversaire, il y a seulement quelques jours, occupe, alors, un fauteuil jusque-là réservé aux seuls hommes. Un fauteuil que cette dame, native du village de Zaknoune, compte honorer loin des considérations du genre. Seul l'intérêt de la population guide, désormais, ses pas. Dans son bureau, situé au deuxième étage de l'APC des Ouacifs, une structure en pierre implantée au chef-lieu communal, face au mont Thalettat, aussi appelé la "Main du juif", qui domine toute cette région de 8 villages et de plus de 10 000 habitants. Consciente du défi qui l'attend dans cette localité de haute montagne, de surcroît manquant de tout, Mme Aït Abdellah était déjà dans le vif de son activité d'élue à notre arrivée. "Nous n'avons pas de temps à perdre. Le chantier est immense. Nous attendons juste l'installation du reste des membres de l'assemblée, qui va intervenir dans trois à quatre jours, pour commencer à mettre à exécution notre plan d'action. En attendant, je reçois les doléances des citoyens qui viennent frapper à ma porte", nous a-t-elle d'emblée expliqué, avant de revenir sur son parcours dans l'assemblée. Une épopée qui a commencé en 2012. "Je suis née et je vis ici, à Ouacif, où j'ai travaillé comme assistante en informatique à l'APC avant d'être élue, une première fois, vice-présidente d'APC durant la mandature de 2012-2017, puis élue membre entre 2017-2021, avant de me retrouver à la tête de ma commune", a-t-elle raconté, rappelant que la liste indépendante sur laquelle elle a été élue, à savoir "El Amel Ouacif", a obtenu 8 sièges sur 15.
Pour notre interlocutrice, une femme à la tête d'une APC est, certes, un événement, et non des moindres, car il s'agit d'une grande première à Tizi Ouzou, mais cela reste aussi une lourde responsabilité, avec de grands défis pour elle. Des défis qui ne sont en rien différents de ceux qui attendent ses camarades hommes des autres assemblées du territoire national. "J'espère pouvoir surmonter les difficultés et honorer la population qui a voté pour moi", s'est-elle engagée, esquissant un sourire qui en dit long sur la confiance qu'elle a en elle. Son arrivée au pouvoir local est favorablement accueillie par les habitants. Normal, la majorité des électeurs lui ont exprimé cette confiance dans les urnes. Contrairement aux idées reçues, l'élection d'une femme à la tête d'une APC a été favorablement accueillie par la population de la région. "À commencer par mes collègues qui m'ont soutenue et aidée, puis la population qui a voté pour moi, mon élection à la tête de l'APC de Ouacif a suscité beaucoup de réactions favorables et une grande sympathie des gens", s'est-elle réjouie.
Engagement
L'accession de cette femme au pouvoir local est loin d'être une surprise, encore moins le fait du hasard. C'est l'aboutissement d'un long parcours militant qui l'a conduit à siéger durant deux mandats au sein de l'Assemblée communale d'Ath Ouacif. De 2012 à 2017, elle a occupé le poste de vice-présidente. "C'était en 2012, date à laquelle je me suis présentée sur une liste indépendante dénommée Espoir. À l'époque, nous n'avions pas eu la majorité, alors nous avons fait alliance avec le FFS. J'étais vice-présidente. Après cette expérience, je me suis familiarisée avec cet environnement, car j'aime le contact avec les gens", s'est-elle rappelée.
S'impliquer en politique était presque comme une vocation, une passion pour servir les citoyens, mais elle a toujours privilégié son indépendance à "l'enfermement" dans un parti politique.
"Je me suis toujours présentée comme candidate indépendante, ce qui est un choix. Je ne veux pas de couleur politique, et ce, pour la simple raison que je veux servir ma localité et mes citoyens. Je ne cherche pas un statut pour moi, mais je souhaite juste faire avancer les choses dans ma localité, déshéritée", dira-t-elle à ce propos.
Evoquant la présence des femmes dans des assemblées populaires, la nouvelle édile a estimé que cette frange a toujours eu la place qu'il faut et qu'elle s'est toujours impliquée dans la société. "Pour preuve, je suis P/APC", glisse-t-elle non sans ironie. Il faut dire que si en effet, il n'y a pas beaucoup de femmes intronisées à la tête des assemblées élues, il y a en revanche beaucoup de femmes élues. "Personnellement, je suis à l'APC de Ouacif depuis 2012 et j'ai toujours pris des décisions et des engagements lorsqu'il s'est agi de mes prérogatives. J'ai exercé mon travail le plus normalement du monde.
Dans notre assemblée, à Ouacif, la femme a grandement sa place", a-t-elle insisté avant d'évoquer ses projets notamment, des projets pour sa commune. "Nous souhaitons des projets structurants pour notre région et non des petits projets habituels, qui se limitent à des projets d'assainissement ou à l'éclairage public. Ouacif à plutôt besoin de projets importants tel qu'un hôpital, déjà inscrit, mais qui n'a pas encore vu le jour. L'étude est faite mais le projet s'est évanoui", a regretté Mme Aït Abdellah avant d'énumérer d'autres projets sur lesquels elle axera ses efforts notamment dans les volets jeunesse et sport, logement, amélioration urbaine et tourisme. "La gestion de notre APC reste un défi car nous sommes en train de tout reconstruire dans chaque secteur.
Nous avons hérité d'une situation peu satisfaisante. Dès l'installation définitive de notre assemblée, nous allons passer à l'action", a affirmé Mme Aït Abdellah qui, à l'occasion, a tenu à passer un message aux femmes qui souhaitent s'engager dans la vie de leur collectivité. "Rien n'est difficile, il faut juste avoir la volonté et le courage d'agir. Il suffit aussi d'avoir des idées claires et la force d'affronter certaines situations. Il faut encore avoir la sagesse d'affronter les moments difficiles", a-t-elle évalué.
Au-delà des projets à réaliser, Tassadit Aït Abdellah juge également nécessaire de structurer les villages à Ouacif. "Il est primordial de structurer nos villages et les doter de comités afin de renouer la relation entre le citoyen et l'autorité et pour mieux gérer les affaires de la commune", a-t-elle expliqué. Une structuration qui permettra également un meilleur exercice de la démocratie participative dans laquelle la femme aura sa place au même titre que l'homme, souhaite-t-elle.
K. Tighilt
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Posté Le : 13/12/2021
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Kouceila TIGHILT
Source : www.liberte-algerie.com