Tartuffe, du Théâtre régional de Constantine, a été présentée dimanche soir au Théâtre national Mahieddine Bachetarzi, à la faveur du 5e Festival national du théâtre professionnel (FNTP), dont la clôture est prévue pour le 7 juin.
La reliogisté tactique est un signe des temps modernes. Cette forme sophistiquée de l'imposture avait été mise en avant par Jean-Baptiste Molière, il y a plus de trois siècles dans sa comédie Tartuffe. Mais comme les humains n'ont pas changé depuis 1664, date de la première présentation de la pièce, les adaptations n'ont jamais cessé. Dimanche soir, le Théâtre régional de Constantine (TRC) a présenté sa version de Tartuffe, traduite par Saïd Boulmerka et mise en scène par Mohamed Tayeb Dehimi. Des dialogues en dialecte constantinois tout en rimes, sans doute pour respecter la force poétique du texte du dramaturge français.La mise en scène est classique, au décor statique et une lumière presque mécanique. La musique est peu sollicitée, laissant place au jeu presque continu des comédiens. Mais, parfois la musique a manqué pour accentuer la trame dramatique. Tout se passe dans une maison style mi-mauresque, mi-andalou, mi- maghrébin, la demeure d'Orgon, joué par Allaoua Zermani, qui accueille chez lui Tartuffe, interprété par Ahcène Benaziz, est fasciné par sa dévotion.Son père, Monsieur Parnelle, incarné par Hocine Boulekhrouf, personnage inventé puisqu'il remplace celui de Madame Parnelle de la pièce originale de Molière, est, lui aussi, ébloui par la croyance de Tartuffe. Malgré les protestations d'Elmire, jouée par Samia Tebbouche, épouse d'Orgon, Damis, son fils, interprété par Islem Boukrousif et sa fille, Marianne, incarnée par Karima Hamdi, Orgon persiste à croire à la sincérité de Tartuffe et à sa fidélité à Dieu. Il veut même que Marianne épouse le faux dévot.Dorine, campée par Chahinaz Negouache, servante au franc-parler cherche à l'en dissuader. Rien à faire. Orgon est entêté, excessif, ne peut pas douter d'un homme aussi « vertueux » (le mariage forcé des filles était en vogue dans l'Europe du XVIIe siècle). « Voyons, il passe son temps à prier ! », crie-t-il à la face de Cléante, joué par Zoubir Izzam, son beau-frère qui tente de lui ouvrir les yeux sur la duperie. Orgon est tellement obnubilé par Tartuffe, qu'il décide de lui léguer ses biens. Il a fallu un petit stratagème d'Elmire pour que Tartuffe tombe dans le piège, aveuglé par son attirance charnelle vers la maîtresse de maison. « Ce n'est pas pécher que pécher en silence », dit-il à Elmire. Orgon va lui aussi tomber dans le traquenard de Tartuffe.L'hypocrisie sera enfin découverte. « Sors de ma maison ya el rkhiss ! », lance-t-il. « Ta maison, tu veux rire. Tu as oublié que j'ai tout hérité », réplique le pique-assiette. Orgon ne veut plus croire aux gens de religion. « Ce n'est pas parce qu'il y a des hypocrites qu'on doit haïr la religion », fait remarquer Cléante. Il y a dans la pièce du TRC des passages qui renvoient à une certaine moralité. A l'origine, Molière entendait, à travers Tartuffe, dénoncer l'hypocrisie de la société d'alors. La religion n'était qu'un accessoire, pas une thématique centrale. En dépit de cela, les catholiques de la Compagnie du Saint-sacrement, qui étaient ciblés par l''uvre de Molière, avaient réussi à censurer la pièce. Le dramaturge était obligé de « revoir » son texte original pour le faire accepter par la cour royale.« Le sujet de l'hypocrisie est d'actualité. Il y a quelque part de l'escroquerie par la religion. Les gens ont tendance à sympathiser et à faire confiance à des personnes qui montrent des signes de dévotion. Il y a beaucoup de Tartuffe parmi nous », a relevé à la fin du spectacle, Ahcène Benaziz, qui a reconnu la complexité du rôle de Tartuffe (Molière lui même avait évité d'incarner ce personnage, préférant celui d'Orgon). Pour Mohamed Tayeb Dehimi, l'adaptation des textes de Molière n'est pas difficile.« Il suffit d'y mettre du c'ur. On peut faire passer beaucoup de choses à travers l'humour, même s'il y a de la tragédie dans Tartuffe. Nous avons un projet d'adapter Les femmes savantes de Molière et Les cavaliers d'Artistophane », nous a-t-il déclaré. Selon Mohamed Tayeb Dehimi, le TRC entend mettre en valeur, en 2011, des textes écrits par des femmes. « Il n'y a pas une crise de textes. Il y a une crise d'intelligence. Il y a des problèmes dans le rapport à la création que peut apporter un artiste de par son talent et son expérience. Ce n'est pas lié au courage, car les artistes ne sont pas des hommes politiques. Nous procédons à des approches plus humaines », a-t-il souligné. Il a évoqué l'action commune au sein du TRC entre les comédiens de différentes générations. Ramzi Lebiadh, qui a joué le rôle de Valère, amant de Marianne, et Aïssa Redaf, qui a interprété le rôle de Monsieur Royal, en sont la preuve.
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Posté Le : 01/06/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Fayçal Métaoui
Source : www.elwatan.com