Algérie

TANT QU'IL Y AURA DES BERBÈRES DE RACHID EZZIANE Histoires de déportés en Nouvelle-Calédonie



Tant qu'il y aura des berbères. Titre que l'on ne peut trouver plus approprié ! Par cet écrit, Rachid Ezziane nous fait revivre la trajectoire des vies gâchées de tous les villages ayant subi la première barbarie des colons en Algérie sous la bannière du slogan : liberté, fraternité, égalité, puis plus tard, celui de démocratie ou intégration.
L'auteur, prolifique pour le bonheur de notre quête culturelle et historien en herbe, vient de nouveau nous conduire dans les méandres de la vie des déportés en Calédonie. Dans un livre de 175 pages, paru aux éditions El Maârifa, l'auteur nous plonge au début dans une panoplie de poèmes significatifs de ce récit, qui nous fait entrevoir un pan de notre histoire. Celle de nos Berbères. La nôtre ! Le début de son récit nous raconte la vie ô combien simple et pacifique des paysans et leur plaisir de se retrouver le soir venu sous un arbre, pour s'imprégner des souvenirs racontés par les plus vieux. «Ils n'avaient jamais été ni pirates ni corsaires ! écrit l'auteur. Et pourtant, dans les cales des bateaux grouillait le monde des gens enchaînés sous la houlette de soldats francs, impitoyables dans la vivacité des coups de fouet s'abattant inlassablement sur le corps rabougri des gueux : nos enfants ! Savaient-ils seulement ce qui leur arrivait dans le tourbillon de cette invasion ' Ils étaient douze ; enchaînés comme des bêtes de somme auxquelles leurs bourreaux et le séjour en mer, dans des conditions de survie inhumaines, avaient flétri le corps et l'âme. M'hand, l'un d'eux, tout en se remémorant sa belle enfance pour contrecarrer cette pitoyable traversée, narre cette situation, «ces chaînes» qu'il ne comprenait pas. Oscillant entre cette lugubre aventure et la rétrospective des multiples conquérants de l'époque transmise par leurs aïeux, M'hand nous décrit les faits journaliers d'hommes enchaînés dans cette cellule, dont le seul slogan était «Liberté». Pourtant, en ce matin de novembre 1833, les soldats français débarquèrent dans le village des Ath Yenni, proclamant le commandement de cette zone et ce qui s'ensuivra automatiquement : la spoliation de leurs biens, le déshonneur par le viol de leurs femmes et leur liberté perdue. Enfin, le lieu du débarquement de M'hand et ses compagnons est connu : la Calédonie ! Après avoir pris de court les soldats français dans leur camp, dans une attaque-surprise, les Ath Yenni, pour se protéger, se dirigèrent vers la montagne dans une longue procession composée de femmes, d'enfants et de bêtes. Le lendemain, avec une atrocité jamais égalée, les maisons de leur village berbère abandonné furent incendiées. Enfin, le débarquement des bagnards prit fin dans une grande bâtisse délabrée : première halte programmée. Le récit de l'ultime ascension vers la vallée oubliée et les préparatifs de leur nouvelle installation prirent fin simultanément avec l'invasion massive de soldats pour la conquête de la terre. De nouveau les prisonniers furent embarqués vers l'Iledes- Pins dans un vieux bateau sale et nauséabond. Dans le village naissant, les activités vont bon train et les soldats envahisseurs ne purent les retrouver nulle part. Un jour, l'imam leur apprit qu'une conjugaison commune de tous les villages avoisinants sous la houlette du chef de tribu Abdelkader s'imposait pour combattre l'ennemi. Enfin, les prisonniers arrivèrent au bagne où les éventuels fuyards ne pouvaient rencontrer que des requins avides de sang. Dans une réunion, Abdelkader finit par convaincre les plus récalcitrants de la nécessité d'arrêter l'avancée des impies sur le sol de leurs ancêtres. L'auteur, dans une dextérité exemplaire, nous replonge dans le récit de «Oued N'si» où les Ath Yenni voulaient en découdre avec l'ennemi, tandis qu'Abdelkader simultanément affrontait aussi le camp des villageois hostiles à sa démarche. Entre-temps, quatre années passèrent au bagne où les prisonniers étaient pris entre l'enfer du fouet et l'engrenage des travaux exténuants, où seul l'amour de M'hand pour Rosa et les mélodies de Omar atténuaient cet enfer. Après dix ans de bagne, M'hand et ses compagnons furent délogés de la prison mais pas de l'île ; avec comme instruction de fructifier des lopins de terre aride. Dans le village, le vieux Mouloud, responsable de la destinée des siens, devait trouver une solution à une famine qui avait tissé ses tentacules depuis belle lurette et dont la ténacité imposait un verdict définitif. Tout à coup, les deux fils de Mouloud se manifestèrent accompagnés d'un prisonnier français. Dans l'île avoisinante du bagne, M'hand et ses compagnons s'organisèrent pour construire leurs maisons, défricher et planter sur leurs lopins de terre l'olivier et le figuier : symboles de la mère patrie. Puis M'hand demanda la main de Rosa... Le vieux Mouloud réunit les habitants du village pour leur faire part de la prise d'otages d'un jeune français par ses deux fils. M'hand, après avoir construit en catimini une maison, demanda la main de Rosa dans un climat d'insurrection inattendu de plusieurs îles, où des prisonniers furent contraints de participer. Enfin, le calme régna de nouveau... Le vieux Mouloud décida de libérer le prisonnier français et de l'accompagner aux confins de sa caserne. Dans l'île maudite, le mariage de M'hand et Rosa rassembla tous les prisonniers des alentours. Le vieux Mouloud et le prisonnier français marchèrent jusqu'à la tombée de la nuit ; quand le soldat français, de par sa discussion avec le vieux Mouloud, comprit l'absurdité d'une guerre que les habitants n'ont pas cherchée ; quand malheureusement ils tombèrent sur des soldats. Le vieux Mouloud finit par rendre l'âme sous les sévices de ses tortionnaires qui voulaient connaître le lieu de son village. L'avancée des soldats français devenait inéluctable et il devenait impossible aux tribus des villages de juguler cette possession de leurs terres, l'une après l'autre. D'autres mariages furent célébrés dans l'île. Pourtant, malgré la reddition de l'Emir Abdelkader, la France coloniale refusa la liberté aux déportés algériens : arabes et kabyles. Akli, le fils du vieux Mouloud décédé, laissa à son tour son fils devenu grand s'occuper du village et partit rejoindre les autres frères pour en finir avec les hordes françaises. Le drame des habitants du village se perpétua dans le même procédé barbare des soldats français et beaucoup de Kabyles furent soit déportés, soit morts par le fer et le feu. Un recit historique que chacun de nous devrait lire. Rachid Ezziane a su combiner dans un seul livre deux histoires. Celles-ci ont trait au patrimoine kabyle de par les évènements de l'époque et la souffrance morale ou physique qu'ont subies les déportés et les villageois Aksouh


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