Algérie

Tanger, la tentation...



Le jour s?est déjà levé, mais des dormeurs sont encore sur les bancs. Le boulevard qui va du port à la plage est vide, si ce n?est quelques gamins en échappée libre sous les palmiers, sous un ciel gris. Le vent souffle du nord. Des vagues impressionnantes se brisent sur le rivage. On reconnaît les chômeurs qui traînent dès le matin aux terrasses de cafés. On croise un cireur bossu tapant avec une brosse minuscule sa boite. Que proposent tous ces camelots à la sortie de la gare, sinon... de la camelote. Aucune trace en revanche des habituels routards d?outre-Atlantique, en bande nombreuse et euphorique, accoutrés de leurs sacs à dos, qu?on voyait autrefois ici, à la recherche d?une fumée de hachich et demandant aux tenanciers des petites pensions près du port et sur la place du Grand Socco si c?est bien chez eux qu?ont vécu William Burrough, Jack Kerouac et Lawrance Ferlinghetti... Tanger était l?esquif des poètes camés. Une flottille de cargos les ramenaient ici, endormis entre deux sacs de blé, depuis les ports de New York ou de Philadelphie. A Tanger, ils trouvaient toujours pour leur séjour une pension délabrée et pas chère, mais surtout l?envie d?écrire et la liberté de fumer... Mais aujourd?hui, Tanger n?a plus cette vocation poétique ni simplement littéraire. Sur la terrasse pleine de bruits du Café de Paris, la table de Mohamed Choukri est vide. Il faut savoir que Tanger a décidé de devenir une ville de cinéma. Ce qui était à peine imaginable au Maroc s?est produit ici. Au moment où la Cinémathèque d?Alger, la première du genre au Maghreb, en Afrique, dans la région arabe, est dans une très mauvaise phase de liquidation totale, alors qu?à Tanger, une splendide cinémathèque a planté son décor dans les parages du vieux théâtre Cervantès. Alors, on envie déjà les foules de cinéphiles tangérois qui vont voir en un temps record tous les grands classiques du 7e art. Le cinéma au Maroc a rompu les amarres. Il y a quelques années à peine, c?était un terrain quasi désert. Les producteurs locaux brandissent des liasses de dirhams et les cinéastes savourent leur revanche et tentent de rattraper le temps perdu. Jusque là, pas de chefs- d??uvre encore, rien d?exceptionnel, parfois même c?est d?un niveau médiocre. Mais les choses bougent. La cinémathèque s?enrichit à mesure que les bobines, dons de l?étranger, arrivent. D?irréprochables salles de cinéma lèvent leurs rideaux. Tanger, par ailleurs vaste souk, où dans les ruelles, s?alignent des ballots de frusques en provenance de Chine, simili-cuir, simili-coton, est en passe de devenir l?harmonieuse attraction du cinéma maghrébin, avec ses deux festivals annuels. Une sacrée réplique à la ville rouge dont la manifestation est menacée de ressembler à un magazine people. Tanger cherche aussi à attirer les tournages de films américains à gros budgets mais dont les grands décors poussent plutôt du côté de Ouarzazate. La voie semble tracée pour que Tanger devienne aussi une tentation.


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