Algérie

Tanella Boni. Ecrivaine ivoirienne : Faire du football une vitrine pour la dignité de chacun



Pendant un mois, les journalistes présents et ceux qui relaient l'information, dans le monde entier, parleront d'autre chose que des malheurs de l'Afrique, de la faim, de la pauvreté, de la mal-gouvernance et de cette représentation du continent vue toujours sous le même angle, souvent avec des 'illères, sans nuance, sans histoire, sans contraste. Il y a d'abord une chose qu'il faut mentionner : quand le Mondial, qui a déjà une longue histoire puisque la première Coupe du monde a eu lieu en 1930, est organisé dans un pays d'Amérique (du Nord ou du Sud), un pays européen ou même asiatique, personne ne se pose la question de savoir ce que cela va apporter à tout un continent. A la limite, la question se pose pour le pays hôte. Or, il est vrai, pour cette 19e édition du Mondial, ce n'est pas seulement l'Afrique du Sud que l'on regarde, mais toute l'Afrique. Car l'Afrique, vue comme un continent pauvre, ne semble pas quitter l'esprit des décideurs, des investisseurs et de toutes les instances qui gouvernent le monde, même dans le domaine du sport. Et, dans le même temps, on sait que l'Afrique du Sud était sans doute parmi les rares pays, en Afrique, à inspirer la confiance de la FIFA, pour l'organisation de cette 19e édition. Le pays a tenu le pari en un mettant les moyens financiers et toutes les infrastructures, en espérant pouvoir récolter quelques bénéfices du point de vue de l'industrie touristique' Mais rien n'est simple. On attend la prestation des joueurs. C'est là le hic. On cite volontiers des noms connus et reconnus, comme Didier Drogba, Samuel Eto'o, Michael Essien et quelques autres.On les considère comme des héros au moment même où les équipes africaines, livrées à elles-mêmes, ne semblent pas faire le poids face à d'autres équipes, européennes, américaines ou asiatiques. On divise les équipes dans l'opinion publique, afin de fragiliser de plus belle celles qui ont du mal à trouver leur propre équilibre, à jouer vraiment en équipe.De tous les continents, l'Afrique constituerait-t-elle une exception ' Non ! Pour rompre avec cette représentation massive ou monolithique de l'Afrique, il faut revenir à quelques valeurs cardinales que l'on semble perdre de vue. L'estime de soi pour les joueurs et la confiance que leur accordent les supporters me paraissent des éléments très importants pour changer l'image de marque d'une équipe qui représente un pays. Il y a quelques jours, Joseph-Antoine Bell, ancien gardien de but des Lions indomptables, disait : « Il est temps, maintenant, que le football africain se mette au niveau de tout le monde afin qu'il puisse rivaliser sportivement. Et qu'il cesse d'être un appoint exotique à la compétition » (Le Monde magazine, du 12 juin). Je trouve ces propos très justes. Rien donc ne peut changer l'image de l'Afrique vue de l'extérieur, pas même un événement de l'envergure du Mondial si les premiers concernés, les joueurs, les sélectionneurs et tous les professionnels, ne mettent pas l'accent sur ces valeurs qui permettent à une personne humaine de relever la tête et d'être digne face à l'adversaire. Mais derrière les équipes, il y a aussi des Etats qui doivent, plus que jamais, cesser d'utiliser le football comme « l'opium des peuples » pour en faire, au contraire, une vitrine pour la dignité de chacun.


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