Algérie

Tam otage d'un seul modèle économique Asphyxiée par la fermeture des frontières


Tam otage d'un seul modèle économique Asphyxiée par la fermeture des frontières
Dans les venelles de l'Assihar, immense bazar de Tamanrasset, l'activité est au ralenti. Tam promise à un bel avenir en tant qu'important carrefour régional, la fermeture des frontières lui porte un coup dur.
Dans les venelles de l'Assihar, immense bazar de Tamanrasset, l'activité est au ralenti. Lotfi se tourne les pouces, allongé sur les couettes «made in China» entassées au beau milieu de son espace qui fait office de boutique. Lotfi vient de M'sila. Il travaille pour l'un des grossistes m'silis qui contrôlent ce type de commerce au Sud. «On tire le diable par la queue», s'énerve Lotfi. «Depuis que l'Etat a fermé les frontières avec le Niger, notre commerce est au point mort. Je pense aussi que depuis le début des problèmes au Mali, beaucoup d'Algériens du Nord ont quitté Tamanrasset», nous confie-t-il.
Le commerce de bazar n'est pas la seule victime de l'instabilité de la région. Depuis la fermeture des frontières, les itinérants, qui pratiquent le commerce de troc, ont suspendu leur activité. Il s'agit d'une crise «temporaire», rassure Saïd Meziane, wali de Tamanrasset. «En fait, nous avons plus de dynamisme dans le troc avec le Niger qu'avec le Mali, étant donné que la wilaya a plus de frontières avec le Niger qu'avec le Mali (environ 250 km seulement, ndlr)», ajoute le chef de l'exécutif pour qui les produits échangés sont infimes et l'activité du troc a peu d'effet sur l'équilibre économique local. L'économie de la wilaya, vouée à un avenir prospère selon les prévisions officielles, demeure cependant tributaire de l'importation-consommation contrôlée essentiellement par la diaspora nordique et l'activité touristique pratiquée depuis plus de trois décennies par les autochtones. Si la première profite peu à Tamanrasset, la deuxième, en revanche, fait vivre une partie de la population, notamment parmi les nomades fragiles.
Des saisons blanches et sèches
Selon hadj Boudjemaâ Benhebirèche, ancien membre de l'APW, «les étrangers qui viennent bivouaquer sous le ciel de l'Ahaggar sont partis pour longtemps, à cause de l'instabilité dans la région du Sahel. Le circuit est mort et avec lui des dizaines d'agences de voyages qui vivent de ce métier». Notre interlocuteur explique que les retombées toucheront aussi toutes les catégories employées par ces agences de voyages, à savoir les guides, les transporteurs, les cuisiniers, les chameliers, les femmes artisanes et aussi les petits agriculteurs qui vendent leurs cultures directement aux agences. Plus de 300 réservations pour un séjour touristique à Tam ont été annulées au lendemain de la prise d'otages d'In Amenas ; c'est dire l'intangibilité du facteur sécuritaire. L'événement qui a produit une onde de choc mondiale a obligé le ministère de la Culture à reporter sine die l'ensemble des manifestations culturelles prévues dans le Sud, à commencer par le festival Abalessa-Tin Hinan, dont la quatrième édition était prévue à partir du 14 février. Cela dit, les problèmes que vit le tourisme datent de bien avant le drame d'In Amenas, soutient le wali de Tamanrasset, selon lui, il s'agit plutôt d'un problème structurel. En effet, l'enlèvement, en 2003, de nombreux touristes de plusieurs nationalités par un groupe d'AQMI, a sonné le glas du tourisme dans la région qui venait à peine de reprendre son élan.
Le travel warning émis, plus tard, par le quai d'Orsay allait achever le peu qui restait, d'autant que la France est considérée comme un baromètre par les autres pays européens, quand il s'agit de l'Algérie, explique Ahmed Hamdaoui, président de l'Association des agences de voyages de Tamanrasset. Les interdictions se suivent en cascade. L'armée algérienne, pour en finir avec les enlèvements de touristes, a fermé le Tassili aux aventuriers qui bravaient encore le danger. Les retombées sont directes : les saisons deviennent blanches et sèches. En témoignent les chiffres de l'Office national du parc de l'Ahaggar. En 2009, le nombre des touristes en visite au Tassili Hoggar, à titre d'exemple, n'atteint pas 4300. L'année suivante, il chute à 788, puis à zéro en 2011.
De l'eau pour le développement
Beaucoup de propriétaires d'agences mettent la clé sous le paillasson et se tournent vers d'autres activités. Yacine Benhabirèche, propriétaire de l'agence Solane fol soulanes, a vendu son véhicule 4x4 et son matériel. «En attendant des jours meilleurs, je dois bien nourrir ma famille», dit-il avec regret.
Victimes collatérales, environ 5000 personnes se sont retrouvées au chômage et leurs familles privées de revenus, selon les chiffres de la direction du tourisme.
Les plus téméraires espèrent encore et leurs efforts ont été, à l'occasion des fêtes de fin d'année 2012, couronnés par l'arrivée de plusieurs centaines de touristes à destination du mont de l'Assekrem et de la zone humide d'Afilal. L'intervention de l'armée française au Mali et l'affaire d'In Amenas ont coupé court hélas à l'espoir et l'enthousiasme suscités par ce rush ponctuel. L'horizon s'assombrit de nouveau et le débat ressurgit sur la fragilité de ce produit si particulier, avec l'absence de stratégie de l'Etat et l'incapacité des professionnels locaux à se tourner vers le tourisme domestique. Option sur laquelle Air Algérie, partenaire incontournable, demeure insensible aussi. Pour mettre fin à cette fragilité économique, l'Etat a investi des budgets conséquents à travers le programme quinquennal et celui complémentaire destinés au développement durable de la région. Une dizaine d'entreprises publiques ont été mises en place et le secteur privé manifeste également son intérêt d'investir dans la région.
Cette dynamique, même timide, est générée par la résolution du problème d'eau, jusque-là obstacle à toute initiative. Il s'agit du «projet du siècle» qui permet désormais d'alimenter la wilaya de Tamanrasset à partir d'In Salah en eau potable. L'industrie en a besoin, l'agriculture aussi. A l'instar des civilisations qui sont nées aux abords de fleuves, Tam pourra, peut-être, s'inventer une force économique. Désormais, les atouts sont multiples.
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