Le vol de nuit
d'Air Algérie de ce mardi de février à destination de Tamanrasset est comble.
Illusion trompeuse. Seuls les nationaux ou presque l'occupent. La capitale de
l'Ahaggar est désertée des touristes. Ils sont dix
seulement à être recensés depuis septembre dernier. Contre 4200 pour la même
période en 2009. Un chaos qui commence à faire réagir la population liée aux
professionnels du tourisme. Car Alger bloque les visiteurs.
Les billets de la
compagnie nationale sont parmi les plus chers de la région. Tous les opérateurs
du tourisme le disent et le dénoncent depuis des années. En vain. Les Algériens
n'ont pas le choix. La capitale de l'Ahaggar est à
plus de 2000 km
d'Alger. Il faut au moins trois jours pour y arriver sur une route qui n'est
pas la copie parfaite de la fameuse 66 road américaine ! Ce mardi soir donc,
ils sont à peine cinq touristes à attendre l'arrivée des bagages sur un tapis qui
date des temps anciens. L'aéroport Aguennar de
Tamanrasset ressemble plus à un hangar où l'on peut transposer des légumes
frais qu'à un lieu pour accueillir des touristes. Sous la toiture, point de
plateaux de dattes ou de verres de thé de la bienvenue. Ce n'est pas la
pratique ici. Inutile de chercher un guide touristique sur les trésors de l'Ahaggar ou du Tassili N'ajjer.
Pas de livres, pas de cartes. Ceux qui viennent du nord doivent se débrouiller
pour avoir des documents ou des cartes détaillées. Ils laissent leur
imagination fabriquer de belles images sur la région saharienne qui est aussi
vaste que tout le continent européen. Les cinq touristes du mardi soir, trois
Françaises et deux Belges, sont une «denrée» rare dans ces contrées. En ville,
les agences de voyages chôment depuis plus de deux ans. «Il n'est plus possible
de mener nos clients dans le Tassili N'Ajjer ou au sud de Tamanrasset. Les
autorités nous empêchent de partir dans ces régions pour des raisons de
sécurité. Alors qu'allons-nous montrer à nos visiteurs ?», s'interroge un jeune
gérant d'une agence de voyages.
LES TOURISTES
INTERDITS DE VISAS PAR ALGER
Le retour du
phénomène du kidnapping des touristes étrangers dans la région sahélo-saharienne depuis 2008 a contraint les
autorités algériennes à limiter le déplacement dans les wilayas de Tamanrasset,
Illizi, Ouargla et Adrar. L'affaire du curieux
enlèvement du wali d'Illizi en janvier 2012 a compliqué davantage
la situation. «C'est un mauvais signe pour les tour-operators
européens. Ils estiment que l'insécurité règne toujours. Ils dissuadent les
candidats au voyage à venir au Tassili ou dans l'Ahaggar»,
a analysé un cadre à Tamanrasset. Selon plusieurs professionnels du tourisme de
la région, les ambassades d'Algérie dans les principaux pays émetteurs ne
donnent presque plus de visas aux visiteurs étrangers. «Sinon, ils imposent
beaucoup de conditions, prennent beaucoup de retard, ne répondent pas aux
appels, le but est de dissuader le touriste de venir», expliquent-ils.
Plusieurs capitales comme Madrid, Paris, Berlin, Rome et Berne ont émis des
notes diplomatiques pour conseiller leurs ressortissants de ne pas se rendre
dans le Sud algérien. Le travel warning américain a
été accentué pour la région du Sahel comprenant le Sahara algérien, le Niger,
le Mali, la Mauritanie
et la Libye. Côté
asiatique, les touristes japonais et coréens continuent à préférer l'Egypte, le
Maroc et la Tunisie
à l'Algérie. Du coup, la programmation de toutes les agences de la région est
gravement perturbée. «Les annulations se comptent en centaines», regrette un
jeune guide.
5000 EMPLOIS EN
JEU DANS LE TOURISME
A l'hôtel étatique
Tahat, les serveurs du restaurant sont heureux de
voir du monde venir à la faveur du troisième Festival international des arts de
l'Ahaggar (qui s'est déroulé du 14 au 19 février
2012). Cela donne un surplus de travail, de l'ambiance. «C'est mieux que
l'ennui habituel. Il fut un temps où l'on ne trouvait pas de place dans le hall
ou dans le restaurant tellement le nombre des touristes était important»,
confie l'un d'eux. L'autre hôtel de la ville, Tin Hinan,
tombe presque en ruines. Mal entretenu, cet établissement hôtelier est déserté
par les clients. Les campings de Tam tentent de
s'adapter comme ils peuvent à la situation. Ils accueillent des touristes
algériens en périodes de vacances scolaires en mars et en décembre. Le peuple
du Réveillon, qui débarque fin décembre, permet aussi aux gestionnaires de ces
campings de croire encore à cette activité en renflouant relativement leurs caisses.
A l'Office national du parc de l'Ahaggar (OPNA), un
responsable assure que la visite dans l'Ahaggar et le
Tassili va bientôt être autorisée. Aucune date n'est donnée à cela. A Alger, on
garde le silence total. Les chiffres donnent pourtant froid au dos : le nombre
de touristes étrangers est passé de 4200 en 2009 à à
peine 10 en 2011 ! En 2010, les visiteurs étrangers étaient en tout 700
seulement. Le manque à gagner pour la centaine d'agences touristiques de la
région variant entre 100.000 et 200.000 euros annuellement. «Nous allons mettre
au chômage nos employés. Nous n'avons pas le choix. Il n'y a aucune solution
alternative. Nos appels de détresse sont inaudibles», raconte Hamid, un jeune gérant d'une agence de tourisme. Depuis
quelques mois, des dizaines de chômeurs sont allés protester devant le siège de
la wilaya, signe d'un début de colère chez une population connue par ses
grandes capacités de patience et d'écoute. Mais, la patience a des limites.
Même le directeur du tourisme de Tamanrasset, Abdelmalek
Moulay, soutient les professionnels de la région souhaitant une aide de l'Etat
pour sauver presque 5000 emplois et maintenir d'une manière ou d'une autre
l'activité principale de l'Ahaggar. A Alger, on ne
semble pas encore avoir évalué la gravité de la situation surtout que la
relance de l'économie saharienne n'a jamais fait l'objet d'un véritable débat
national. Le discours sur «le développement durable» et «l'écotourisme» n'a
aucun intérêt pour les gens de l'Ahaggar. Inutile
d'expliquer les raisons.
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Posté Le : 28/02/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Kamel Hamzi
Source : www.lequotidien-oran.com