Algérie

Takfirisme séculier



Takfirisme séculier
Qu'est-ce que le takfirisme «historique» ' C'est la propension à déclarer Harki un adversaire, un Harki, un Autre, un différent ou un passant. La propension au procès pour traîtrise est, étrangement, extensible dans le Temps au-delà de l'Histoire : la France coloniale est partie, mais le procès est encore ouvert chez nous. Il est tombé dans le langage commun. Le mot est même unique dans l'histoire : il vient de harka, mouvement. Etrange (encore) généalogie : en Algérie, le Régime aime l'immobilité, la position assise, le temps mort, le plat. Le mouvement l'inquiète car il signifie changement, dissidence ou naissance et mort. Le mouvement n'est pas bon. Revenons donc après la digression : est déclaré harki tout le monde, personne ou chacun ou n'importe qui. Selon une ligne imaginaire qui sépare l'emportement et la vérité. C'est un peu le procès en inquisition de l'Algérie permanente. C'est en cela qu'il est le parent séculaire du Takfirisme, ce courant religieux radical qui décide à la place de Dieu si vous êtes musulman ou pas et qui vous tue si vous ne l'êtes pas selon lui, par lui. Et, étrangement, les deux mouvements tafkfiristes ont le même esprit, procèdent de la même psychologie abimée : rejet de l'Autre, procès de l'Autre, malaise avec l'Autre et solution finale pour nier l'Autre. A Oran, Le propriétaire actuel du FLN, Amar Saïdani, l'a bien dit, avant-hier : est Harki toute personne qui achète des voix pour se faire élire. Laissons de côté la logique politique, retenons l'inculpation sémantique, vague et à la fois précise. Le mot est un procès permanent. Il est un lieu de l'imaginaire : où se mêlent affect, frustration, solitude, prédation, inquisition et approximation. Est Harki celui qui est Autre. Cela n'a plus rien à voir avec l'Histoire, déjà, mais avec l'Altérité. Dès qu'il est rejeté, il est Harki. Parce qu'il parle une autre langue, pense autrement, est singulier. L'histoire, qui aurait pu être leçon, devient marécage. Est Harki le traître, mais celui qu'on n'aime pas, simplement. Le mot est complexe comme un tatouage.Le takfiriste séculaire parle au nom de l'Histoire, autant que le djihadiste parle au nom de Dieu. Les deux procèdent d'un imaginaire rigide : Dieu a parlé, je suis son représentant. L'histoire a tranché et je suis son juge. Le schéma est simple : il y a le Héros qui est parti à la recherche de l'Indépendance (Nedjma, fleur unique, rubis ou autre), il y a le traître (harki, dos d'âne, maladie ou faux sentier), le château sombre, le dragon de la colonisation qui sera vaincu et la fin démographique de «ils eurent beaucoup d'enfants» et donc de souci de relogements, de salaire, d'émeutes.Etrange géographie : l'islamiste takfiriste voit l'Amérique ou le diable ou Israël partout. Le takfiriste séculier voit la France partout chez les autres. Sauf quand il y habite, s'y soigne ou y loge ses enfants.




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