Algérie

Taisez-vous Monsieur Eric Zemmour



Monsieur le chroniqueur de l'infâme, Je vais vous rappeler une histoire récente. Bernard Madoff, un financier juif américain de haut vol (tiens, l'orthographe est étrangement ressemblante à celle de l'autre vol !) a escroqué des investisseurs, dont la plupart des juifs américains, pour la bagatelle de soixante milliards de dollars. L'a-t-il fait parce qu'il était juif ou parce que c'était un bandit dissimulé dans le costume trois-pièces du financier ' Il me souvient aussi d'une autre affaire un peu plus ancienne, dont les protagonistes étaient des juifs. Des frères Dalton du nom de Zemour (je ne sais s'ils vous sont apparentés ') sont partis de Sétif pour aller défrayer, quelques années plus tard, la chronique parisienne du grand banditisme. L'ont-ils fait parce qu'ils étaient juifs ou simplement avaient-ils une âme de bandits avides d'argent facile et de belle vie ' Mon très cher monsieur Zemmour, ces bandits-là, les Madoff et les Zemour, ne valent jamais que pour eux-mêmes, pas pour leur race. Des juifs illustres, de Maïmonide à Karl Marx, et de Spinoza à Philip Roth ont été de grands découvreurs de continents de la pensée, de la philosophie, de l'économie, des arts et des sciences. Ils ont éclairé le monde de leur génie et le monde leur doit tant. Leurs pathétiques descendants, squattant les plateaux de télévision et les cercles parisianistes, incapables, hélas, de s'élever vers de telles cimes, butinent l'intolérance et l'exclusion au ras de pâquerettes poussant sur le fumier lepéniste. Ne vous y fiez pas M. Zemmour ! Vous, les Finkelkraut, les Glucksman et autres Goldnadel, vous fouillez dans les poubelles nauséabondes du Front National et leurs miasmes vous resteront à jamais collés aux doigts.Vous en tirez une matière sale et explosive qui a fait tant de dégâts il n'y a pas très longtemps entre 1939 et 1945. Le Pen et ses allumés ne sont pas vos amis, je vous le dis, ni vos alliés. Au mieux, feront-ils de vous leurs affidés. Ils sont aujourd'hui à l''uvre contre les Arabes, mais méfiez-vous, quand ils en ont auront « terminé » avec nous, si jamais ils y parviennent, ils ne manqueront pas, soyez-en certains, de vous reprendre pour cible. Pour l'instant, ils sont occupés à régler avec nous des comptes que nous leur avons déjà soldés en 1962, en leur bottant le derrière et en les boutant hors d'Algérie. Comme naguère, des Justes français s'étaient compromis pour sauver des juifs français du hachoir nazi et sauvé l'honneur de la France, des Français comme le général de la Bollardière, le cardinal Duval et autres Henri Jeanson ont lavé en Algérie l'honneur souillé de la France coloniale. De même, des juifs algériens, comme Henri Alleg, Annie Steiner, Nicole Dreyfus, Daniel Timsit et autres Henri Curiel, ont aidé leurs frères algériens et sauvé l'honneur des juifs d'Algérie. Vous, dont pourtant les racines puisent dans l'histoire immémoriale de l'Algérie, avez choisi le silence, puis la fuite, après l'infamie du décret Crémieux qui vous fit jadis Français, vous les juifs algériens sémites pourtant. Je ne vous en veux pas d'avoir voulu vous mettre du côté du puissant de l'heure, mais faites au moins comme des juifs algériens dignes, tels Benjamin Stora, Roger Hanin, Jacques Attali et autres Jean Daniel. A défaut de faire à leur terre natale du bien, ils s'épargnent de lui faire le moindre mal. Vous êtes vous-même, me semble-t-il, un ancien d'Algérie, monsieur Zemmour ' C'est votre terre natale.Alors de grâce, dégustez votre thé et vos petits fours tranquillement et taisez-vous. Car, sachez mon bon monsieur, que dès qu'on décroche les étoiles du ciel pour les apposer sur le dos des hommes, qu'elles soient jaunes à six branches ou vertes à cinq branches, elles cessent d'être des étoiles pour devenir des cibles sur le dos de leur porteur, sur lequel des racistes de tous poils peuvent s'amuser à « faire des cartons », quand ils le peuvent, avec leurs fusils à bouchon. Apprenez au moins que ces porteurs d'étoiles cessent à leurs yeux d'être des hommes pour ne devenir que des youpins et des bicots. Alors, pas vous, pas ça ! Ne vous joignez pas à la curée. Le racisme et l'antisémitisme sont les deux mamelles où les bébés Le Pen tètent leur venin. Alors, ne nourrissez pas les vôtres à ce sein infâme. Et rappelez-vous ! Comme avait déjà averti l'autre : « Le ventre de la bête immonde est toujours fécond ». Et je peux vous rassurer aussi. De ce côté-ci de la Méditerranée, nous avons compris depuis longtemps, depuis le temps que nos frères subissent leurs exactions en France, que les chemises noires ne nous pardonneront jamais, au grand jamais, de les avoir battus ici. Ils n'avaleront jamais qu'un peuple qu'ils ont soumis au fer et au feu pendant 132 années ait pu trouver cette formidable énergie et cet incomparable esprit de corps, avec des tire-boulettes et des frondes pour seules armes, pour mener à la victoire, et à leurs dépens, la plus grande et la plus retentissante des guerres de libération du XXe siècle. Nous, nous le savons. L'islamophobie, si à la mode et si politiquement correct aujourd'hui en France, n'est que la burka sous laquelle Le Pen et ses comparses tentent de dissimuler leur algérophobie. Car comment expliquer autrement qu'en voulant stigmatiser la prétendue « invasion islamiste », ils aient choisi de mettre sur leur affiche, pour ne pas faire amalgame (sic !), non pas le drapeau vert de l'Islam, mais celui vert et blanc brillant d'étoiles d'Algérie ' Et au passage, pourquoi pas, ce qui aurait été aussi exécrable, le drapeau du Maroc, de la Tunisie ou de la Turquie, pourtant frappés d'étoiles ! Je vous le dis, monsieur Zemmour, vous qui essayez de briller à peu de frais sur notre dos.De vos anciennes colonies, vous êtes sortis bon gré mal gré, mais d'Algérie vous fûtes chassés de mal gré, défaits et la queue entre les jambes, sans aucune autre forme de rémission. Alors vous pouvez toujours vous en prendre à nous de là-bas, à partir de vos douillettes retraites, mais vous le savez bien en votre for intérieur ; nous avons gagné chèrement notre peau d'Algériens et l'histoire nous a déjà fait parader en vainqueurs sur ces grandes avenues. Cette vérité vous l'admettrez un jour ou l'autre à votre tour. Vous avez déjà commencé. Notre guerre de libération ne ressemble plus chez vous à des « événements d'Algérie », mais comme il se doit, à une vraie guerre où de vrais hommes ont battu d'autres hommes qui ont accepté leur défaite dans l'honneur et qui se sont tus. Vos timides excuses présentes sur les massacres du 8 Mai 1945 se transformeront un jour, je vous le promets, en demandes de pardon, puis plus tard en repentir. La vérité sur l'assassinat de Ferhat Hached est en train d'émerger et celle sur celui de Mehdi Ben Barka suivra. Les enfants de Tunisie et du Maroc demanderont alors des comptes à vos enfants et en exigeront le repentir. La vérité sur l'assassinat de Larbi Ben M'hidi sera connue elle aussi un jour et, c'est une implacable exigence historique, ni vous ni tous les Aussaresses réunis n'y pourrez rien. Les enfants d'Algérie demanderont alors des comptes à vos enfants pour les enfumades du Dahra, les massacres de Sétif et les huit années de tueries que la France coloniale a commis chez moi entre 1954 et 1962. Peut-être pas la France de Nicolas Sarkozy et de sa génération, mais sûrement celle de son petit-fils Solal et de la sienne.  L'auteur est : Ecrivain


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